Cédrick, tu as commencé le vélo par le VTT à 17 ans avant de te lancer en Elites de 1997 à 2004. A l’époque, la route était-elle à ton programme ?
Le vélo de route était incontournable pour être performant en VTT. Le format des épreuves n’était vraiment pas celui qu’on connaît aujourd’hui avec le XCO. Les Coupes de France se déroulaient en général sur des circuits de 50 voire 60 kilomètres, pas forcément très techniques, qu’on bouclait en 2h30 pour les meilleurs. Il fallait impérativement savoir rouler avec du gros braquet, vite, et tenir le plus longtemps possible. Je m’entraînais donc à 80 % voire 90 % sur route. Les seules difficultés techniques venaient de la météo qui rendait les circuits délicats.
Quid de la compétition sur route ?
C’était ponctuellement, suivant les disponibilités du calendrier, mais je me souviens qu’on attaquait la saison par la route sur la feue semaine azuréenne ou les Boucles Catalanes. La route, c’est le moyen idéal pour travailler le foncier et les intensités. Je ne touchais plus que le VTT pour maintenir les sensations de pilotage. Je pense qu’aujourd’hui ça n’a pas vraiment évolué, sauf que la discipline est plus intensive et plus technique. Donc le peu de VTT doit se faire pour renforcer des grosses capacités techniques (sauts, franchissements…).
Comment as-tu basculé du VTT à la route ?
Ayant raccroché le haut niveau et m’étant installé au centre de Nice, à quarante-cinq minutes des premiers chemins, je n’avais plus vraiment l’envie ni le temps de rouler à VTT. J’ai donc basculé sur la route et réussi à maintenir un bon niveau de performance en faisant des courses autour de chez moi. La région étant très montagneuse j’ai vite trouvé autant de plaisir à monter les cols qu’à rouler dans les chemins. Roulant principalement en semaine, je ne me voyais pas non plus rouler seul dans les chemins. Et puis ici plus personne ne fait de cross-country, tout le monde fait de l’enduro !
Quelle est la différence entre ces deux mondes qu’on oppose bien souvent ?
Personnellement, je n’y trouve aucune similitude, hormis le fait qu’il faille pédaler ! A la limite, ce qui se rapproche plus du VTT c’est le contre-la-montre au niveau de l’effort, mais sur deux heures. En compétition, la route pour moi est bien plus compliquée. Il y a beaucoup de paramètres. Il faut toujours compter ses coups de pédales, savoir se placer, savoir se faire oublier. Par contre, la route c’est plus difficile, je ne suis pas spécialement un bon rouleur ni puncheur. Et puis ça se court par équipe, il y a un sens du partage, du sacrifice aussi.
On te voyait un peu en début de saison sur quelques cyclos autour de Nice, il semble que tu aies élargi le spectre, pourquoi ?
Depuis quatre ans, en parallèle du vélo, je me suis mis à la course à pied. Mes objectifs cette année étaient de faire le marathon du Mont Blanc en juin puis les Championnats de France de trail 55 kilomètres chez moi à Saint-Martin-Vésubie. Entre ces deux objectifs, il y avait aussi en ligne de mire la Mercan’Tour-Café du Cycliste (étant ambassadeur de la marque, je me devais d’y être et d’y faire quelque chose !). En mars, je me suis retrouvé à devoir couper la course à pied à cause d’une blessure au tibia. Du coup, ne faisant que rouler, j’ai vite senti qu’il y avait quelque chose à faire en attendant la reprise à pied. Donc, dans un premier temps, je me suis engagé sur les belles épreuves qui existent dans le 06. Ensuite, j’ai élargi le spectre car il y avait cette opportunité qui se présentait avec les Championnats de France Masters à la Risoul-Queyras.
Tu as été battu de 20 secondes par Julien Absalon sur la Valberg avant de te classer 3ème à la Mercan’Tour-Café du Cycliste derrière deux Elites de l’AVC Aix, avais-tu programmé un pic de forme ?
