Nicolas, 50 ans après Jacques Anquetil, tu as réalisé Bordeaux-Paris comme tu le souhaitais. Quels sont les détails de ta performance ?
50 ans après Jacques Anquetil, j’ai réalisé Bordeaux-Paris pour rendre hommage à ce coureur d’exception ainsi qu’à cette course d’un autre temps. J’ai fait une première partie de 300 kilomètres en solitaire réalisée en 9h20, avant une pause de 10 minutes à la Roche Posay lors de la prise de derny pour un change complet des vêtements ainsi qu’une petite collation. Enfin, une dernière partie de 285 kilomètres en 7h50. Cela fait une moyenne de 33 km/h sur la première partie et de 37 km/h sur la deuxième pour une moyenne générale de 35 km/h.
As-tu respecté ton agenda et tes prévisions ?
Mes prévisions pour la première partie au niveau du temps étaient correctes. Le parcours était bien plus difficile que prévu avec les contreforts du Limousin. Le départ a eu lieu à 1h du matin. Le temps était très frais aux alentours de 4 degrés, mais beau et le vent très faible. Dans la deuxième partie, les choses se sont compliquées avec un vent défavorable, la grêle, la pluie et une chute de température difficile pour moi ainsi que pour Joël et André Gallopin qui étaient sur les dernys. À ce moment-là, nous sommes passés de 15 à 7 degrés. Je suis arrivé en vallée de Chevreuse dans la côte de Liphard à Dourdan. Nous avions prévu d’aller jusqu’à Saint-Rémy-les-Chevreuse mais une erreur de parcours rajoutant 20 kilomètres nous a poussés à nous arrêter à Dourdan étant donné que nous avions fait le nombre de kilomètres souhaité.
Par quels sentiments es-tu passé durant cette aventure ?
Sur la partie de nuit, j’ai eu des moments d’euphorie, dus certainement au fait de rouler seul dans l’obscurité avec des paysages mystiques. Ensuite, à l’aube j’ai eu un passage à vide. Le départ à 1h du matin avec très peu de sommeil a été difficile à gérer, mais grâce aux encouragements de mon staff et une bonne collation la machine repart. J’arrive assez fatigué à La Roche Posay aux alentours de 10h30, après 300 kilomètres pour la prise des dernys. Je suis étonné de la foule qui m’attend, de l’accueil et de l’enthousiasme de tous ces supporters inattendus et journalistes locaux qui me posent quelques questions. Je retrouve aussi ma famille qui va me suivre jusqu’à Paris. Cette petite pause me remonte le moral au plus haut et je repars plus déterminé que jamais, en compagnie de deux dernys, pour la 2ème partie de l’épreuve. Le plus gros moment de doute arrive vers Chambord, je commence à ressentir des douleurs au niveau des genoux, les jambes sont lourdes et je n’arrive plus à m’alimenter. Guy Gallopin me conseille d’avoir un coup de pédale plus aérien pour soulager les muscles et me détendre. J’arrive de nouveau à m’alimenter et je termine l’épreuve plus serein et en meilleur état de forme.
Au plan logistique, comment as-tu fonctionné ?
De ce point de vue, j’ai à mon avis fait un sans-faute, avec une équipe vraiment fantastique. Mon père et Yan Chatellard, un ami expert de la longue distance, m’ont suivi sur tout le parcours dans la voiture Mavic pour assurer le guidage, le ravitaillement, les changements de roues en cas de crevaison et le change de vêtements. Je n’avais pas de voiture ouvreuse pour la 1ère partie du parcours. À la Roche Posay, Marcel de l’hôtel l’Esplanade, un grand fan du cyclisme, m’avait réservé une salle pour me changer et prendre une petite collation. Un camion Mavic m’attendait avec Patrick Jean pour changer les roues et vérifier mon vélo. Ensuite, pour la partie derrière le derny, j’ai eu la chance immense d’être accompagné de Joël et André Gallopin qui se relayaient pour me tirer. Guy, leur frère nous a ouvert la route jusqu’à Paris. Les trois courraient avec mon père en région parisienne. Les frères Gallopin ont participé à Bordeaux-Paris dans les années 80 et m’ont apporté leur expérience et prodigué de nombreux conseils inestimables avant le départ lors de la préparation et tout au long du parcours. Le camion Mavic nous a ensuite suivis pour le ravitaillement et en cas de soucis mécaniques avec les dernys. La voiture de France Télévisions, du caméraman pour Mavic et ma famille étaient aussi dans le cortège. Au niveau de la gestion du code de la route, nous avons respecté les feux, les stops, les déviations. Nous n’avons pris aucun risque.
Comment as-tu géré ton alimentation ?
Côté nutrition, j’ai respecté mon plan de vol prévu avec pendant les 300 premiers kilomètres du solide avec sandwiches, fromage, jambon, viande, gâteaux, thé chaud, boissons énergétiques. Puis pour la deuxième partie, encore quelques aliments solide mais surtout des barres énergétiques, gels, pâte d’amandes, de fruits, etc.
Quelles sont les anecdotes que tu as accumulées sur cette aventure ?
Pour moi, les faits manquants sont cette brume se soulevant du bitume reflétant mon ombre avec les phares et me donnant l’impression d’être derrière les âmes des coureurs de Bordeaux Paris. Ensuite l’arrivée à la Roche Posay avec cet accueil et le monde dans cette rue attendant mon départ derrière le derny. L’importance d’une équipe soudée et les précieux conseils de Guy et Joël qui m’ont permis de terminer cette épreuve dans de bonnes conditions. Et bien sûr la rencontre de gens animés par la même passion, l’histoire du cyclisme. J’avais largement sous-estimé la difficulté de l’épreuve. De ce fait, je respecte encore plus l’exploit de Jacques Anquetil et de tous ces forçats de l’histoire du cyclisme. Cette journée restera gravée dans ma mémoire !
Propos recueillis le 25 mai 2015.