Thierry, des changements vont intervenir sur le parcours de Paris-Roubaix le 10 avril prochain. Ces changements affecteront-ils les parcours de Paris-Roubaix Challenge la veille ?
Nous avons fait deux reconnaissances différentes pour les deux épreuves. Nous avions déjà reconnu en octobre le Paris-Roubaix Challenge, avec l’objectif d’établir une distance aux alentours des 140 kilomètres. Il était donc exclu d’emprunter tous les pavés de Paris-Roubaix. Les changements apportés sur le parcours des pros concernent des secteurs qui ne sont pas prévus sur la cyclo, donc cela n’aura aucune incidence. Il n’y aura donc aucune différence entre le parcours des pros et celui des cyclos à compter de la jonction des deux tracés.
L’arrivée sera réalisée au Carrefour de l’Arbre mais les cyclosportifs auront l’obligation de rallier le vélodrome en liaison non chronométrée pour être classés…
C’est la petite cerise sur le gâteau. Les lieux mythiques de Paris-Roubaix, ce sont la Trouée d’Arenberg, le secteur de Mons-en-Pévèle, le Carrefour de l’Arbre et aussi le vélodrome avec ses douches. Un Paris-Roubaix Challenge ne permettant pas de rouler sur le vélodrome n’aurait pas eu le même attrait. L’arrivée au Carrefour de l’Arbre est bien située car les gars en auront plein les pattes. Il ne leur restera alors qu’à faire une quinzaine de kilomètres pour déguster le petit tour d’honneur sur le vélodrome.
Quelle sera la règle sur cette liaison finale de 15 kilomètres ?
La route, du Carrefour de l’Arbre au vélodrome, ne sera pas fermée à la circulation, donc il faudra respecter le Code de la Route. Nous aurions aimé que tout soit sécurisé jusqu’au vélodrome mais nous sommes un samedi après-midi, nous traversons des zones commerciales très fréquentées, il n’était pas possible de bloquer ces magasins. Mais les cyclos en auront largement assez, cette liaison leur permettra de finir tranquillement, en respectant les règles de sécurité.
Comment seront organisés les départs ?
Nous allons définir une règle précise selon le nombre de participants. Nous voulons surtout éviter les gros bouchons à l’entrée des pavés. La spécificité des pavés, c’est d’être moins larges qu’une route normale, entre 2,50 et 3 mètres de large. Il n’est pas question d’y envoyer 3000 coureurs en même temps, c’est pourquoi les départs seront échelonnés par groupes de 500 lancés de cinq en cinq minutes. Le premier secteur n’intervient qu’au bout de 50 kilomètres, ce qui laissera aux concurrents le temps de se disperser.
Vous connaissez par cœur ces secteurs-pavés, que pouvez-vous nous en dire ?
Le premier secteur est un vrai billard. Ce sera une mise en bouche assez appréciable pour se mettre en confiance, ce qui est primordial pour pouvoir rouler sur les pavés. Les trois secteurs suivants seront plus durs mais encore acceptables. En revanche, quand on va arriver à Orchies, on sera vraiment dans le vif du sujet. Il faudra vraiment franchir les pavés et ce sera du costaud.
Quels conseils pouvez-vous donner dans le but d’éviter trop de pépins mécaniques ?
Il faudra avant tout être autonome pour pouvoir se dépanner, et non pas compter en priorité sur l’assistance. Il y a en outre une façon de rouler sur les pavés pour éviter pas mal de soucis. Ne pas savoir rouler sur les pavés peut entraîner davantage de crevaisons. La façon de rouler, c’est d’avoir une bonne vision devant soi, d’éviter les trous, de savoir sauter les endroits sans pavés pour ne pas y taper les roues… Le coureur suffisamment prudent, qui partira avec trois ou quatre chambres à air, aura de quoi faire quelques kilomètres !
Quel matériel privilégier ?
Quitte à faire sursauter du monde, le carbone reste le plus confortable sur le pavé. Bien sûr, il faut éviter le matériel trop léger. Je conseillerais des roues à jantes plates, 32 à 36 rayons. En dérailleur, mieux vaut prendre un robuste dérailleur un peu plus bas de gamme que le super léger qui va prendre un mauvais coup sur les pavés. Mais s’il n’y a pas de chute, que tu as bien préparé ton braquet, que tu ne croises pas la chaîne comme un malade, il n’y a pas de raison de casser le matériel.
Les fourches constituent-elles un plus ?
C’est évident que ça apporte beaucoup de confort, avec moins de vibrations et donc moins de fatigue à l’arrivée. Chez les pros, ça ne se fait plus, mais c’était du très bon matériel.
Faut-il mieux prendre le pavé sur le haut ou sur les côtés ?
Si c’est humide, ils n’auront pas le choix. Il n’y a qu’une trace et ce sera en haut du pavé. Si c’est archi sec, on peut encore rouler sur les côtés. Mais en règle générale, c’est quand même le haut du pavé qui est le meilleur.
Comment préparer un tel challenge ?
Il va d’abord falloir travailler l’habilité. Il ne faut surtout pas paniquer quand les roues ne touchent plus le sol. Il faut s’entraîner à sauter des plaques d’égout, de petits trottoirs… Il faut ensuite toujours regarder 15 à 20 mètres devant soi pour bien choisir sa trajectoire, ne pas regarder sa roue, bien éviter les trous ou les sauter. Il faut aussi pédaler assez souplement. Le pavé fait mal mais il faut réussir à garder une cadence de pédalage assez importante pour pouvoir se permettre d’être en roue libre et ne pas toujours être en traction avec un gros braquet. Mais plus que tout, c’est l’anticipation du danger et la vigilance qui seront primordiaux.
Les cyclosportifs flahutes vont-ils être privilégiés ?
Si les Flamands ont l’habitude de rouler sur les pavés, ils vont être surpris sur Paris-Roubaix, qui n’a rien à voir avec leurs pavés de ville. On est dans une autre catégorie. Il ne faut pas se leurrer, ça fait mal, il faut venir avec une motivation extrême. On vient à Paris-Roubaix comme sur un ring de boxe, pour donner des coups, et si tu n’es pas préparé tu vas en prendre.
En tant que coureur, préfériez-vous Paris-Roubaix avec une météo sèche ou humide ?
J’aimais bien humide parce que ça éliminait pas mal de monde et ça compensait un peu le manque de puissance que j’avais sur le plat (NDLR : Thierry Gouvenou a terminé 11ème de Paris-Roubaix en 1998, 7ème en 2002 lors de sa dernière saison pro). Je pense qu’avec Paris-Roubaix Challenge, on est parti pour plusieurs éditions, alors je souhaite autant que la première édition se fasse sur le sec. Après, on verra !
Propos recueillis à Issy-les-Moulineaux le 17 janvier 2011.