Il est 6h30, samedi 23 juin. Le bourgmestre de Malaucène Dominique Bodon va donner le départ de la Cannibale et la Cannibalette, ce sont les seuls mots prononcés en Français, pour le reste Flammand obligatoire et langage vélo de rigueur. Tout va bien. Il fait déjà 18 degrés, la journée s’annonce belle, sans vent et le Ventoux par Malaucène, à froid, suffira à faire monter la température. Près de 1300 coureurs s’élancent pour un périple de 5 heures, voire plus : la Cannibale, avec six cols et 4530 mètres de D+ ou la Cannibalette, version légère avec quatre cols et 3525 mètres de D+, à chaque fois le géant de Provence au départ et à l’arrivée. Les Flammands venus du plat pays ont un défi à leur hauteur face à eux.
Cette journée est l’étape majeure d’un programme qui vise à « tirer le Flammand de son fauteuil et lui donner l’envie de faire de l’exercice », un défi ultime pour ceux qui considèrent le Ventoux comme « leur montagne », laissant l’Alpe d’Huez à leurs voisins Néerlandais. Depuis 14 ans maintenant, 30 000 Belges sont ainsi sortis de leur léthargie pour se mettre ou se remettre au vélo. Belle initiative qui s’enrichit chaque année de nouveaux événements. Il y a eu tout d’abord, l’ajout de cette cyclo qui n’en est pas tout à fait une puisqu’aucune remise de prix n’est effectuée, ni classement, elle est le support d’un challenge que chacun effectue sérieusement, entre amis et dont la difficulté suffit à sélectionner ceux qui ont pris le défi plus qu’au sérieux depuis une année.
Rien que les parcours valent le long déplacement depuis la Flandre, le Ventoux par Malaucène, 1582 mètres de D+ sur 21,2 kms, puis redescente sur Sault, Aurel, bifurcation à gauche avant Montbrun-les-bains et direction le joli col d’Aulan à 845 mètres, le col du Perty au km 94 à 1302 mètres, ensuite le col Saint Jean au km 108 à 1158, retour par Sederon au km 123 et col de l’homme mort à 1213 mètres km 133 avant Sault de nouveau et les 26 kilomètres de montée jusqu’au sommet à 1912 mètres. Superbe parcours de 173 kilomètres qu’on vous invite à faire à l’occasion et avec ou sans les deux Ventoux, tant il est magnifique, bien dosé, avec des vues splendides et les champs de lavande en prime. Un excellent entraînement avant de s’attaquer au géant de Provence que les plus prudents aborderont par la face la plus facile, celle de Sault. Pour la Cannibalette, c’est le même parcours mais avec bifurcation après le col d’Aulan, direction Séderon au km 82 par Mévouillons et retour identique au parcours Eddy Merckx !
Si l’on ajoute dix ravitaillements, autant de toilettes, six contrôles intermédiaires pour le temps, les postes de secours, …rien que sur le grand parcours, autant dire que la qualité d’organisation est là et bien là, même s’il s’agit d’une mini-cyclo. Tout le monde à sa plaque avec le prénom et la puce, l’ambiance est bon enfant, les gabarits ne sont pas forcément ceux des grimpeurs où alors passés par le basket, mais tous sont venus goûter à la Provence. L’âge moyen des participants est de 45 ans, 76% sont des hommes, le plus âgé à 79 ans, le plus jeune 16 ans, plus de 800 participants viennent par leur entreprise qui s’est associée à ce défi du bien-être.
A côté des Cannibale/Cannibalette, les organisateurs proposent la montée du Ventoux en une fois : la Ventourist, côté au choix. Ensuite la Ventousiast, avec deux montées différentes, dont celle de Malaucène, près de 800 participants au total des deux défis, des coureurs qui ont l’immense mérite de s’être mis au sport récemment, ça se voit mais qui se piquent au jeu et c’est tout bon pour tout le monde. Enfin, il y a la grande nouveauté 2018, la Ladies Ventoux, une montée sèche du Ventoux par Malaucène, à 9 heures et en groupe. 293 femmes ont relevé le défi, ce qui explique aussi le fort pourcentage de féminines sur le total des participants, presque un quart et excellente initiative, bien dans l’air du temps. Initiative d’autant plus heureuse que les acteurs locaux se sont mobilisés pour soutenir cette nouveauté : les bulles avec la cave locale qui a offert le verre de vin pétillant local avec modération, puis Cryo Ventoux qui a offert le massage à ces dames, fraîches et (presque) prêtes à se refaire un Ventoux, on n’a pas dit lequel !
Le nombre de passages a subi une nette chute, toutefois, sur le coup des 14 heures, la faute aux diables rouges qui étaient programmés pour le coupe du monde de football et qui, à eux seuls, rassemblent toute la Belgique et sont parés pour aller loin. Les Belges et le sens de la fête, c’est une redondance, alors le week-end en Provence s’est terminé tard samedi soir car « the pickles » avait amené sa sono et toute la population cycliste a pu soigner sa récupération tout en permettant au club de football local d’assurer la buvette et les recettes sonnantes et trébuchantes.
En conclusion de ce qui reste une très belle journée de vélo et un excellent appel d’air pour l’économie locale, on ne pourra que regretter, comme Eddy Merckx l’a souligné, au moins une fois, que cette initiative ne soit pas étendue à toute la Belgique et même reprise dans d’autres contrées. Il n’en reste pas moins que l’organisation est top niveau. Prochains rendez-vous dans le Ventoux, le défi de Patrick Dumont avec « Je roule Sein Glé », fin juillet début août où l’homme de Tournai va tenter de monter le Ventoux quinze fois sur trois journées, à raison de six fois les deux premiers jours et trois fois le dernier. Cette journée sera conjuguée au féminin, puisque ça sera « Je roule Sein GléE », le but étant de rassembler le plus de femmes à monter le Ventoux, une, deux ou trois fois, tous les fonds récoltés par Octobre Rose étant consacrés à la lutte contre le cancer du sein.