Aujourd’hui, nous allons vous parler d’un col qu’aucune cyclosportive n’a osé franchir en cette année 2016, d’un col qui, comme les autres mythes Ventoux, Tourmalet, Izoard, Galibier a depuis longtemps perdu cette appellation de col, trop simple, trop banal. Il faut prendre de la hauteur pour en parler après l’avoir escaladé. On parle ni plus, ni moins de l’Iseran 2770 mètres, qui toise le Stelvio et ses 48 virages de 12 mètres, le Galibier de plus de 100 mètres, la Bonette Restefonds de plus de 50 mètres, le géant de la Haute Maurienne qui n’en manque pourtant pas. C’est simple, Louison Bobet, triple vainqueur du Tour, y a posé le vélo au sommet, lâché, dégoûté, il a fini sa carrière au plus haut, un peu comme Ferdi Kubler dans le Ventoux en 1955, rendu fou par la pente et la chaleur, pourtant « Ferdi, non plus, pas coureur comme les autres ».
On a parlé de beaucoup de cyclosportives donc de beaucoup de cols, et ce n’est pas fini. L’Iseran oublié, on va profiter que les coureurs du Tour de l’Avenir croisent le fer dans la Croix de Fer, le samedi, pour réparer cette anomalie et l’attaquer de bonne heure, de bonne humeur et de bon matin, c’était dimanche 28 août. Tant qu’à y goûter autant le faire bien, le côté Haute Maurienne Vanoise à partir du très mignon village de Termignon donc par Bonneval sur Arc d’abord, puis bascule vers Val d’Isère et la Tarentaise ensuite. Termignon-Termignon, terminus au bout de 111 kilomètres et 3400 mètres de dénivellation, 2 faces, 2 coureurs, 2 visions de l’Iseran bien différentes l’une de l’autre.
On est en Savoie des deux côtés, une vallée s’appuie sur le ski pour sa promotion. La Maurienne, elle, s’appuie sur ski est « le plus grand domaine skiable du monde » ou « je skiffe pour la Maurienne » (pas mal du tout!), mais depuis quelques années c’est aussi « La Maurienne, le plus grand domaine cyclable du monde » avec des cols de légende : Galibier, Madeleine, Glandon, Croix de Fer, la montée de la Toussuire ou encore les fameux lacets de Montvernier. Quand on communique sur un tel label, tout doit être à la hauteur, pas seulement les cols, mais aussi l’état des routes, la disponibilité de vélos à la location, l’accueil à commencer par celui des hôteliers qui ont mérité le label « Qualité cyclo Maurienne ». Ces hôtels ont un garage à vélo, un poste pour nettoyer le matériel vtt ou route, et bien sûr qualité d’hébergement, sens des horaires cyclistes donc tôt le matin, le départ, et surtout qualité de la restauration.
On est en Savoie, où les produits sont excellents, à commencer par le fromage, les diots, les crozets, les pains maison, les salaisons… L’auberge La Tourra à Termignon a le label, on a vérifié et ils le méritent à 101% que ce soit pour la qualité des chambres et des lits ou l’excellence des plats proposés. Bravo pour le tian de pommes de terre avec viande de porc hachée, revenus séparément puis confits au four pendant au moins 3 heures avec de l’huile d’olive, de Provence bientôt, promis (pour la recette, écrivez à Vélo 101, on vous la donnera !). Le super petit déjeuner de David, herboriste de son état, qui s’occupe du pain, des confitures maison kiwi, poire, abricot, café et thé vert au choix. Les croissants, les pains au chocolat, les chaussons aux pommes, oubliez, du naturel, rien que du naturel, facile à digérer. Ça tombe bien on prend le petit déj tôt, 7 heures, et à 7h50 on est sur les vélos, l’Iseran nous attend, c’est parti.
Dès la sortie de Termignon, on est mis au parfum, les supporters sont là. Madame, Monsieur et les marmots, ça crie déjà et ça va durer au moins jusqu’à 2500 mètres d’altitude. Question aux spécialistes des marmottes, elles vivent à quelles altitudes maxi et mini ? Wikipédia, c’est bien mais faut bosser un peu. Le parfum, il pique un peu, c’est du 10% sur 1,5 kilomètres, pour l’échauffement c’est tout bon, on y va tranquille. Il fait 11 degrés, première surprise les courants froids redescendent la matin vers la vallée. Après midi, c’est l’inverse pour les courants chargés de chaleur. Le froid ressenti maintient bien éveillé, heureusement en levant la tête, le massif est éclairé, le soleil pointe dès Bonneval sur Arc, ça doit venir de bonne vallée ! Il ne va pas nous lâcher, et à 2770 mètres, il fera frisquet mais c’est supportable. Lanslebourg où on laisse la route du Mont Cenis sur la droite, direction Lanslevillard, Bessans et son paradis du ski de fond. Bonneval sur Arc et ses 200 habitants, un des plus beaux villages de France, jumelé avec les Baux de Provence, pas un hasard ! Ses toits en lauze sont situés à 14 kilomètres du sommet.
