Formule 1, Moto GP ou encore tennis, nombreux sont les sports à s’exporter de l’autre côté du globe et de l’équateur pour entamer leur saison. Même si leur cœur est encore largement eurocentré pour des raisons historiques et culturelles, ils choisissent d’effectuer le voyage pour profiter de conditions climatiques idéales, loin de la grisaille morose et du froid glaçant du Vieux Continent. Et si ce calendrier exige de longues heures de vol pour les européens, il accueille en revanche les locaux sur leurs terres, dans l’élan d’une préparation parfaite. Pas l’once d’une goutte de pluie ni la menace d’un thermomètre négatif n’a pu écourter leurs sorties. Chez eux, Calpe, c’est tous les jours, et pas seulement en stage. En cyclisme, les coureurs asiatiques sont en contingent très restreint, et peinent encore à percer au plus haut niveau. Mais les Australiens ont largement fait leur place dans le peloton international. Cette nation nous servira ainsi de cas d’étude. Une question : ses ressortissants sont-ils meilleurs en début de saison ?
Janvier – Mars, mois fastes pour les coureurs cyclistes australiens ?
Avec une préparation idyllique et des premières courses à domicile, il est naturel d’imaginer que les Australiens devraient entamer leur saison sur les chapeaux de roues, empilant les bouquets plus que d’accoutumée. Profitant de meilleures cannes que leurs adversaires, ils raviraient trophées et victoires avant de retomber dans la masse le printemps venu. Pour infirmer ou affirmer une telle hypothèse, une analyse graphique s’impose. Il s’agit tout simplement de comparer le ratio de victoires obtenues entre les mois de janvier et mars par rapport au nombre total de bouquets obtenus sur la saison. Les Australiens sont opposés à la moyenne de 5 nations historiques du cyclisme que sont la France, les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne et l’Italie. Toutes européennes, celles-ci n’ont donc pas bénéficié des bienfaits des chaleurs australiennes pour s’entraîner comme souhaité.
À lire comme suivant : en 2016, 69% des victoires WT australiennes ont été obtenues entre janvier et mars | © Vélo 101
Le résultat est sans appel. L’Australie garnit bien son palmarès sur l’entame de saison, avec un ratio supérieur aux nations européennes. Sur les saisons 2015 et 2016, 50 points de pourcentage séparent même les deux courbes, symbole de l’amplitude de la différence. Les Australiens seraient-ils donc les rois de l’hiver ? Un tel postulat reste encore à vérifier, d’autant plus qu’un élément interpelle. En 2021, les ratios s’égalent. Or, en raison de la pandémie de COVID-19, cette année est rendue particulière par l’annulation du Santos Tour Down Under, épreuve australienne par étapes ouvrant le calendrier World Tour. Hasard ou coïncidence ? Une deuxième analyse graphique écarte ce facteur de troubles.
En Europe, l’hiver est bien fade pour les Australiens
D’une manière tout à fait frappante, la tendance dégagée précédemment s’estompe, et s’inverse même sur les dernières saisons. Si l’on ne prend plus en compte les victoires à domicile, les Australiens perdent leur avantage. Des petites courses par étapes françaises aux premières classiques belges en passant par Paris-Nice et Tirreno-Adriatico, leurs performances des mois de février et mars ne dépassent pas celles du reste de la saison (ratio inférieur à 50%). De 2018 à 2021, les Australiens font même moins bien que les européens dans l’exercice, profitant plutôt de Caleb Ewan, Ben O’Connor ou dernièrement Michael Storer pour aller briller sur les Grands Tours.
À lire comme suivant : en 2015, 50% des victoires australiennes sur des courses WT à l’étranger ont été obtenues entre janvier et mars | © Vélo 101
Ainsi, lorsqu’on les prive artificiellement de leurs victoires obtenues sur leur territoire national, les Australiens affichent même des statistiques personnelles inférieures à celles des européens sur le début de saison. Julian Alaphilippe y forge plus son palmarès que Michael Matthews, tout comme Geraint Thomas y possède une partie plus importante de ses breloques que son coéquipier Richie Porte. Et pourtant, « Bling » cumule trois succès sur Paris-Nice quand le natif de Tasmanie a remporté deux fois le classement général de la « Course au Soleil ».
À lire comme suivant : 27% des victoires de Michael Matthews ont été obtenues entre janvier et mars | © Vélo 101
Par conséquent, le facteur de la nationalité semble s’écarter. Espagne, Bretagne ou Océanie, la préparation semble totalement détachable du lieu où elle a lieu. Même s’ils courent plus et s’affrontent dès la mi-janvier sur leurs championnats nationaux, les Australiens ne semblent pas en tirer profit pour la suite de l’hiver. Comme l’induit le dernier tableau, la spécialisation du coureur ainsi que ses courses de prédilection paraissent agir beaucoup plus sur son ratio de victoires hivernales. Si un sprinteur attend généralement les Grands Tours pour remplir sa besace, les classicmen et puncheurs disposent déjà de moultes occasions de se montrer. Si en cyclisme les lieux importent un peu, les profils déterminent tout.
Par Jean-Guillaume Langrognet