Le Collectif citoyen Bédoin Ventoux a le sens de la communication, rien à dire. Rendez-vous un samedi en fin d’après-midi, une semaine juste après le premier rassemblement. On y va à vélo tant qu’à faire, gros plateau puis petit plateau obligatoire, les deux versions d’un projet aussitôt né sur la place publique, aussitôt controversé. Les questions sont de Vélo 101, mais les réponses multiples. En effet, pas de photo des interviewés, ils sont un groupe, un collectif. Les clichés ne seront que ceux du rassemblement et du symbole No All Bike. Recorder ON, c’est parti :
Dans quel esprit êtes-vous après ce premier rassemblement et les 450 signatures obtenues ?
On est plutôt content d’être arrivé à mobiliser les gens du village lors de ce premier rendez-vous. On est assez serein, on sait qu’on a du travail pour pouvoir mener à bien toutes les batailles contre ce projet, mais on sait aussi maintenant que l’on est soutenu.
Votre objectif est de rassembler combien de signatures ?
On ne s’est pas fixé d’objectif en particulier, mais on essaye de fédérer un maximum de personnes. On voit bien que le rassemblement, qui a eu lieu seulement une quinzaine de jours après la création du collectif, a attiré beaucoup de monde, c’est donc encourageant pour la suite. Cela présage un nombre croissant de personnes qui vont nous rejoindre sur du long terme. Et ça, c’est très positif.
Quelque part, espéreriez-vous un référendum ?
Ça, c’est ce que demande, apparemment, l’opposition municipale. De notre côté, on n’est pas forcément dans cette démarche. Nous, ce que l’on pense, c’est que ce projet n’a pas sa place dans le village, et qu’il y a d’autres choses qui peuvent être proposées. On est sur cette ligne là, et pas sur le fait de demander ou non un référendum.
S’il y avait une étude de faisabilité avec des conclusions rendues publiques, vous accepteriez d’y participer ?
Non, parce que le projet même de construire 3 hectares d’infrastructures à moitié enterrées, c’est cela qui nous pose problème. Parce qu’avoir des projets viables pour le village, oui il en faut, et il en faudra de plus en plus, même autour du vélo, ce n’est pas le souci. Le problème, c’est ce projet de faire un hôtel de grand luxe, avec un vélodrome enterré et une galerie marchande, qu’il soit viable ou pas.
Dans l’échelle de ce qui vous perturbe le plus, est-ce la notion de vélodrome, de galerie marchande ou de perte de 3 hectares dans une zone agricole ?
C’est l’ensemble, le projet global qui pose problème. Et, honnêtement, on pense, comme beaucoup de gens, que les cyclistes qui viennent faire du vélo au Ventoux, c’est parce qu’ils veulent monter un col mythique. Nous imaginons mal les gens venir s’enterrer pour faire des tours de piste. Le vélodrome ne s’adresse pas du tout au même public. Certains viennent parfois de très loin pour gravir le Ventoux, s’ils ont besoin d’aller dans un vélodrome, ils peuvent aller ailleurs en France ou il y en a déjà.
Que pouvez-vous dire à ceux qui vous reprochent d’être anti « tout » ?
Ça, c’est la grosse attaque que l’on peut faire sur un collectif naissant. Quand on monte un collectif, il faut être tout de suite efficace, c’est-à-dire que l’on a besoin de communiquer, de se présenter. C’est ce que l’on a fait le 18 novembre, et donc de rassurer les gens susceptibles de nous rejoindre. On est obligé d’avoir un but, et le notre, c’est qu’All Bike ne se fasse jamais. Par contre, on n’est pas anti « tout » parce qu’on va faire des contre propositions. On s’est organisé en commissions, et on va présenter à la commune et à celles alentours des projets cohérents avec, on pense, la vie à Bédoin, ce village qui nous a accueillis, mais qui accueille aussi des familles depuis de nombreuses années, certains y étant même nés. On sait très bien qu’All Bike n’est pas cohérent. On n’est pas anti « tout », mais seulement dans une réflexion certainement plus complexe que les gens partants derrière des investisseurs qui eux, par contre, ne nous proposent rien de probant, et qui ne nous amènent pas, pour l’instant sur la table, des éléments positifs.
