Depuis près de quinze ans maintenant, la Cannibale joue l’alternance. Une année le village partenaires, la remise de dossards, et la remise de la bouteille « cuvée Cannibale » (trois couleurs au choix) à la cave de Bedoin. Pour elle, cette année, c’est bingo car évidemment le chiffre d’affaires vin, mais surtout les bars et les restaurants, ne désemplissent pas. L’autre versant célèbre, Malaucène, accueille les participants des Cannibale (175 kilomètres, six cols dont deux fois le Ventoux) et Cannibalette (130 kilomètres, quatre cols). Et la troisième mi-temps avec la soirée « fête de la musique », très déhanchée et décibellisée (!) qui se termine au petit matin, soit près de vingt-quatre heures après le début des hostilités sportives. Retour sur l’événement dans la roue d’un participant, Jean-Jacques Lambotte.
« Arrivée à Malaucène, pluie forte, 10°. Maximum… Je sors le vélo, moral au niveau -2. Je croise des gars à vélo qui vont vers le départ : quelques-uns sifflent un air (de pluie ?) plus ou moins entraînant, les autres (95 %) jettent des regards inquiets vers le ciel et les contreforts du Ventoux. Je traduis le flamand : m’enfin, il pleut ici au Ventoux ? Comme dans les Vlaanderen (Flandres), finalement. Je me place à la fin du peloton (juste après le rond-point qui vient de Vaison, on n’est pas tout seuls en tout cas). Et la pluie qui redouble. Qu’est-ce que je fais là ? Départ, je crève de froid. Montée dans la pluie, qui se calme à mi-col. Un paquet de gars redescend. Dans les nuages, 120 % d’humidité. Là-haut, je suis gelé. En descendant, je confirme que le freinage carbone n’est pas top. La descente est neutralisée, ça ne la rend pas moins froide, malgré le pédalage continu dans cette partie.
Arrivent à Sault des coureurs congelés qui vont revenir à la normale tout au long de la matinée et au fil des cols que, Belges ou pas, il vout faut absolument découvrir et qui, s’ils sont dans l’ombre du Ventoux, n’en sont pas moins sportifs et superbes : Aulan avec sa rivière, le long col du Perty, le col Saint-Jean, puis une transition plane avant Séderon et le col de l’Homme mort (1242 mètres), qui a sur son porte-bagage le col de Macuègne, où on peut dire que « le plus dur est fait ».
A 20 kilomètres à la ronde de Malaucène, on était en Belgique. Une voiture immatriculée en France pour quinze plaques belges. Si l’Alpe d’Huiez a été hollandaise, le Ventoux est bien belge. Hôtels, gîtes, chambres d’hôtes ainsi que restos et bars : un taux d’occupation très élevé qui donne le sourire aux commerçants. Et les Belges, ça consomme ! 1800 compagnons (donc belges à 95 %) d’infortune, 1300 au départ et 1000 participants qui ont franchi la ligne de fin d’épreuve. Le mot est de circonstance.
Une organisation au top, des ravitos à profusion (mais pas de café chaud…). Ah, les gaufres liégeoises, c’est du plaisir à l’état pur. A consommer plutôt l’hiver qu’au mois de juin, mais indiqué sur un Ventoux lorsqu’il est de mauvaise humeur. Chapeau bas à ces courageux qui ont voulu aller jusqu’au bout. Des guerriers. De tous les peuples de la Gaule, les Belges etc. Je vous renvoie à un certain Jules C. Un mot aussi des signaleurs, stoïques sous leurs parapluies ou leur capuchon. Véhicule d’assistance, motos : certaines (vraies) courses sont moins bien encadrées.
Cette année, pas de Cannibale pour cause d’opération (Eddy Merckx a été opéré d’une hernie discale). Prompt rétablissement, Eddy, à l’année prochaine. On t’aime. Pas de Cannibale donc, mais quelques gars qu’il aurait mieux valu éviter dans leur jeune temps : je veux parler du gratin de la garde brune de notre Eddy : Joseph Spruyt, Jos De Schoenmaecker, Willy Vekemans (jamais équipier mais très proche du roi Eddy). Des noms qui parlent aux passionnés de vélo. Des fidèles du champion, nés aux alentours de 1945, qui roulent toujours avec lui : 70 kilomètres deux à trois fois par semaine. La grande classe. Des champions hyper sympas et toujours disposés à donner une interview. Autre champion présent, mais d’une époque toute récente : Bart Wellens, ancien champion du monde de cyclo-cross. On ne compte plus ses victoires.
Mais le vélo au Ventoux n’est pas remisé au garage pour autant : à peine séché, ça repart ce dimanche avec la GFNY Mont Ventoux : un parcours en partie commun avec la Cannibale. Cols de Macuègne et de l’Homme mort, Aurel, Sault et cette fois la montée royale côté Bedoin pour terminer. Faudra garder un peu de jus.
Les organisateurs ont commandé le soleil, à ce qu’il paraît. Mais le patron c’est de toute façon le Géant de Provence. Humilité, respect et prudence. Il en a maté de plus coriaces que nous. On aura l’occasion d’en reparler quand, le 14 juillet, le Tour s’y aventurera. Mais là on entre dans un autre monde. »