A l’occasion de la Ronde Tahitienne, dont la 3ème édition a eu lieu dimanche sur la côte est de Tahiti, Vélo 101 est parti à la découverte du cyclisme polynésien à travers une série de reportages consacrés au vélo du bout du monde.
« Est-ce que des femmes ont déjà participé au Tour de France ? » « Où est-ce que dorment les coureurs entre deux étapes ? » « Est-ce que les coureurs se jouent de mauvais tours ? » Le Tour de France, les enfants de l’école élémentaire Tuterai Tane de Pirae, à Tahiti, en ont très vaguement entendu parler, mais pas de là à s’en faire une image concrète. Pourtant, le thème sur lequel il leur a été donné de travailler ces deux derniers mois, dans le cadre des festivités qui ont entouré la Ronde Tahitienne, les a fascinés. Désireux d’associer le sport cycliste à la santé, au tourisme et à l’éducation dans les Iles de la Société, les organisateurs polynésiens ont proposé à des classes de CM2 et de Seconde de travailler sur la commémoration des 100 ans de la Grande Guerre avec pour thème l’utilisation faite du vélo dans le conflit de 1914-1918.
« C’est une excellente idée pédagogique, félicite Raiarii Balducci, professeur des vingt-six élèves de CM2 qui ont consacré tous leurs après-midis au sujet ces deux derniers mois. Nous sommes partis de l’objet technique qu’est le vélo pour aborder ce thème de la guerre. Dès lors, grâce à un outil qu’ils utilisent tous, les enfants ont manifesté davantage d’intérêt. » Sur la base des recherches effectuées par les écoliers, trois thèmes ont été dégagés : l’évolution du vélo, son utilité et son importance dans la Première Guerre mondiale, et les champions cyclistes morts au combat. Des thèmes qu’ils ont traités en classe à travers toutes les disciplines : français, géographie, arts plastiques, technologie, et bien entendu histoire.
« On a fait des recherches dans des livres et surtout sur Internet, mais ça a été difficile de trouver des informations, précise Samiley avec entrain. A la bibliothèque de l’école il y avait un seul livre traitant du Tour de France mais il ne parlait pas de la guerre. » A côté d’elle ses camarades de classe Loïse et Jean-Pierre se réjouissent d’avoir beaucoup appris grâce à leurs travaux de groupe. « Moi le vélo j’en ai un mais je ne connaissais pas du tout son histoire, poursuit Samiley. Quand tu commences à entrer dedans, tu te rends compte que c’est très intéressant. »
De leur côté, les élèves du lycée Samuel Rapoto ont mis à profit leur option Création Culture Design pour réaliser une exposition photo inaugurée vendredi dernier à la mairie de Pirae, à deux pas du vélodrome de l’île. Là encore, à partir de documents photographiques, il leur a fallu se prendre au jeu d’une discipline qu’ils connaissent autant que le va’a dans les lycées métropolitains ! « Autant on étudie la guerre en histoire, autant le Tour, à part savoir que ça se déroule chaque année…, confesse Salena. Mais faire le lien entre les deux a du coup été très intéressant. »
Vendredi, donc, les travaux respectifs des scolaires ont été présentés à la mairie de Pirae à l’occasion d’une journée consacrée au souvenir de la Grande Guerre en collaboration avec l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale. Invité d’honneur, l’ancien commentateur du Tour de France Henri Sannier a été très impressionné par le travail réalisé. Qu’est-ce que les élèves tahitiens nous apprennent à l’aube des commémorations du centenaire ? Que la Grande Guerre éclata le jour du Grand Départ du Tour de France 1914. Que l’usage de la bicyclette à des fins militaires fut évoqué pour la première fois en 1887 par le prince Potemkine dans l’ouvrage « Cyclisme et son application dans les affaires militaires ». Que les Poilus utilisaient des vélos pliables qui facilitaient leurs déplacements et qu’ils transportaient sur leur dos…
A sa reprise en 1919, six mois seulement après la signature de l’Armistice, le Tour de France doit faire face à une pénurie de matériel, les industries du cycle reconverties en industries de guerre pour la fabrication d’armes n’ayant pas encore repris leurs productions d’origine. Les routes sont endommagées, certains coureurs sont encore retenus dans les différentes bases, d’autres ont péri au combat. Lucien Petit-Breton vainqueur des Tours 1907 et 1908 a trouvé la mort le 20 décembre 1917 à Troyes dans un accident automobile. François Faber vainqueur du Tour 1909 est mort le 9 mai 1915 à Carency lors de la bataille de l’Artois. Octave Lapize vainqueur du Tour 1910 est décédé le 14 juillet 1917 à Toul dans un combat aérien.
Il y a deux mois encore, les élèves de Pirae ne savaient rien du Tour de France. Aujourd’hui ils manifestent un vif intérêt pour le sujet, en attestent les multiples questions spontanées qui ont fusé à l’attention d’Henri Sannier, lequel a pris soin d’expliquer au mieux les us et coutumes de la planète cycliste. D’ores et déjà, Raiarii Balducci se dit prêt à reconduire l’expérience avec ses élèves l’année prochaine. « Ils ont tous adhéré au projet, se réjouit le professeur. Et depuis certains veulent même faire du vélo ! »