Après une bonne préparation estivale avec de grosses sorties de plus de 300 kilomètres avec de gros dénivelés positifs dans les alpes, j’étais confiant mais quand même un peu inquiet par rapport au défi qui m’attendais (620 kms, 16 cols et 16000 mètres de positifs ).
Le vendredi matin, le départ approchant, le stress commençait à arriver. Je fais le point avec mon équipe ( ma femme, mon oncle et ma tante).J’avais déjà repéré Omar Di Felice le vainqueur de l’an dernier et qui partait le dernier, 40 minutes derrière moi. Les départs se font toutes les 3 minutes. Je me lance à 11 heure 15.
Les sensations sont très bonnes dès le premier cols, cela me rassure. Dans le passo Madean je rattrape une dizaine de personnes partie avant moi.
Le second col, le monte Grappa (km 50) s’enchaine directement. Je me retrouve second à pointer au sommet. Dans ma tête, je ne me projette pas sur les 14 cols qu’il me reste à franchir mais au contraire je me focalise sur le col suivant.
Une longue vallée avec de multiples tunnels nous emmène au passo Gobbera (km 150). Un des seuls col très roulant du parcours. Au fur et à mesure du temps, tout devient mécanique : je m’alimente machinalement, je me concentre sur mon effort et j’occulte les autres concurrents pour gérer au mieux mon effort.
Le passo Broncon (km 170) se présente tout de suite. Il est très régulier, ce qui me rappelle nos cols alpins.
Après une longue descente et une traversée de plaine, changement de décor avec le redoutable passo Manghen (km 200) et la nuit qui arrive. C’est un col avec de forts pourcentages, je double le dernier cycliste qui s’était élancé avant moi. Je me retrouve seul devant dans le derniers kilomètres qui me paraissent interminables. Au sommet je passe en mode nuit : lumière sur le vélo, vêtements chauds et lumineux.
Après une descente très rapide, dans la traversée de la ville de Cavalese, dans un rond point je loupe la route qui devait me conduire au second pointage et je rentre dans une succession de tunnels de 5 kilomètres. Je dois obligatoirement reprendre la route parallèle pour aller pointer au village de Tesero. Je fais donc 20 kilomètres de trop. Après le pointage, je vois arriver Omar di Felice. Le moral dans les chaussettes, je comprend que la victoire s’éloigne. Je monte avec lui le passo San Pellegrino (km 250). Je suis plus à l’aise que lui dans les montées mais il fait vite la différence dans la descente qui suit le col.
Je me retrouve donc seul dans le passo Fedaia (km 290) pensant ne plus revoir Omar. Je me refocalise sur mon effort et mon alimentation. Arrivée au sommet, à ma surprise, Omar était encore là, visiblement affaibli.
Nous repartons ensemble en direction du passo Pordoi (km 320), où je prends quelques mètres d’avance au sommet. Une nouvelle fois il me distance dans la descente du col et je monte le passo Campolongo (km 340) seul. Au pied du passo Valparola (km 355), je rattrape Omar, visiblement en difficulté. Je continu sur mon rythme et je le distance, pensant qu’il ne reviendrait plus sur moi. Au sommet du passo Giau (km383) le jour arrive, le moral est bon et je commence à croire que la victoire est possible. Les ascensions du passo Staulanza (km 400) et du passo Duran (km 422) se passent très bien.
La chaleur arrive dans le passo Aurine (km 450). Je commence à me sentir affaibli mais je reste confiant quand à la suite jusqu’au moment où je vois revenir sur moi Omar qui s’est refait une santé. Je prends un gros coup au moral quand il me rattrape. Il me semble beaucoup plus frais que moi, je commence à douter.
La plaine de Belluno se traverse dans une chaleur étouffante. La montée de l’Alpe de Nevegal (km 510) est terrible avec ses énormes pourcentage (environ 15 %) sur 6 kilomètres. J’étais limite à poser le pied à terre.
Le passo Crochetta avec ses 7 kilomètres à 13 % arrive rapidement sans que je puisse reprendre des forces physiques et mentales. Sans mes accompagnateurs qui m’ont beaucoup soutenu et encouragé dans cette ascension, j’aurais abandonné.
Après une courte et ultime descente, je traverse une plaine machinalement, je ne vois plus personne et j’entends plus rien. Je demande sans cesse à mon équipe combien de kilomètres il me reste et me pose la question sur ma raison d’être ici.
J’avais oublié qu’il me restait une dernière difficulté, il Muro del Poggio, 1,1 km à 20 %. Je suis au bord des larmes, j’occupe toute la route en zigzagant. Mon développement de 38/28 ne me suffit plus pour monter droit : c’est terrible !!!!!
Je n’ai jamais souffert autant sur un vélo. Il me reste 20 kilomètres qui me paraissent interminables. A l’arrivée, une immense joie m’envahis, chose que je n’ai jamais ressenti sur un vélo.
Omar m’attendait, il est arrivé 20 minutes avant moi. Il me félicite car selon lui, c’est grâce à sa connaissance du terrain et à son expérience des ultras qu’il a pu gagner. Je suis heureux d’avoir partagé ses moments avec un homme généreux comme lui pendant mon premier véritable ultra. Bien qu’avoir fait Paris-Brest-Paris en 2015, c’est complètement différent lorsque l’on se retrouve seul dans l’effort.
Je suis allé au bout de mes forces, j’avais du mal à marcher, avec des douleurs musculaires au dos dû au braquets insuffisants dans les derniers cols. Le lendemain, j’avais déjà récupéré et d’autres défis commençaient à germer dans ma tête.
Un grand merci à Authentic Nutrition pour les produits énergétiques qui sont de grandes qualités, car je n’ai eu aucun problème de digestion et aucune baisse de régime durant toute l’épreuve. Merci à Poc de m’avoir fourni un matériel performant tout au long de cette saison. Et enfin merci à Baty Cycles (La Bathie), pour leur soutien et leur disponibilité.