Vous parliez de propositions, vous allez les faire sous quel calendrier et dans quel sens ?
On n’a pas de calendrier puisque le collectif est récent. On est conscient d’être parti pour une lutte qui risque d’être longue parce que l’on veut travailler sereinement, et pas dans la précipitation, ni dans des bagarres classiques, disons frontales. Mais, étant donné que l’on veut amener des contre propositions, on s’organise. Et, le calendrier va certainement être aussi en fonction de la pression qu’on va nous mettre. Si All Bike décide dans 3 semaines de lancer les travaux, ce qui est impossible car il faut faire une révision du PLU, on sera obligé d’accélérer. Par contre, on se donne le temps et l’intelligence de réfléchir collectif et d’amener aussi des idées cohérentes avec notre vision des choses, l’écologie, le côté social, et l’emploi, qui est quelque chose d’important sur Bédoin.
Aimeriez-vous avoir accès au comité de pilotage du projet ?
Non, car il a été clairement mis en place pour accompagner ce projet là, et tous les discours du maire de Bédoin vont dans ce sens. Ils seront vigilants dans la façon dont ça va être organisé, au niveau de l’architecture, et seront très pointilleux sur la moindre taille de fenêtre, c’était leur argument, mais en aucun cas, ils n’ont prévu que ce projet s’arrête. Donc, il n’y a aucune raison que l’on soit dans ce comité de pilotage, puisque l’on est contre ce projet.
Si le projet devait échouer, ça créerait une friche touristique, pensez-vous qu’il devrait y avoir un fond de garantie déposé par son porteur afin d’assurer que les terres soient remises dans leur état initial en cas de faillite ?
Ce serait une bonne idée, car c’est un vrai problème. Que devient ce projet là s’il n’est finalement pas rentable ? Et puis, les terres, avec un tel projet enterré, seront définitivement incultes. On ne pourra pas retrouver la terre agricole à l’origine. Donc, un fond de garantie devrait être le minimum, or la mairie parle d’obtenir un certificat de bonne fin de travaux, c’est juste de bonnes intentions, mais ça n’engagera à rien du tout les porteurs du projet et les investisseurs. C’est un gros risque pour notre commune de se retrouver avec un complexe qui ne fonctionne pas.
Par rapport aux toits végétalisés, avez-vous fait une simulation de la consommation d’eau qu’ils pourraient entraîner ?
Tout dépend du choix des plantes qui seront mises sur la toiture, certaines peuvent ne pas consommer beaucoup d’eau. Après, si on est sur des murs végétaux, là oui, ça consomme énormément, et surtout, dans une région comme la notre ou il y a beaucoup de sécheresse. Concernant les exemples que l’on a autour, il y a un coût important en eau, mais aussi en entretien, puisque, souvent, les plantes meurent, et il faut les replanter.
Dans tous les cas, on est typiquement dans du brainwashing, c’est-à-dire que l’on prend un projet pharaonique bétonné dans tous les sens avec aucune pertinence écologique, et on va y rajouter un peu de vert à droite, à gauche, avec des toits végétalises. Puis, on dit que c’est quelque chose qui s’intègre parfaitement dans le paysage. Mais, « qui s’intègre dans le paysage » ne veut pas dire écologique, bien au contraire.
Que pouvez-vous répondre aux gens qui disent qu’il n’y a pas assez de capacité hôtelière sur Bédoin ?
On a déjà commencé à recenser la capacité d’accueil sur Bédoin. Il ne faut pas croire que c’est un petit village qui reçoit occasionnellement des touristes. On a une grosse capacité d’accueil que se soit sur les gîtes, les hôtels ou les campings. Ce que nous avons déjà comme information c’est qu’il y a des hôtels, y compris haut de gamme, qui ne sont pas à plein rendement, c’est-à-dire qui ne remplissent pas toutes leurs chambres à l’année, et même à la saison. On va bien recenser ça, et réfléchir après à cette idée d’hôtel.