Certes « c’est là que ça commence » mais depuis Termignon et même Modane pour ceux, celles qui veulent s’échauffer plus longtemps ça monte régulièrement et sûrement, sans compter de longues lignes droites en faux-plat montant. Si la descente est le salaire de la montée, à l’aller il faut payer cash, et vent de face, ça se sent et c’est froid, malgré les 11 degrés du départ. Heureusement l’environnement est d’une beauté à couper le souffle, c’est du gazon posé sur la montagne par certains côtés, c’est de la roche à vif sur d’autres, ce sont des glaciers qui restent en neige toute la saison, le ciel est pur, on pédale dans la splendeur. Cela ne fait pas avancer plus vite, mais ça transporte, assurément. Bonneval est à visiter, mais plutôt au retour, vers midi, il y a tout ce qu’il faut pour y être bien accueilli, cycliste ou pas.
Le côté Bonneval est assurément le côté le plus spectaculaire, le plus préservé, et aussi le plus difficile. Compter une heure trente pour le monter, et c’est déjà pas mal, on est constamment entre 8 et 10 %. Le goudron rend très bien, les routes sont parfaitement entretenues, on n’est pas dans le plus grand domaine cyclable du monde pour rien ! Le hors d’œuvre a été copieux, et les 14 kilomètres vont être un vrai beau plat de résistance, à la pente, mais l’envie d’aller plus haut est bien là, pas ailleurs, alors c’est parti. Notez que tous les kilomètres une chouette borne vous donne le kilométrage et le % moyen du prochain kilomètre. Bref, vous savez à quelle sauce vous allez être mangés, elle donne aussi l’altitude, cette borne, dès qu’on est à 10,5 kilomètres du sommet on passe 2000 mètres. Un autre monde? Pas vraiment, c’est plutôt à 2500 mètres que, là, tous les efforts se paient cash eux-aussi et on comprend pourquoi à ces altitudes on monte sans attaques. Ou alors faut être Colombien, et encore.
Entre 8 et 10% de moyenne sur tous les kilomètres, c’est un % moyen, bien sûr, ce qui signifie qu’à certains endroits on est largement au dessus, c’est à la descente qu’on se rend mieux compte du vertige de la pente. Heureusement, on est en plein paysages pastoraux, troupeaux de moutons et de chèvres sur Bonneval sur Arc puis troupeaux de vaches Abondance, d’où le fromage éponyme et/ou Tarines, l’autre nom de la Tarentaise. Un peu plus haut et même jusqu’au sommet de l’Iseran, les champs sont délimités par des clôtures, les animaux ne bronchent pas et les stabulations avec trayeuses sont là pour montrer que du producteur au consommateur il n’y a qu’un pas, le bleu de Bonneval, le Beaufort bien sûr, et la tomme à l’ail que vous trouverez à la coop de Termignon, voilà notre podium calcium, ne dîtes pas que le fromage c’est mauvais pour les cyclistes, non mais…
Tout à gauche, on a dit dès Bonneval, on recommandera le triple plateau pour ceux qui…. ou bien le compact 50/34 et 30 à l’arrière, vous passerez, sans soucis, à condition d’être un minimum entraîné. Ce n’est qu’à 200 mètres du sommet qu’on peut remettre le grand plateau et enquiller vers la Tarentaise, après s’être arrêté pour mettre le gilet qui va bien et même les manchettes. Là-aussi le paysage est somptueux, un peu le même qu’à la montée depuis Bonneval. A Val d’Isère, vous trouverez des fontaines potables pour remplir les bidons, deux de préférence, et prévoyez bien les barres et gels parce que c’est 5/6 heures d’efforts et que le petit déjeuner, même excellentissime, est loin.
La montée par Val d’Isère fait 15 kilomètres, mais ça n’a rien à voir avec la Maurienne. On est sur du 4/5/6% quelquefois 8% mais pas souvent. Un autre conseil, commencez par le côté Bonneval, vous ferez le plus corsé quand vous aurez le plus d’énergie! Ce côté-ci est aussi moins bucolique, la faute à l’absence de troupeaux et à la présence des remontées mécaniques qui abîment les paysages et démontrent le choix fait du ski, au détriment d’autres activités, tant mieux pour les autres vallées.
Au sommet on pose avec les jeunes du Chambéry cyclisme formation, venus préparer le tour du pays de Gex. Il est midi, ils ont grimpé le côté Val d’Isère, on les recroisera plus tard, ils se tapent le côté Bonneval, sous le cagnard. Certes il faut se mettre dans les conditions de la course, mais ils souffrent et on a (un peu) mal pour eux. Arrêt, obligatoire, à Bonneval, histoire de reposer les avant-bras, car la pente est raide. Retour à la Turra où Séverine et David ont le bon goût de vous proposer de prendre la douche quelque soit l’heure, même si votre chambre est déjà louée. Termignon, terminus d’une sortie inoubliable, le bonheur de faire du vélo, sport où on va assez vite pour voir beaucoup de paysages et suffisamment pas vite pour bien les admirer. En mode récupération, offrez-vous une bonne planche de charcuteries locales, voire de fromages locaux. Pourquoi pas les deux ? Et avec ça qu’est ce qu’on vous sert ? Une fois bien hydratés, à l’eau bien sûr, prenez une bière blanche des cimes, vous les avez admirées toute la matinée, vous l’avez bien méritée.
Dernier conseil, sous forme de conclusion, prenez bien sûr des lunettes de soleil, mais à la montée mettez-les dans les poches, la Maurienne, c’est trop beau pour être filtré.