Dimanche soir 21 juillet, en plein cœur de Val Thorens, les centaines de coureurs en finissent avec l’Étape du Tour. Ils sont à 1 km de l’arrivée, fourbus pour le moins car ça fait, au bas mot, 10 heures qu’ils, elles en bavent sur les pentes du Roselend ou maintenant de l’interminable montée de Val Tho.
© ASO / A.VIALATTE
Heureusement, les Val Thorinois et Val Thorinoises n’ont plus vu le Tour depuis 25 ans, et ils ont de l’énergie jusqu’au dernier, bien aidés par les coureurs qui en ont fini, leurs proches et plein de gens qui sont simplement émus de voir autant d’abnégation qui avec le sourire des fois, l’envie de mettre l’ambiance chez d’autres ou tout bonnement en gérant les crampes, la fatigue, la préparation aléatoire car une Étape du Tour comme ça, c’est très exigeant et certains, certaines n’ont pas assez fait le métier.
16 000 inscrits annoncés, 12 760 partants et 10 229 classés, je pose 2365 pour Val Thorens et j’ajoute 1992 pour Albertville et son association Bénévoles ’92 qui, 25 ans après, fonctionne toujours et s’est investie à fond sur l’organisation de cette EDT ; ça fait 2500 abandons. La compagnie des bus balais a bien marché dimanche, pas de soucis, on a compté 22 bus de ce type et les camions qui allaient avec pour les vélos. Bienvenue dans l’autre version de l’étape du Tour.
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On est loin des 4h44’11 » de Adrien Guillonnet qui aime décidemment les montagnes mythiques après sa révélation sur la Dénivelé Challenges de juin au Ventoux ; les coureurs qu’on voit défiler sur le coup des 19 heures à Val Thorens conjuguent l’expression « aller au bout de soi-même » « aller au bout de l’effort » à tous les temps, heureusement la météo a été parfaite, nonobstant la chaleur que tous ceux-là ont pris de plein fouet car partis dans les derniers sas, soit entre 8h30 et 9 heures.
« Allez c’est bon, il reste 1 km et ça descend sur 600 mètres maintenant », on oublie volontairement de leur dire que ça monte fort sur les 500 autres : et on espère fort que l’organisation a « lassé faire » ceux et celles qui se proposaient de pousser tous les volontaires pour finir sur le vélo, comme ça se fait pour le grupetto.
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Cet autre regard sur l’Etape du Tour n’est pas moins intéressant que ce qui se passe à l’avant. Tous ces coureurs sont venus vivre leur rêve, découvrir le cyclosport : 60% des inscrits sont des nouveaux entrants, et ont pu constater que l’EDT, « ça se mérite » il faut aller la chercher cette médaille de finisher qui ouvre les bouteilles de bière, histoire d’entamer au mieux la soirée « alors, ça s’est passé comment ton étape ? », à la vôtre !
A un km de l’arrivée, on en voit de toutes les couleurs, comme le nouveau maillot à pois Leclerc, déjà porté par ces non-grimpeurs qui ne pourront que grimper désormais dans les classements, des Total Direct Energie, des Arkéa-Samsic, un Inéos: beau mais pas trop porté en France, une tenue aussi Nigeria, Brésil, …bref un feu d’artifice de couleurs et une permanence, tous ces coureurs se font plaisir sur le vélo, même si là…et avec un beau vélo, le lot de l’immense majorité des finishers, et pas un vélo gagné en lot, ça se saurait, donc c’est tout bon pour l’industrie du cycle comme pour les Tour-Opérators qui ont amené ces valeureux depuis une bonne partie des 71 pays représentés.
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On aimerait être « petite souris » pour sourire avec bienveillance de toutes les histoires insolites que génère un tel rassemblement de populations aussi diverses avec comme point commun l’amour du Tour et la volonté de dire « moi-aussi » j’ai mis mes roues là où Alaphilippe et G Thomas les mettront. Beaucoup de coureurs se surestiment, c’est certain, ils se sont inscrits par défi, par pari gagné ou perdu ! …comme on se décide un jour de faire le marathon, sur un coup de tête, même si sur le coup des 19 heures à Val Tho, c’est plutôt le coup de bambou.
Qui sont ces jusqu’au bouistes qui ont réussi ou en tout cas tenté de finir, d’aller au bout de leur rêve ? On passe sur ceux qui achevaient un méga burger avec des frites et moutarde la veille en guise de pasta-party ! Le hasard a voulu qu’on en croise, qu’on en secourre deux, pas forcément choisis au hasard pour l’une : Marie et parfaitement par hasard pour son compagnon d’infortune: Pierrick, les prénoms sont vrais car leur histoire illustre deux des nombreusses petites histoires qui amèneront leurs protagonistes à revenir pour finir, faire partie des 10 000 et quelques et plus des 2500 abandonnés à leur sort ou presque.
