Antoine, d’abord, est-ce que tu veux bien te présenter aux lecteurs de Vélo 101 ?
J’ai 28 ans et je suis né à Monaco dont j’ai la nationalité. Je travaille pour Amaury Sport Organisation (ASO) où je commercialise les droits TV de nos épreuves (Tour de France, Rallye Dakar, Marathon de Paris, Vuelta, Paris-Roubaix…).
J’ai pris ma première licence cycliste en mai 2017, mais avant cela, je faisais de la course à pied.
Tu fais du vélo depuis combien de temps, et quels autres sports as-tu pratiqués avant ?
J’ai commencé à faire du vélo il y a environ 3-4 ans parce que j’étais régulièrement blessé en course à pied, et que je voulais garder la forme physique. Donc, dès que je rentrais chez moi sur la Côte d’Azur, j’en profitais pour sortir mon B’Twin Décathlon et aller monter des cols.
Mais, le tournant a eu lieu cette année, en mars. ASO organisait la 2ème édition du« Paris-Nice Challenge », et j’ai voulu me préparer, donc je me suis mis à faire des séances sur des vélos statiques dans les salles de sports parisiennes du CMG. Au départ de cette cyclo, je ne connaissais personne, mais j’avais repéré un gars avec un maillot de champion de France qui était très affuté. Il s’agissait de Cédrick Dubois (Champion de France Master/ 4ème de l’Etape du Tour), et j’ai essayé de l’accrocher dans la dernière montée de la cyclo. Il m’a évidemment déposé dans les derniers kilomètres, mais nous avons ensuite sympathisé, et il m’a proposé de le rejoindre au Magnan Bornala Cyclisme (MBC), un club niçois avec un super état d’esprit et une belle ambiance. J’ai tout de suite accepté car je me suis dit qu’il était temps de faire le deuil de mes années d’athlètes pour me lancer de nouveaux objectifs sportifs.
Quelles sont tes performances sportives et par quels clubs es-tu passé ?
En course à pied, j’ai réalisé 30’29’’ sur 10 kilomètres ; et 1h08’ sur semi-marathon à l’âge de 19 ans. J’ai aussi fini 3èm des championnats de France de cross cette même année, et j’ai pu représenter Monaco sur de nombreuses compétitions internationales, comme les championnats du Monde d’athlétisme en 2009, à Berlin. D’ailleurs, pour l’anecdote, j’étais sur le même stade d’échauffement qu’Usain Bolt, quelques minutes avant qu’il ne batte son record du monde du 100 mètres en 9’’58. Au club de Monaco, j’ai eu la chance de vivre des expériences humaines et sportives incroyables.
Je suis ensuite parti courir sur le circuit universitaire américain pendant un an, à « East Carolina University ». Même si j’en garde un excellent souvenir, je n’étais pas prêt physiquement à absorber la quantité d’entraînement et le nombre de compétitions à effectuer. Je n’avais pas non plus une super hygiène de vie, et c’est à partir de là que des blessures récurrentes m’ont empêché de retrouver un niveau compétitif en course à pied.
En ce qui concerne le cyclisme, mon palmarès est assez mince mais je pense que j’ai réalisé mon meilleur résultat cette année sur la cyclosportive Mercan’tour Bonnette ou j’ai terminé deuxième derrière Davide Rebellin. Quand je me suis retrouvé seul avec lui dans le dernier col (la Couillole), j’étais dans un véritable état d’euphorie. Je ne m’attendais vraiment pas à finir devant de gros clients comme Stefano Sala, Cédrick Dubois, ou certains pros, Alexandre Blain et Floryan Arnoult.
J’ai aussi fini 10ème de l’Etape du Tour.
Tu es relativement nouveau dans le cyclosport, quelle image en avais-tu avant d’en faire ?
Je pense que je n’avais pas une image très différente ce celle que j’ai actuellement. J’associais le cyclosport à des épreuves similaires à ce que l’on peut retrouver en course à pied comme les courses sur route ou les trails. Ce que j’apprécie dans ces épreuves, c’est la diversité des profils des personnes qui y participent, ainsi que l’état d’esprit qui est plutôt sain.
