2400 Flamands et quelques Français ont escaladé le Mont Ventoux samedi. Cette invasion massive et sympathique de nos voisins est le point d’orgue d’une campagne de sensibilisation aux exercices physiques, menée par le Ministère des Sports flamand (le ministre était sur le vélo), et Sporta, une agence d’organisation d’événements. Le principe est simple : amener les gens à faire du sport, se dépenser, bref réduire le déficit de la sécurité sociale, avec un objectif majeur, grimper le Mont Ventoux, la montagne des Belges. Le projet se nomme « Mon Ventoux », c’est la 8ème édition, et les organisateurs ont choisi de pimenter un peu le week-end, déjà très chaud. Deux cyclos sans classement sont proposées, la Cannibalette (131 km avec quatre cols) et la Cannibale (173 km avec six cols et 4530 mètres de dénivelé). Récit d’une belle journée de vélo.
6h30, vu les températures annoncées sur le Ventoux, 30-35°, ce n’est pas trop tôt pour donner le départ aux 1100 Flamands qui se sont donné rendez-vous pour cette première Cannibale. Le vrai, Eddy Merckx, est là pour donner le départ, pile à l’heure. On passe sur le tapis, chacun est muni d’une plaque avec un chip, les points de contrôle sont nombreux et variés. D’ailleurs, tout au long de ces deux jours, que ce soit à Bedoin pour la remise des dossards le vendredi (2400 dossiers gérés en quatre heures !) ou samedi à Malaucène, l’organisation est irréprochable. 31 personnes de Sporta sont détachées sur l’événement, et en tout 179 personnes sont là pour l’organisation. Tout est pensé, organisé, il ne manque presque rien, pas même les toilettes, histoire que les jardins ne soient pas arrosés de bon matin !
On attaque par Malaucène, à froid, mais pas longtemps. La température monte vite et on en prend plein les yeux. Au soleil levant, pleine face, ça a au moins l’avantage de ne pas calculer la pente à venir, mais c’est bien le seul avantage. Au sommet, pas besoin de manchettes, mais on gagne un tour ! Le tapis de contrôle est placé sur la route du dessous, donc au dernier virage côté sud, on prend à gauche, et on fait un tour, avant de s’élancer vers Sault par le Chalet Reynard. Là, même topo, ravito, passage sur le tapis, et c’est parti pour la Drôme et Montbrun-les-Bains ou presque.
Juste avant le village, on bifurque à gauche direction le col d’Aulan, 7,2 kilomètres gentils. On culmine à 845 mètres. Petites routes, très beaux villages, comme Montauban-sur-Ouvèze, qu’on rejoint dans la montée du col du Perty, dont le sommet est rejoint après 100 kilomètres. Ce sont 12,2 kilomètres à 4,9 %, ça monte vite, les routes sont déjà surchauffées, et on est à 1302 mètres tout en haut. Belle descente, rapide, et on attaque le col Saint-Jean sur 5,2 kilomètres. Là aussi la montée est régulière, pas difficile, tous ces cols de la Drôme se ressemblent pas mal. C’est la répétition des difficultés qui rend la course difficile. Répétition et chaleur. Dans la descente, le goudron fond, on est à 35° à l’ombre. Et le problème c’est que d’ombre, il n’y en a pas du tout !
Retour vers le Ventoux par Séderon. Encore un contrôle, et un ravitaillement bienvenu. En tout on en aura dix tout au long des 173 kilomètres. A chaque fois eau, boisson énergétique, fruits, gâteaux, etc., rien à dire. Le col de l’Homme Mort se pointe devant nous, les hommes fatigués, 1213 mètres en deux parties. D’abord Macuègne, avec des virages tortueux, rien de très méchant, puis direction le sommet par une route en pente soft, dont le sommet est en partie boisé, enfin un peu d’ombre. Superbe descente, on arrive dans les champs de lavande, en juin, donc le bleu est à l’honneur, même si ça ne sent pas encore comme en juillet-août. Plein la vue avant les narines. Retour sur Sault, et c’est l’attaque du Géant de Provence, seconde version du jour.
Depuis le matin, le nombre de cyclistes a gonflé énormément. En effet, Sporta a mis en place deux cyclosportives pour relancer le concept, dont les sept premières éditions étaient « seulement » destinées à Ventourist ou presque. L’idée : amener les gens à faire du sport avec un objectif majeur, Mon Ventoux. S’entraîner, souffrir, mais l’ambition c’est d’y être, et de vaincre ce géant que les gens du plat-pays regardent avec de grands yeux. En plus de la passion du vélo qu’ont tous les Belges, on a le mythe parfait. Les trois côtés sont proposés aux coureurs qui peuvent monter autant de fois qu’ils le peuvent. A chaque fois, plaque de guidon avec puce, tapis de contrôle au pied et au sommet, voire même au Chalet Reynard. Bref, tout est prévu, même les encouragements de l’organisation, porte-voix pour amplifier tout ça, et on roule. L’Alpe d’Huez a ses Bataves, le Ventoux attire immanquablement les Belges, et le premier des coureurs cyclistes belges est là. Il monte le Ventoux par Sault et termine les 6 kilomètres jusqu’au sommet sur les mêmes routes qui l’ont vu vaincre en 1970. Sur chaque engagement, 10 euros sont reversés à la recherche contre le cancer. Le montant du chèque remis à la fondation doit largement dépasser les 50 000 euros, car chacun peut verser un peu plus que son engagement.
Montée du Ventoux par Sault, la plus facile, la plus abordable évidemment, sauf quand on a déjà 150 bornes derrière soi et que les jambes commencent à peser. Malgré tout, l’ambiance, les encouragements des familles de coureurs sont là pour faciliter la tâche, et les 6 derniers kilomètres sont tellement mythiques que la fatigue fait place au plaisir, toujours le même. Le Ventoux, on ne s’en lasse pas.
Pas de classement, pas de podiums, les organisateurs ont souhaité et soulignent que c’est le côté Ventourist qui doit continuer de primer. Les cyclos n’étant qu’un alibi à la participation, qui devait relancer la formule dont la météo des dernières années avait douché l’élan ! Pari réussi, une fois, et tout le monde affiche sa satisfaction. Dans l’ordre, le commerce local qui fait le plein : hébergements, restaurants-bars, produits locaux, tout va bien, merci. Ensuite l’organisation, médecins, ambulances, sécurité, etc., tout est à la flamande, et tout se passe super bien. Il y a toujours beaucoup à apprendre des organisations étrangères et c’est le cas aussi sur celle-ci. La soirée est réservée à la fête, car Belges on est, Belge on le reste, y compris pour la troisième mi-temps. Concerts, spectacle, le tout arrosé de bière, voire un peu de Ventoux, rouge, rosé ou blanc, et le tour est joué.
Le parcours proposé avec ses 173 kilomètres et ses six cols est magnifique. Que vous soyez Belges ou non, nous vous invitons à le faire, en une ou deux étapes, histoire de bien profiter. Pour la Ventourist, rendez-vous en 2013, vers le même week-end. Comme l’a souligné Eddy Merckx, souhaitons plus de Wallons au départ et aussi plus de Français. Le Ventoux et ses trois côtés ne fera pas la différence. Qu’on parle de Mon Ventoux, ou pas, il faut toujours le Mon…T !