William tu vas représenter la France aux championnats du monde masters, comment a germé cette idée ?
J’adore les défis. Mon retour sur un vélo en est un qui marquera ma vie. J’ai voulu pousser l’expérience en m’offrant une vraie préparation en 2015. J’ai alors atteint un niveau qui m’a permis d’avoir des objectifs plus ambitieux. Pour 2016 il me fallait de nouveaux challenges. Je me suis alors fixé un planning de courses axé essentiellement sur les cyclosportives de renom. Le championnat du monde en Australie est alors apparu comme un aboutissement à cette aventure. Plus pour ce que cela représente que sur l’aspect purement sportif.
L’Australie c’est le bout du monde, quel investissement financier cela représente-t-il et qui sont tes partenaires ?
C’est certain qu’avant de m’engager dans ce périple j’ai réfléchi à l’aspect financier. Non seulement pour l’investissement lié à ce déplacement, mais également pour la préparation de ma saison. Avant d’engager cette « nouvelle vie », j’avais un rythme de travail totalement différent. J’ai donc décidé de monter un dossier de partenariat pour me permettre de me dégager du temps pour l’entraînement. L’hiver je suis moniteur de ski à l’ESI de La Toussuire, que j’ai créée avec mon épouse Maryline. En fonction de l’aide que je reçois je me libère sur les périodes creuses. Cet hiver je suis parti 3 fois 5 jours dans le sud. Grâce à des sponsors privés, à ma station, commerçants et autres qui ont été séduits par mon projet. Pour l’Australie le budget devrait avoisiner les 6000 €, dans le contexte que j’envisageais : suffisamment de temps pour assimiler le décalage horaire, Maryline à mes cotés pour l’assistance et le partage de ces moments.
Comment t’es tu fait connaître ?
Pour cela j’ai monté le projet « Austrawiwi » sur un site participatif avec un objectif de dons fixé à 4500€. Les gens ont alors misé et j’ai même dépassé cette somme. Au-delà de l’aspect financier, c’est tout un réseau d’environ 80 personnes (avec mes sponsors) qui m’accompagne dans mon défi. C’est une force indéniable qui me pousse durant toute cette saison. Pour cet événement j’avais à cœur de porter les couleurs de ma vallée. Maurienne Tourisme sera donc mon partenaire privilégié et j’aurai le logo ‘’Maurienne plus grand domaine cyclable du monde’’en visuel sur ma tenue. Ces démarches m’ont permis de réaliser ce rêve, mais aussi de me conforter dans ce que je faisais. Me savoir soutenu crédibilise en quelque sorte ce qui peut parfois paraître fou. Avec la somme récoltée en plus je vais pouvoir participer à l’Amy’s vers Melbourne le week-end suivant, une grosse épreuve de masse.
Que sais-tu du parcours, c’est un circuit pour toi ?
Le circuit a été modifié récemment. Un kilométrage total de 155km avec 2010 mètres de dénivelé positif. Les 50 premiers sont plats puis on effectue 2 tours d’un circuit pour 8 difficultés. Des bosses roulantes mais qui peuvent permettre de faire la différence. L’arrivée est au sommet avec 750 m à 6,5% suivi de 7km à 2,5%. On part au niveau de la mer, les sommets de bosses sont à 300m. Il est vrai que j’aurais préféré un parcours avec 4000m de D+, mais ce genre de circuit vallonné peut me convenir. A la base j’ai plus un gabarit de rouleur et mon entraînement devrait me permettre de retrouver ce coup de pédale. Dans nos épreuves de montagne la sélection se fait généralement à la pédale. Là bas il faudra être vigilant et ne pas rater la bonne.
Sur ces championnats du monde, on sait que la grosse représentation viendra des locaux quels sont les avantages et les inconvénients ?
C’est toujours un avantage de courir chez soi, surtout pour la motivation. Mais la volonté de bien faire, je l’ai aussi. Comme je l’ai dit, le fait d’avoir tout ces gens qui me suivent est un excellent atout. Une pression que je veux positive. Il était important de partir en ayant déjà réussi ma saison pour être totalement libéré. Pouvoir ainsi savourer cette nouvelle expérience avec le plaisir et la performance comme seul moteur.
Tu es arrivé vers le 24/25 août, pourquoi as-tu fais ce choix?