Durant ma convalescence, j’en ai profité pour faire des intervalles, chose que je ne faisais qu’à pied. Cela faisait trois ans que sur Strava j’étais clairement en-deçà de mes temps de référence, privilégiant le running. En avril, je me suis retrouvé rapidement à approcher de mes chronos de référence. Je me suis concentré sur mon deuxième objectif, la Mercan’Tour-Café du Cycliste. Pour préparer cette épreuve, je me suis engagé sur la Vençoise début mai et j’ai été directement dans le coup avec Tony Mezure et Stefano Sala : nous avons effectué les 150 kilomètres à trois à la manière d’un long contre-la-montre par équipes pour terminer ensemble avec dix-sept minutes d’avance sur le paquet ! Début mai j’ai repris doucement les entraînements à pied et, profitant des bénéfices du vélo, j’ai enchainé en une semaine la cyclo de Valberg et la Mercan’Tour.
Avant de remonter vraiment en puissance en running pour tenter de préparer ton troisième objectif de l’année, les France de Trail 55 kilomètres…
Pour appréhender cette distance il ne fallait plus perdre de temps. Malheureusement je me suis fracturé le troisième métatarse début juillet au cours d’une randonnée avec mon fils. Le moral en berne après tous ces efforts pour revenir à mon niveau et pour penser à autre chose je me suis mis en tête de venir faire la Risoul pour rebondir à nouveau sur quelque chose. Avec mes trois cyclos et les résultats que j’avais obtenus, j’étais certain de ne pas venir pour rien. Durant la semaine précédant la Risoul, en urgence, j’ai donc pris une licence FFC.
Comment te définirais-tu : un cyclo grimpeur avant tout ?
N’étant ni rouleur, ni sprinteur, je prends grimpeur ! Quoique cette année j’ai l’impression de mieux rouler et un peu moins bien grimper. Après, j’ai mes qualités du VTT, je suis bien sur les cyclos pas trop longues.
Tu as gagné la Risoul-Queyras, comment s’est passée ta course ?
En m’engageant la vieille et en ayant programmé cette course assez précipitamment, mon esprit n’a pas eu le temps de monter en pression comme c’est le cas quand on prépare une échéance longtemps en avance. J’ai été surtout stressé la semaine pour savoir si j’allais recevoir ma licence à temps et si j’allais donc pouvoir m’engager pour les France en Masters. Mais surtout, depuis que je cours à pied, j’ai pris beaucoup de recul sur les courses vélo. Donc je me suis présenté sur la ligne assez détendu, pensant avoir vraiment mes chances chez les M3. Même si j’allais devoir me débrouiller seul, j’étais assez confiant compte tenu du repas copieux que nous réservait le parcours.
Tu as battu toutes les super pointures du cyclosport, ils ne se sont pas méfiés de toi ou bien tu étais bien le plus fort ?
A vrai dire, au départ, je ne me suis pas vraiment méfié du niveau non plus ! Il n’y a qu’en entendant que Samuel Plouhinec était présent et qu’il était en M3 que j’ai revu mes objectifs… à la baisse. A partir de là, la seule option que j’avais en tête était de sortir en échappée avec des gars inscrits juste sur la cyclo ou le 100 kilomètres et surtout autre que M3 en me disant que ça me permettrait d’anticiper un départ d’un gars comme Samuel qui, lui, sera surveillé… Je me suis retrouvé à attaquer assez tôt, dès Fort Queyras. Au final aucun bon de sortie n’a été donné, il faut dire que la montée sur l’Agnel est assez roulante avec un vent défavorable. Jusqu’à 5 kilomètres du sommet, tout restait à faire, et en même temps j’ai calqué ma course sur celle de Stefano Sala. Puis, sous l’impulsion de William Turnes et de David De Vecchi, nous sommes parvenus à nous extirper, et William a fourni un gros effort pour engranger une petite avance avant la neutralisation. Les deux coureurs m’ont fait une forte impression, j’ai essayé de relativiser, j’ai fait trois tentatives d’échappée. Puis au retour côté Italie, à la bascule, nous nous sommes retrouvés à nouveau ensemble avec Stefano Sala. Nous avons fait le reste de la course tous les quatre jusqu’à la remontée sur Risoul. Peut-être que l’on pourrait dire qu’ils ne se sont pas méfiés de moi, mais quand on ressort à quatre après les 10 kilomètres à 11% de l’Agnel, aucun d’entre nous n’était là par hasard.
La cyclo était le support des Championnats de France Masters, avec des coureurs Elites qu’on ne voit jamais. Quelle était l’ambiance ?