ASO, où tu travailles, oeuvre sur des cyclos « haut de gamme », à ton avis où est la réalité du cyclosport entre les Mercan’tour et l’étape du Tour?
Sur un événement comme l’Etape du Tour, les participants viennent pour vivre l’expérience « Tour de France », avec des conditions similaires aux cyclistes professionnels. C’est d’ailleurs un luxe de pouvoir rouler sur l’intégralité du parcours en route fermée, ce que peu d’autres organisateurs de cyclos peuvent obtenir. En 2018, ce sera la 28ème édition, donc l’épreuve a su se développer au cours des années pour devenir, aujourd’hui, une référence en Europe et dans le reste du monde (plus de 40% des participants sont étrangers).
Sur des épreuves type Mercan’tour, les organisateurs vont d’avantage miser sur l’exceptionnel terrain de jeu que peut offrir la région, et plus particulièrement, l’arrière-pays niçois. Elles proposent aussi plusieurs formules avec des dénivelés compris entre 2000 et 4500 mètres, donc chacun peut y trouver son compte. Il y a également un challenge/classement avec de belles récompenses à la clé, et cela a permis d’attirer les meilleurs coureurs cyclos de la région et d’Italie. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que certains pros sont venus y prendre part, comme Philipe Gilbert, Tim Wellens, Davide Rebellin, Amael Moinar, Alexandre Blain… Selon moi, ce profil de cyclo va grandir et continuer à se développer à l’avenir.
Les cyclosportives sont relativement peu couvertes par les médias, même locaux, penses-tu que ça puisse évoluer ou est-ce les réseaux sociaux qui peuvent populariser le cyclosport ?
Les médias locaux gagneraient à couvrir les cyclos car ces évènements ont une dimension touristique qui est bénéfique pour la région. Mais, c’est vrai qu’au-delà des médias traditionnels, les réseaux sociaux sont des outils très intéressants pour recruter de nouveaux fans et populariser le cyclosport, car c’est un moyen de communication facile et efficace. Cependant, les petites structures et organisations n’ont pas forcément les ressources pour développer ce levier de communication. Mais, une bonne utilisation des réseaux sociaux permet de créer une communauté autour de l’évènement, et la développer en proposant des contenus à la fois créatifs et informatifs..
Vois-tu le cyclosport évoluer comme la course à pied ?
La grande différence entre le cyclosport et la course à pied se situe au niveau de la logistique. Je vais simplifier, mais pour une épreuve de course à pied, il suffit de mettre ses baskets et de se diriger vers le départ. Dans le cadre d’une cyclosportive, il y a une logistique d’organisation bien plus lourde, comme la vérification du matériel, la préparation des ravitaillements, le déplacement jusqu’au lieu de départ, qui est souvent dans un milieu rural… De ce point de vu, le cyclisme sera toujours moins accessible que la course à pied, et pour ces raisons, je pense qu’il vaut mieux avoir un vivier de cyclos « qualitatives » plutôt que « quantitatives ».
Et, je suis d’accord pour dire que l’avenir des cyclos passe, par exemple, par le recrutement de plus de cyclistes féminines. Par exemple, sur l’Etape du Tour, les femmes ne représentent que 6 % des inscriptions, alors que le marathon de New York compte plus de 40 % de femmes au départ.
Même si le cyclisme est historiquement un sport d’hommes, je ne vois aucune raison pour que les femmes ne s’y intéressent pas également. Mais pour cela, il faut que toutes les parties prenantes au cyclisme (marques de vélos, équipementiers, organisateurs, médias) s’attaquent à ce marché qui est selon moi inexploité en France. De ce côté là, Laurent Elleon et Christophe Menei, organisateurs des Mercan’tour, ont parfaitement œuvré en proposant la Ladies Granfondo, qui sera la seule cyclo française 100 % féminine en 2018. Je pense que c’est avec ce type d’initiative que l’écosystème des cyclos en France pourra se développer.
Selon toi, quel est le plus beau pays pour pratiquer le vélo ?