Concernant l’hôtel prévu au projet, il s’agit d’un « 4 étoiles », donc qui ne s’adresse pas forcément à la clientèle que l’on a sur le village. Parce que les cyclistes qui viennent à Bédoin, ils ne tournent pas tous avec des Porsche ou des Lamborghini… Nous, c’est pour ces gens là que l’on aimerait avoir quelque chose, qui soit dans leurs attentes. La, on s’adresse à un public de riches, et ce n’est pas forcément ce que l’on veut sur la commune.
Quel est votre point de vue sur fait que le vélo à Bédoin est un élément, certes, très important en matière de tourisme, mais seulement de mi mai à mi septembre, et que l’idée d’un vélodrome puisse, peut être, étendre la saison ?
Il suffit juste de se renseigner sur la fréquentation des vélodromes qui existent déjà en France. Sur internet, on voit plein de vidéos de vélodromes vides de spectateurs lors de compétitions. Le cyclisme sur piste n’a pas le même impact médiatique que sur route. La, c’est vraiment une niche particulière du cyclisme qui ne permettra pas d’agrandir la saison touristique sur Bédoin. Les vélodromes qui existent déjà ont du mal à faire le plein, ce n’est pas en en rajoutant un ici qu’on va y arriver…
Par contre, Bédoin a beaucoup d’atouts, et on pourrait développer d’autres choses sur le Ventoux, des activités de nature qui, elles, peuvent avoir lieu une grande partie de l’année, par exemple.
Justement, ne pensez-vous pas que, par rapport au Ventoux, il devrait y avoir des activités complémentaires telles que la rando, le trail, mises plus en avant ?
Oui, probablement, sachant que, de toute façon, on travaille sur ces autres opportunités qu’offre le Ventoux en commissions. On essaye de faire un état des lieux de toutes les possibilités que nous avons afin d’être capables de diversifier l’offre d’activités sur le Ventoux, et de ne pas se focaliser sur une seule, à savoir le cyclisme.
Vous soulevez avec justesse le problème de la cohabitation entre les locaux et les cyclistes, croyez-vous qu’une meilleure concertation entre les communes du Ventoux pourrait arranger ce point noir ? Avec des solutions telles que des cyclistes qui montent d’un côté et redescendent de l’autre, des jours sans voitures le matin…
La fermeture de la route est un sujet délicat pour les Bédoinais parce que le Ventoux est habité jusqu’au sommet. Donc ça, c’est un point compliqué. Mais, il est sûr que devant le nombre important de cyclistes, il faudrait qu’il y ait une concertation entre les différentes municipalités pour les 3 montées, plus le département à qui appartient la route. Ils pourraient mettre en place des choses afin d’accueillir de façon plus décente, et avec plus de sécurité les cyclistes, et en même temps, pour que la cohabitation avec les habitants se passe mieux. Ce n’est probablement pas très compliqué à faire, mais il faut simplement s’emparer du problème.
Avez-vous, aujourd’hui, la crainte d’un passage en force et, à l’inverse, celle que le projet durant, vous vous rapprochiez un peu trop des élections municipales et, auquel cas, All Bike deviendrait un vrai projet politique ?
C’est ce qui risque de se passer, car les élections vont arriver dans 2 ans, et le projet ne va pas pouvoir se mettre en place du jour au lendemain. Ce projet là va impacter la vie du village de manière importante pendant de nombreuses décennies, donc forcément, ça va se cristalliser à ce niveau là. Mais, de toute façon, ce projet nous semble être une très mauvaise réponse à la problématique que l’on a autour de ce que l’on souhaite développer comme économie au sein du village. On a une période de l’année courte, mais très dense en cyclistes, et le fait d’avoir ce type d’infrastructure ne va pas régler ce problème là. Au contraire, ça va même l’accentuer, puisqu’il y aura évidemment d’avantage de personnes qui viendront pendant la période estivale, mais pas plus en hiver pour visiter le Ventoux.
Retrouvez le point de vue de la mairie, mercredi 13 décembre.