L’ambiance était sérieuse, pas nerveuse. A ma surprise, pas grand-monde n’a osé prendre les devants sur les 45 premiers kilomètres. N’ayant aucun équipier, ma crainte était de rater le bon wagon. Pourtant, avec le recul, je me suis rendu compte que, vu mon état de forme ce jour, j’aurais pu être plus serein. Il me manquait juste mon frère qui, d’habitude, vient me filer de gros coups de main en course. Par la suite, dans le déroulement de l’épreuve, l’entente a été parfaite car chacun d’entre nous courait dans le seul but de gagner, certainement parce que nous étions quatre cyclosportifs. Un Elite aurait certainement couru différemment.
Que va changer pour toi le titre de champion de France Masters ?
Je m’attendais juste à pouvoir gagner ma catégorie « sur un malentendu » en profitant de la neutralisation de la descente en Italie, des catégories, et des non concurrents aux Masters pour sortir. Après, de là à gagner le scratch, c’était une surprise. Je ne veux pas dire que j’ai gagné par hasard non plus mais aujourd’hui, sur les moindres cyclos, tu peux te retrouver avec des champions olympiques au départ ou des gars de la DN1 qui viennent faire de la récup entre deux Coupes du Monde ou deux courses Elites ! Pendant la course, je savais qu’il y avait un coup à faire si je sortais avec Stefano Sala et des coureurs des autres catégories. J’ai réalisé quasiment la course parfaite, mais le scénario idéal que je m’étais imaginé ne s’est pas présenté, je me suis retrouvé au final avec deux costauds du même âge ! Alors je n’ai pas réfléchi, je crois que William et David non plus. La suite : chacun a fait le maximum pour rouler jusqu’à Guillestre. Sur le final, j’arrive à m’isoler à 8 kilomètres de l’arrivée. Quand on voit les écarts à l’arrivée c’est presque de la loterie. Je pense que ça va changer pas mal de choses : maintenant que j’ai ce maillot je ne vais pas le laisser au fond d’un tiroir ! J’avais déjà des partenaires (Giant, les cycles camellini à Beaulieu-sur-Mer, Café du Cycliste), cela va renforcer nos liens. Je leur dédie cette victoire pour toute la confiance qu’ils m’accordent. Je réalise la chance que j’ai de porter ce maillot, je vais faire une saison de cyclosport avec toujours de la course à pied en parallèle pour varier les plaisirs, mais sportivement parlant priorité aux courses de vélo.
Quel va être ton programme d’ici la fin de saison ?
J’ai envie de surfer sur la vague avec mon maillot, on vient de me contacter pour la Haute Route Pyrénées au mois d’août, les étapes semblent mieux me convenir que la version Alpes, puis je vais faire les Bosses du 13. J’aimerais faire le Roc d’Azur Marathon mais sans objectif particulier.
Comment t’organises-tu en dehors du vélo ?
Je travaille un week-end sur deux, je suis agent territorial. Je fais des vacations de dix heures avec deux heures de pause à midi. Donc le midi je roule ou je cours. Ensuite, comme j’ai entre deux ou trois jours de jours de repos en semaine, je peux me planifier des sorties longues que ce soit à vélo ou à pied. Ça me permet de rouler avec les pros en semaine qui habitent Nice et Monaco. Et quand je ne travaille pas les week-ends, c’est récup pour être avec ma famille. Pour ce qui est de la course à pied je vais reprendre mi-août pour pouvoir faire de belles sorties en automne une fois la saison terminée.
Pour 2017, quelles cyclos seront au programme ?
Pour 2017 je vais faire les Granfondos de début de saison en Italie, il y en a trois à une heure de route de Nice en février et mars : elles sont relevées et sont organisées sur routes fermées. Ensuite, je n’ai rien planifié de précis mais je pense refaire comme cette année : la Valberg, la Mercan’Tour-Café du Cycliste, puis ensuite la Fausto Coppi et la Marmotte. J’aimerais faire une Haute Route et une cyclo un peu lointaine pour voyager. Ce qui va changer pour moi c’est que je vais pouvoir bénéficier de dossards prioritaires car quand on court peu et que donc on a peu de résultats c’est toujours compliqué d’aller justifier sa place.