Sur les conseils de copains, notamment de l’équipe AG2R, connaissant les répercussions du décalage horaire en vue d’une épreuve sportive. Mon calendrier me permettait de partir tôt alors j’en ai profité. Les autres avantages sont que je vais pouvoir repérer le parcours plusieurs fois et ne pas me perdre ! (en référence au Tour de l’Ain). Et j’aurai le temps de me poser et me centrer sur l’événement. C’est un moment de vie privilégié et autant le vivre au top. Le seul inconvénient qui me vient c’est de ne pas dormir chez moi à 1800m… pour les globules ! Et peut-être pour la diététique, mais il doit bien y avoir des pâtes en accompagnement du kangourou !
Que ou qui crains-tu particulièrement ? La température, l’humidité dans l’air, les kangourous qui traversent sans dossard ?
Je n’ai aucun recul sur ce genre de course internationale. Donc je ne connais pas les coureurs, hormis les Français, dont David De Vecchi qui sera du voyage et dans la même catégorie que moi quelques Italiens, Hollandais et Belges. Lui a plus d’expérience puisqu’il a déjà terminé 2ème. Il pourra m’indiquer les coureurs à surveiller. Pour le reste je ne m’affole pas plus que ça. La température devrait être fraîche, puisque ce sera la fin de l’hiver.
Quelle valeur accordes-tu au maillot de l’équipe de France et au maillot de champion du monde ?
Il est évident que de porter cette tunique est une réelle fierté. Représenter son pays le temps d’un championnat donne une autre dimension à ce que l’on fait sportivement. Pour une épreuve aussi éloignée c’est également rassurant. Derrière ce come back sportif, il y a mon histoire que je qualifie souvent d’atypique. J’ai déjà évoqué mon souhait de publier un livre. En le lisant (je l’espère) vous comprendrez que cette tenue de l’équipe de France marque une appartenance qui me fait le plus grand bien. Pour le maillot de champion, il y a en plus la performance sportive qui est valorisée. J’ai eu la chance de porter le maillot de champion de France FSGT en 2014. Je sais combien un titre reste. Celui de champion du monde me fait évidemment rêver, comme tout compétiteur je pense. Mon objectif principal était de mettre tout en œuvre pour y participer. De prendre le départ en ayant fait le maximum pour le vivre sans regret. D’avoir auparavant réalisé une saison honorable pour prétendre faire parti des potentiels vainqueurs. Mon classement Français (1er à ce jour tout âge et catégories confondu) marque ma régularité. J’ai donc réussi mon pari. Maintenant cela reste une course d’un jour et je sais que beaucoup de paramètres entrent en jeu. Dans tout les cas, ce que je souhaitais inconsciemment en m’engouffrant dans le sport, c’était de devenir champion de MON monde. Je pense l’être devenu…
Quel a été ton programme avant les Mondiaux?
Depuis le championnat de France à Risoul. J’ai d’abord observé une coupure de 5 jours sans vélo. Ensuite j’ai commencé un programme d’entraînement plus typé rouleur. Des séances de force, de PMA et derrière scooter. J’ai donc participé au tour de l’Ain et ma dernière cyclo était La JF Bernard, dont le profil de course était plus ressemblant à Perth.
On te voit devant sur les cyclos avec le team La Toussuire depuis un peu plus de 2 ans, peux-tu nous redonner ton parcours sportif ?
J’ai repris le vélo en 2012 après 18 ans d’arrêt. J’ai couru chez les jeunes jusqu’à 21 ans avec de bonnes aptitudes. Une blessure puis une opération de la hanche m’a stoppée un instant. Je n’ai jamais eu le courage et la volonté pour revenir. Je n’étais pas assez sérieux pour réussir. En revanche depuis 2012, mes efforts pour progresser sont de plus en plus importants. En 2011 je dépassais les 100kg. Jamais je n’aurais imaginé pouvoir revivre de telles sensations. Je suis alors entré dans la spirale que beaucoup de cyclistes connaissent. Pour moi c’est une introspection qui me procure beaucoup de bonheur. Je pensais qu’après la quarantaine, il n’y avait plus d’intérêt sportif en compétition. Le niveau qui me permet aujourd’hui de jouer la gagne avec les jeunes est une résultante qui me plaît. Accrocher quelques victoires ou des places d’honneur à mon palmarès me fait encore vibrer. Mais je crois que c’est surtout le fait de partir de si bas et de gravir toutes ces marches qui me pousse toujours.