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Marie, elle c’est sûr, elle allait finir. Partie à 8h30 après avoir bien repéré le chemin pour aller à son Sas, le 13, pas superstitieuse, de toutes façons pas le choix, elle en est à ses premières cyclos, donc le 13 c’est très bien. Pour le sas 100% féminin qu’on espère voir rapidement sur l’EDT, le 3 ou 4 par exemple, elle attendra. Bonne gestion du Cormet de Roselend où elle a déja vu des coureurs marcher à côté de leur vélo, pas de leurs pompes même si pour les cales…Il ne reste plus que du Coca au ravito du sommet, va pour le coca et vive Maurice, Bourg-Saint-Maurice, sa descente pleine balle, elle a battu son record, 65 km/h. Sympa, c’est toujours ça de pris. L’autre descente, celle de Longefoy, va passer aussi comme une lettre à la poste, prudence, reconnaissance, tout ça combiné la mène normalement à la station du slalom spécial, Les Ménuires, en passant par Saint Martin de Bellevile. Elle a prévu 3h30 pour monter, un mental « aux 101 km de Millau » dans la poche et à la diagonale des folles, à aller chercher mais ça va le faire.
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Rien ne peut lui arriver sauf la chute, bête, une roue touchée et bing, le beau maillot Alé n’a rien, le cuissard non plus ouf, un eu de vernis parti au coude (pas de souci, elle connaît une bonne infirmière, elle) mais la roue a pris, un rayon pété. Marche à pied pour aller au poste de secours et ravito à Moutiers, perte de temps, perte d’énergie et Mavic qui ne change pas la roue car « la barrière horaire va être atteinte dans 1/4 d’heure » pas cool mais c’est comme ça.
L’occasion de souligner que ceux, celles qui partent à la fin subissent la double peine : ils roulent en plein cagnard car partis tard et sont toujours plus proches de la barrière éliminatoire, c’est dur, mais c’est difficile d’y échapper. Routes privatisées, certes mais sur une tranche horaire de plus de 12 heures, même sur le Tour, ça n’existe pas !
Pierrick, lui c’est un autre cas, Ardéchoise bien planquée derrière un prénom Breton, il vit à Lyon, fait de la course à pied, beaucoup, du vélo, un peu quand son métier d’avocat lui laisse du temps. Inéos il n’a pas encore osé, mais Sky, oui, tenue noire impeccable. Le vélo n’est pas assorti, son Pinarello à lui, c’est un Lapierre, pas réglé, mais alors pas réglé du tout. 11 kilos, bon poids, freins pas réglés il pédale et freine en même temps !! Tout ça pour dire que 1/ il faut qu’il investisse dans du matériel à la hauteur des cols qu’il veut grimper et que la mécanique n’est pas son truc. La barrière horaire l’a rattrapé, laissé dans la pampa à Moutiers, loin, bien loin d’Albertville où sa 205 l’attend. Heureusement on est là, et après saint Maurice, après saint Martin, on joue les saint Bernard, avec plaisir, la solidarité des cyclistes;
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Dommage que ces deux-là ne se soient pas croisés plus tôt, la roue aurait pu faire office de témoin transmis. Deux petites histoires qui font l’histoire de l’EDT et qui font déjà qu’on attend de connaître le parcours de la 30 ème édition. L’occasion pour nous de souligner et encourager le travail de marques comme Rapha qui travaillent vraiment « à la base » à amener des gens, des femmes en particulier au vélo. Elles sont l’avenir de l’homme, l’avenir du vélo tant ce beau sport leur va bien comme les tenues que sur lesquelles les marques bossent de plus en plus et de mieux en mieux, et sûrement incarnent l’avenir de l’Étape du Tour, 7.5% de la population actuelle, on est loin des 35% du marathon, ne parlons pas de l’équitation, mais le cap des 10% est un bel objectif, comme l’est celui d’avoir un Sas entièrement réservé aux féminines comme on le disait plus haut, le 3 ou 4. ça en fera râler quelques-uns derrière, pas de soucis, dans très peu de temps on ne les entendra plus!
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Un mot pour conclure, on souhaite un bon rétablissement à eux qui ont chuté, et on transmet un immense bravo à tous les valeureux qui sont allés au bout, au bout de leur rêve avec la médaille de finisher et à toutes celles et ceux qui ont vécu leur rêve même si point de ligne terminale, mais l’année prochaine, c’est sûr….