« La piste, c’est ce qui manquait dans la panoplie du Ventoux » nous a confié Mme Aragon, déterminée à prouver que le programme s’intègre parfaitement au Ventoux, et apporte une des réponses au développement de l’activité à Bédoin, non pas seulement sur 4 mois, mais toute l’année.
Mme Aragon, tout d’abord, pouvez-vous vous présenter ?
Je ne viens pas du monde du sport, mais du cinéma et de la télévision, domaine dans lequel j’ai travaillé durant 30 ans. J’ai toujours été fascinée par le Mont Ventoux, car je viens en Provence depuis plus de 3 décennies. J’ai eu la chance de découvrir cette belle région grâce à des tournages, notamment avec Michel Galabru, et Pierre Magnan, un des auteurs provençaux bien connus, à travers le Commissaire Laviolette. Depuis longtemps, j’adore cette terre, je tiens d’ailleurs une galerie d’art contemporain à Gordes, et le Mont Ventoux, pour moi, c’est une œuvre d’art. Mon but est donc de préserver cet endroit, que ça reste une véritable œuvre d’art que l’on partage. C’est donc dans cet esprit là que le projet All Bike a été conçu, pour un partage.
Que pouvez-vous dire sur le groupe qui porte ce projet ?
Pour l’instant, ce projet je l’ai conçu toute seule. C’est une idée que j’ai eu, et que je suis venue soumettre à Luc Reynard et Denis Fort
. Je ne suis pas pilotée par qui que se soit. Et, c’est ça la force du projet. Je voulais qu’on crée un projet, puisque maintenant on est une équipe, sans être guidés par des financiers, des groupes internationaux… Ce n’est pas notre philosophie. Je travaille avec de grands cyclistes, qui sont les parrains du projet, Florian Rousseau et Mathilde Gros, et en tant qu’athlètes, ils ne s’impliqueraient pas dans quelque chose qui ne soit pas fait pour le sport. Donc, on a voulu mettre au point un projet de partage, et qui ne soit lié à aucun groupe financier au départ. Il est clair qu’aucun d’entre nous aujourd’hui ne pourra sortir la totalité du coût du projet, on aura donc besoin d’y aller. Mais, je voudrais bien dire aussi que ce projet est d’abord fait pour les cyclistes, mais aussi pour tous les autres sportifs, ce n’est pas fermé. On a tenu compte des randonneurs, des athlètes, de pleins d’autres disciplines. L’idée était de faire une chose unique en France, et peut être bien en Europe aussi, à savoir apporter un partage dans un lieu mythique, apporter un environnement « cocooning » au sportif à travers la vraie vie, c’est-à-dire le village, les habitants, les commerçants… All Bike c’est donc le partage entre tous pour un équilibre général.
Aujourd’hui, ce projet a été mis noir sur blanc, vous êtes donc à la recherche de partenaires pour le porter ?
C’est ça. On est déjà en contact avec des gens importants, mais, comme notre but n’est pas d’imposer à qui que se soit, nous sommes en plein travail afin de trouver cet équilibre entre le vécu et le financement. Quand j’entends des gens dire que ce projet est un « ghetto pour riches », c’est qu’ils n’ont pas compris sa philosophie, car il va apporter une vie. Au-delà du vélodrome, qui sera de nature olympique, avec en point de mire les JO de 2024, il y a aussi toute cette partie de l’anneau central qui va devenir un endroit ludique pour les autres sportifs. C’est là que l’on voudrait accueillir de la gymnastique artistique, rythmique, du jumping, qui sont des sports féminins, car nous voudrions aussi mettre en avant la femme et son rôle dans le sport. C’est pour ça que Mathilde nous a rejoints, et qu’elle estime que la femme doit prendre une vraie place. Donc, c’est aussi cette valeur que l’on veut mettre en avant, c’est la jeunesse aussi. Au-delà de ce ring, on fera également des spectacles, 4 ou 5 concerts par an, et puis autour de ça, il y aura un hôtel de 100 chambres avec un espace wellness, une piscine, plus la partie restauration avec un semi gastro et une brasserie.
Ça sera plutôt quel type d’hôtellerie que vous allez proposer ?