Que trouves-tu de différent dans le monde du cyclosport vis-a-vis des autres disciplines que tu as croisées ?
Pour un gars comme moi c’est le support parfait. Je ne serai plus jamais pro donc le circuit élite n’est pas un passage nécessaire. Les parcours proposés sont en général de toute beauté. J’aime l’adversité et le niveau y est de plus en plus élevé. D’ailleurs sur quasiment chaque cyclo on retrouve des premières catégorie et des pros. A mon époque les cyclos c’était un monde à part un peu ringard. Aujourd’hui les coureurs savent qu’ils trouvent de belles organisations, de beaux terrains de jeux et surtout aucune pression, de sélection ou autre. Accrocher une belle cyclo à son palmarès a aujourd’hui une reconnaissance certaine. Les meilleurs cyclosportifs ont également un niveau qui surprend souvent les plus aguerris. J’aime ce concept où l’on se lance dans l’aventure avec des pointures ou de simples passionnés. On se retrouve tous ensemble autour d’un repas en ayant fait le même périple avec des performances différentes. Les cyclosportives me permettent aussi de sillonner les régions en camping car, souvent accompagné de ma famille. J’ai aussi aimé retrouver les frissons des courses de fédé en circuit que j’adorais. Je m’en suis vite lassé. Je sais qu’il y a de magnifiques courses de fédé, mais je ne me projetais pas pour gravir ces échelons là. Je respecte et comprend que certains y trouvent leur bonheur même à mon âge. Maintenant pour les plus jeunes c’est évidemment la voie à prendre.
Sur quels points faudrait-il œuvrer pour améliorer l’ordinaire ? On pense aux courses enfants ou à la mise en valeur des féminines, par exemple ?
Je pense qu’un collectif de coureurs cyclo pourrait se mettre en place pour créer un lien avec les organisateurs. Des échanges sur certaines règles pourraient voir le jour. Les discussions naissent souvent sur les réseaux sociaux. Je pense notamment aux contrôles antidopage quasi inexistants. Un budget spécifique serait envisageable. A mon sens le passé de certains coureurs ne devrait pas leur permettre de s’aligner sur ce genre de courses qui revendiquent « un esprit ». Sur certaines cyclo très médiatiques on voit des coureurs pro ou quasi jouer la gagne. Est-ce judicieux de les rentrer dans le classement ? Mais cela reste marginal, car en général ils adoptent un comportement très honorable et j’adore leur présence. Pour les courses enfants je pense que leur place est ailleurs. Ou alors coupler des courses du calendrier FFC en préambule d’une cyclo (comme sur le tour de l’Ain). Profiter ainsi de l’ambiance. Il pourrait en être ainsi pour les féminines.
On t’a vu (un peu) en pétard à la fin de l’étape du Tour et très enthousiaste après la Risoul-Queyras, pourquoi ?
En effet sur l’étape du tour, je n’ai pas reçu l’information qui disait que le chrono s’arrêtait à Morzine. Au sommet de Joux Plane je passe 4ème et je demande si le chrono s’arrête bien en haut. Le personnel de l’organisation me confirme que oui (sur 3 points différents). Je me relève donc et entame la descente cool. Je me fais doubler par 2 concurrents, j’arrive à Morzine 6ème et on me signale que le chrono est pris ici. 4 ou 6ème cela ne change pas grand-chose mais ce qui m’a rendu furieux c’est de ne pas avoir tenté d’accrocher le podium qui était à ma portée car je revenais fort au sommet. Sur La Risoul, malgré la déception d’avoir manqué le maillot tricolore que je visais, j’étais enthousiaste d’avoir vécu une belle bagarre. C’est surtout l’ambiance générale qui était propice à ce que l’on se sente bien. Un parcours magnifique et une organisation très dévouée.
Quel serait ton hit-parade des cyclos parmi celles que tu as courues?
Pour cette saison je vous donne mes préférences sachant que la course et l’état de forme influencent aussi le jugement. En un La Marmotte,malgré l’ampleur j’ai été surpris de l’ambiance, en deux La Risoul / La Bisou / L’Arvan Villard,dans une autre registre ces courses m’ont séduit. Et en trois Le tour de l’Ain qui est une course à étapes vraiment sympa.