Au risque de faire du chauvinisme, je pense qu’en France nous sommes clairement des privilégiés. Nous avons des régions magnifiques avec tout type de relief et une grande diversité de paysages. Si je dois parler plus spécifiquement de ma région (la Côte d’Azur) que j’adore, nous avons toutes les conditions réunies pour s’épanouir en tant que cycliste (météo, montagnes, bord de mer, vallées…). Cependant, je pense que les relations cyclistes/ automobilistes doivent encore s’améliorer, car elles sont loin d’être parfaites.
Sinon, je suis récemment allé rendre visite à un ami triathlète qui habite à Valence, et j’ai bien apprécié de rouler dans cette région, car il y a justement peu d’automobile, et le relief et le climat sont proches de ce que l’on peut avoir dans le sud de la France.
Jusqu’à présent quel est le col qui t’a fait le plus mal ? Et celui que tu rêves de grimper ?
Le col qui m’a fait le plus mal ? Je réponds sans hésitation, le col de la Madone, à quelques kilomètres de Monaco. C’est l’un des terrains de jeu privilégié des cyclistes de la région (professionnels comme amateurs). Avec 14 km à 7 % plutôt irréguliers, on peut évidemment trouver pire, mais quand j’y vais c’est souvent pour y faire mes intervalles, donc c’est rarement une partie de plaisir.
Le col que je rêve de grimper ? En France, je dirais le Ventoux, que je n’ai jamais fait, et à l’étranger, j’adorerais faire l’Angliru.
Tu te définis plutôt comme quel type de coureur ?
Clairement grimpeur. Mon gabarit (1m71 pour 57 kg quand je suis affuté) m’aide un peu aussi je pense. Je ne suis pas vraiment puncheur, mais cette année, je me suis surpris à être correct sur des arrivées en bosse.
Sur quels aspects crois-tu devoir progresser ?
Surtout les descentes. A l’Etape du Tour, au moment de faire la bascule au sommet du col de Vars, j’avais presque une minute d’avance sur le groupe des favoris composé de Nicolas Roux, Cédrick Dubois, Tao Quemere et Julien Bernard. Mais, en bas, j’avais 30 secondes de retard sur eux. Certes, ce sont tous des très bons descendeurs, mais j’ai du faire de gros efforts pour recoller, et j’y ai laissé pas mal de forces.
Tu as été coureur « solo », penses-tu que faire partie d’un team « fausse » la course et te donne un avantage ?
Sur une cyclosportive, je n’irais pas jusqu’à dire que cela fausse la course, car la gagne se joue souvent à la pédale vu les dénivelés. Cependant, cela peut donner un avantage non négligeable, surtout sur l’aspect psychologique. Si je dois prendre mon propre exemple, j’étais super rassuré d’avoir Cédrick Dubois à mes côtés lors de l’Etape du Tour. Surtout qu’il m’a quand même pas mal protégé tout au long de la course, et ça lui a peut-être couté une place sur le podium.
Ton programme de cyclos est presque établi pour 2018, quel sera-t-il et quelles sont tes ambitions ?
Je pense démarrer la saison mi-mars avec le Paris Nice Challenge puis La Corima. Comme le dit Stéphane Cheylan, ce sera un peu « la rentrée des classes ». En avril, je ferai sûrement les Granfondo Saint-Tropez et Nice Côte d’Azur. Je ne pense pas être à 100 % à ce moment de l’année, mais ce sera de bonnes occasions pour accumuler les kilomètres, et j’espère tout de même y arriver compétitif. Ensuite, sur le mois de juin j’aimerais faire les 2 cyclos Mercan’tour, mais il faudra voir si c’est compatible avec mon calendrier FFC. L’Ardéchoise est également une option.
Mais, l’objectif de la saison sera l’Etape du Tour. J’adorerais la gagner à l’avenir, mais pour cela, il faudra que je progresse dans tous les domaines.
Le reste des mois de juillet et aout dépendra un peu de mon calendrier professionnel, mais c’est possible que je considère l’une des Hautes Routes. Et, en fin de saison, j’ai coché les Bosses de Provence.
D’ici là, je suis impatient de rouler sur mon nouveau Trek Emonda avec les autres membres du team.