Du 4 étoiles, car il faut un certain niveau de qualité d’accueil. On a aussi un campus qui sera à côté et là, parce que Florian va créer une académie du vélo, il faudra aussi loger les jeunes sportifs qui y viendront. Et, on a bien l’intention d’avoir des étrangers, donc de créer une mixité. Ce sera ainsi un tremplin pour tous ces jeunes, et ces gens qui ont envie de faire du vélo. On a prévu plus de 800 places de parking. Et, quand on nous dit que c’est une verrue au bord de la route, ce n’est pas vrai, car tout est enterré, et de ce fait, ça nous coûte deux fois plus cher. Si on n’avait pas le respect des habitants, on ferait des choses beaucoup plus simples. Il y aura aussi un cinéma, un musée du vélo, un de la faune et de la flore, et une partie « factory » pour accueillir des start-up. On veut faire quelque chose de compact et de cohérent en liaison avec le village.
Etes-vous surprise de la levée de bouclier par rapport à ce projet ?
Non, je m’y attendais, et je trouve que c’est rassurant. Je suis surprise par contre par le côté agressif dont c’est exprimé. En France, c’est notre ADN, tout ce qui est nouveau, différent, c’est d’abord non. Mais, je crois beaucoup en l’intelligence des gens, et je ne pense pas, qu’aujourd’hui, on puisse être dans le passéisme, et qu’une ville comme Bédoin n’ait pas de projet. Et, dans la vie, vous êtes ou acteur ou spectateur, et moi je pense qu’il vaut mieux être acteur. De plus, si on ne fait pas quelque chose de particulier à Bédoin, les autres vont finir par monter leur projet, et Bédoin redeviendra spectateur, avec tous les inconvénients du projet, mais sans en retirer quoi que se soit. A un moment donné, il faut être rationnel. On propose un projet dans lequel tout le monde peut y trouver intérêt, sans parler de la visibilité internationale que l’on donne aux gens, je leur offre ça. On va être une vitrine internationale, ça serait idiot de ne pas accepter.
On parle de galerie commerciale, qu’en est-il ?
Déjà, il y a une erreur énorme, ce n’est pas une galerie commerciale, mais marchande, ce n’est pas du tout la même chose. Elle sera petite, et l’on y trouvera seulement des produits concernant le sport et, pour faire écho aux start-up, des nouvelles technologies. Dans ce cadre là, les professionnels de Bédoin sont les bienvenus. Il faut que ça reste convivial avec un esprit village.
Il va y avoir un côté international très marqué, seriez-vous prête à prendre l’engagement de proposer des ateliers de formation aux « enfants » de Bédoin afin qu’ils puissent prétendre à la centaine d’emplois évoquée ?
Mais bien sûr, c’est prévu, et largement en amont. Nous allons proposer des cours linguistiques, ne serait ce que pour parler anglais, car ça on n’a pas le choix. Ces ateliers leur permettront de se maintenir à un certain niveau ou de démarrer, et surtout, de pouvoir répondre à tous les postes.
Comment appréhendez-vous le côté risque industriel, quand on sait que la situation est relativement difficile pour les vélodromes en France ?
Un projet comme ça, il faut avoir un certain caractère et une certaine personnalité pour le soutenir, le pousser. Et, au niveau rentabilité, honnêtement, si vous êtes un financier, ce n’est pas la panacée. C’est pour ça que le choix des financiers est très important, on n’est pas là pour se faire de l’argent, ça n’est pas possible, il suffit juste d’être logique. Pourquoi ? Parce que la capacité de réception est limitée, donc on ne peut pas faire des choses pharaoniques, en plus, on a choisi de les faire dans le respect de l’environnement, donc c’est plus cher. Nous, ce que l’on espère, c’est faire un beau projet équilibré.
Aujourd’hui, c’est un montant d’investissement de quel ordre ?
Je ne peux pas vous dire ça exactement, mais ce sera autour de 80 millions d’euros, pas moins, car un vélodrome c’est très cher, et en plus c’est souterrain. Ça se joue dans ces eaux là, mais on est vraiment en train d’affiner la chose.
Les investisseurs que vous avez approchés sont à dominante française ou étrangère ?
Les deux, il y a des français et des étrangers. On espère pouvoir démarrer le projet vers fin 2019, après ça, il y aura 2 ans de construction. Puis, nous aimerions nous positionner autour de 2021 comme un centre d’entrainement pour les JO de 2024.
Retrouvez le point de vue du Collectif citoyen Bédoin Ventoux mercredi prochain, ainsi que celui de la municipalité le 13 décembre.