C’est en Sicile, à Taormina et à proximité de l’Etna, que Campagnolo a dévoilé son groupe électronique, l’EPS, pour Electronic Power Shift. Comme son célèbre concurrent, proche du Mont Fuji, le géant italien est donc passé lui aussi, et avant SRAM qui semble avoir retardé son projet de quelques mois, à l’électrique. La fée est passée par là et c’est un grand pas en avant que la famille Campagnolo nous a présenté dans une ambiance chaleureuse et familiale en ce début novembre sicilien où l’ambiance et la météo étaient printanières.
Les dirigeants italiens y tiennent et insistent beaucoup. L’EPS est le premier groupe électronique intégral et non pas électromécanique. Le défi pour les ingénieurs était de concevoir et mettre au point un groupe totalement intégré avec des composants maîtrisés et designés par Campagnolo. Une première étape majeure parfaitement réussie quand on voit les composants, que ce soit les manettes ou les dérailleurs avant/arrière. Ce processus intégré explique également le temps mis pour arriver à la ligne EPS telle qu’elle va être proposée au marché à compter de décembre et que nous aurons l’occasion de tester en grand au printemps prochain. L’électronique et Campagnolo, c’est une histoire qui remonte à 1992. Depuis lors, beaucoup d’étapes ont été franchies (le 9 puis 10 vitesses en 2001 puis le 11 vitesses en 2009 entre autres, des vélos équipés de groupes électriques dont les batteries prennent l’eau après 150 kilomètres passés sur une galerie lors du Giro, etc.), et même la fait de dévoiler si tard (on pense notamment à la première monte pour les gammes 2012) montrent à quel point les ambitions, les écueils, les remises en question et finalement le travail réalisé ont été énormes, au moins aussi faramineux que la fierté de tout un groupe aux valeurs humaines très fortes.
Côté composants de l’EPS, Campagnolo ne s’est pas embarrassé de boutons à presser. Il a retravaillé ses manettes qui sont toujours plus designs et dont l’esthétique est unique. Avec cette forme, les shifters sont actionnés quelle que soit la position, mains en bas du guidon ou sur les cocottes. On ajoutera même, si les conditions météo étaient excellentes, qu’avec des gants d’hiver, la poussée sur ces leviers est facile et assurément sans risque de manquer de précision, ce qui est un plus indéniable. La « power unit » est le point central de l’EPS. C’est elle qui fait le lien entre la décision prise et l’action de changer de rapport. Là aussi tout se fait en un temps record, on dira même super record ! Cette unité placée soit sur la potence, soit sur la câblerie, est discrète, même si son rôle est essentiel, ne serait-ce que par les voyants. Ceux-ci sont soit vert, jaune ou rouge, selon l’autonomie qu’il reste à la batterie, variable selon qu’on roule beaucoup, souvent ou pas (ar exemple, un peu plus de trois mois pour celui qui roule 500 kilomètres par mois, et un mois pour celui qui dépasse les 2000 kilomètres), et violet pour ce qui est du réglage de la ligne de chaîne, quand on a changé de roue par exemple.
La batterie au lithium est placée sur le tube diagonal de façon classique, 12 volts, étanche bien sûr. Elle est rechargeable au minimum 500 fois selon les techniciens maison et après les tests grandeur nature réalisés cette année avec l’équipe Movistar. Point à noter, elle n’est pas amovible. Le vélo complet est à rapprocher de la source pour recharger la batterie. Il faut environ 1h30 pour recharger complètement la batterie.
On l’a souligné, l’intégration est Campagnolo d’un bout à l’autre. L’enjeu était majeur pour la marque italienne, et les matériaux utilisés, thermo plastique, carbone, alliages, etc., rendent l’EPS à la fois beau esthétiquement, rigide assurément et léger même si d’autres étapes seront sans doute franchies dans ce domaine, ne serait-ce qu’avec l’intégration de la batterie dans le cadre, sujet sur lequel travaillent les ingénieurs maison. Côté poids justement, Campa annonce 223 grammes de différence entre le système mécanique et l’EPS pour le Super Record (2098 contre 1875) et 210 grammes pour le Record (2184 contre 1974). Pour ceux qui veulent passer à l’électronique embarqué (!), cassettes et chaînes des groupes mécaniques sont parfaitement compatibles avec le nouveau système EPS.
On l’a compris, Campagnolo s’est concentré sur deux groupes, les Super Record et Record, ses têtes d’affiches, qui vont permettre de tester le marché et anticipent sans doute un élargissement de la gamme car les responsables nous l’ont confirmé, pas plus de 12 vitesses que de retour au triple plateau, l’électronique semble être le cheval de bataille de la firme de Vincenza qui vient d’ouvrir sa deuxième usine en Roumanie. Le principal souci pour les dirigeants de Campa est lié au prix de tout ce qui concerne l’électronique justement, plus asiatique qu’européen, ce qui explique que les tarifs officiels seront dévoilés pour la fin d’année. On parierait quand même que le Super Record sera vers 4000 euros alors que le Record sera « compétitif » avec le Di-2 Dura-Ace aux alentours des 3000 euros. Ces prix semblent être des planchers.
L’équipe espagnole Movistar a utilisé l’EPS sur le circuit WorldTour 2011 et ce dans toutes les circonstances, à l’entraînement comme en compétition, en ligne comme sur les contre-la-montre et sur le soft comme sur Paris-Roubaix. En 2012 ce seront deux équipes majeures, avec l’équipe Lotto-Belisol, qui seront en EPS, alors que chez Lampre ce seront les deux leaders Scarponi et Cunego qui étrenneront l’électronique, car naturellement le dialogue doit être effectué en amont entre les fournisseurs de cadres et Campagnolo.
Francisco-José Ventoso et Pablo Lastras ont gentiment écourté leurs vacances pour jouer les éclaireurs et nous accompagner sur les routes du dernier Giro et côtoyer l’Etna toujours actif, comme il l’a montré très récemment. A l’utilisation, l’EPS est à la fois discret, le changement de rapports est simple, facile quelles que soient les positions des mains, sans effort, et accompagné d’un sifflement qui vient conformer le changement de rapport. Un des grands plus du système, c’est qu’on peut tomber ou monter les 11 vitesses en une seule opération, à la différence des systèmes mécaniques limités. On ne le fait pas tous les jours certes, mais au sommet d’un col, la bascule est d’autant plus facile et l’EPS est seul à proposer ce changement complet de rapports.
Les amoureux de Campa vont être comblés avec ces groupes électriques tant attendus, attente justifiée puisque pas moins de vingt brevets sont derrière cet EPS. Le marché des groupes complets est réservé à un petit nombre d’acteurs, trois pour l’instant. Il semble qu’avec la technicité requise pour l’électronique, cet accès soit tout aussi limité. Pour les prochaines saisons, chez Campa comme chez Shimano ou SRAM, la concurrence va s’étendre aux groupes plus ciblés entrée ou moyenne gamme, ce qui devrait à la fois abaisser les prix et par voie de conséquence démocratiser le marché, car l’électronique est bien parti pour s’installer, et ce de manière durable.