Connaissez-vous la triple couronne ? Plus haute distinction personnelle proposée aux pilotes automobiles, sa quête requiert de remporter les trois épreuves les plus prestigieuses du calendrier international : le GP de Monaco, les 24h du Mans et les 500 miles d’Indianapolis. A ce jour, seul le britannique Graham Hill est parvenu à recomposer cette trilogie entre 1963 et 1972. Depuis, toutes les tentatives ont échoué. Même celle du grand Fernando Alonso, à qui l’ovale américain résiste encore et encore. C’est dire la difficulté de régner sur les trois disciplines cousines que sont la F1, l’endurance et l’IndyCar.
Gravel 🌈
MTB XCO 🌈
MTB XCC 🌈
MTB Marathon 🌈Four UCI World Titles in less than two months for @FERRANDPREVOT 🇫🇷 😱 pic.twitter.com/nF9gK0eKEC
— UCI (@UCI_cycling) October 8, 2022
Alors que penser du quadruple Arc-en-Ciel de Pauline Ferrand-Prévot ! Après la route, le cyclo-cross et le VTT cross-country, la rémoise est devenue championne du monde de gravel ce samedi, à l’occasion de la toute première édition de cette épreuve. Inégalée, cette prouesse ancre encore un peu plus sa place prépondérante dans le panthéon du sport tricolore, complétant un palmarès aussi lourd à porter qu’époustouflant visuellement. Lorsque la plupart des athlètes se font spécialistes de leur discipline, « PFP » s’est consacrée monarque de la Petite Reine, embrassant la bicyclette dans son ensemble… ou presque. Des sous-bois aux chemins, des sentiers aux avenues, la française a toutefois escamoté la piste dans son parcours triomphant. C’est désormais le seul écueil que l’on pourrait trouver à son chef d’œuvre, preuve qu’il n’est pas loin de la perfection.
Le quadruple arc-en-ciel de Pauline Ferrand Prévot
Voilà quatre ans que « PFP » s’est retirée des routes de France et de Navarre, à l’exception de quelques championnats nationaux. Quatre ans durant lesquels le pendant féminin de cette discipline a connu un boom phénoménal, du développement de son calendrier à l’explosion de sa renommée médiatique. Quatre ans qui contrastent vivement avec le vide qui les précédait, lorsque à une carrière à bicyclette s’accompagnait forcément d’un métier de subsistance. Et pourtant, en 2014, le titre mondial obtenu par Pauline Ferrand-Prévot à Ponferrada avait fait grand bruit aux quatre coins de l’Hexagone. En fin d’année, elle était élue dauphine de Jean-Christophe Péraud au classement Vélo d’Or France. Au terme d’une saison de haute prestance, la quadruple championne nationale (route en ligne et CLM, CX et VTT) s’offrait l’espoir d’un avenir radieux.
Foudroyée par la malédiction du maillot arc-en-ciel, PFP s’écarta vite de ces routes maudites, leur préférant finalement l’ombre des forêts et la clameur des circuits. Mais elle anticipa sa destitution en s’arrogeant de nouveaux liserés multicolores en cyclo-cross et en cross-country durant la saison 2015. En dix mois, « PFP » tenait sa triple couronne, à 23 ans.
Trop facile, diriez-vous. Alors, elle s’encombra d’une sciatique, d’une endofibrose iliaque et d’un problème de pression artérielle pour gêner sa progression et retrouver le goût du challenge. Frustrée par ces « années sans », ennuyée par la route et envieuse des JO, elle décidait finalement de se consacrer exclusivement au VTT. Ce retour aux sources fut auréolé du succès escompté, teinté des cinq couleurs de l’arc-en-ciel UCI en 2019 et 2020. Et si une chute à Tokyo a retardé la réalisation de ses rêves olympiques, sa marche vers l’échéance parisienne résonne aujourd’hui triomphalement, forte d’une quatrième consécration en terrain différent.
Pour triompher, Pauline Ferrand-Prévot « s’est mise en danger »
Ce titre de championne du monde de Gravel, Pauline Ferrand-Prévot ne l’espérait certainement pas en début d’année, encore moins que son triptyque de vététiste en cross-country, short track et VTT marathon cet été. Dépitée par la tournure des évènements à Tokyo, bousculée par les turbulences sentimentales générées par sa rupture avec Julien Absalon, la française a dû se reconstruire cet hiver, en partant du foyer-même. Auprès de Fabien Boissonnet, son mécanicien de longue date, et au sein de sa famille, « PFP » a passé un hiver discret à reconstruire les bases d’un environnement sain et d’une saison satisfaisante.
Dans cette entreprise, elle a exclu tout le superflu pour revenir à l’essentiel. À l’entraînement, elle s’est infligée un stage en solitaire de trois semaines dans les Pyrénées – Orientales, loin de toute attache. Quant à la compétition, elle s’en est détournée durant toute la première moitié de la Coupe du Monde pour ne viser que les mondiaux, SA course. « Je suis quand même une fille de Championnats du monde ! », confiait-elle à L’Equipe en août, avant d’ajouter au sujet des risques inhérents à la stratégie de l’objectif unique « J’ai besoin de me mettre en danger. Ce n’est souvent pas agréable, cela peut même faire peur, mais je fonctionne comme ça ».
Du néant, Pauline Ferrand-Prévot est vite passée au plein. Après son titre mondial en short track en guise d’amuse-bouche, elle a collectionné médailles dorées et maillots arc-en-ciel avec l’exhaustivité d’une moissonneuse-batteuse. Aucunement démobilisée par son triomphe sur le cross-country, épreuve reine du VTT, elle a remis le couvert quelques jours plus tard sur l’épreuve marathon, avant de s’offrir les mondiaux de Gravel en dessert. Soit un sacré festin pour une coureuse affamée !
Après la consécration de l’arc-en-ciel, le rêve des étoiles
Et pourtant, PFP ne parait toujours pas rassasiée. Dans la foulée de son sacre, la française a passé 6h30 en voiture pour rallier le Var et son mythique Roc d’Azur, quitte à compter ses heures de sommeil. Portée par l’euphorie, elle n’y a fait qu’une bouchée de ses adversaires, reléguant à près de dix minutes les Italiennes Martina Berta et Giada Specia, en 2h52 d’effort.
Et le « PFP show » n’est pas fini. Cet hiver, la multiple championne du monde a décidé de renouer avec le plaisir des sous-bois, faisant bien évidemment des liserés arc-en-ciel l’objectif majeur de cette halte. Si la quête de plaisir est l’un des éléments fondamentaux de ce choix, celui-ci s’inscrit surtout dans l’optique de Paris 2024, où elle souhaite tenter une dernière fois sa chance, toujours en VTT. Ainsi, les deux années la séparant encore de l’échéance vont majoritairement nourrir une progression jusqu’à l’optimum de sa forme, de ses moyens et de sa force mentale le Jour J.
Un fond de teint grenat aux liserés colorés ?
En chemin, Pauline Ferrand-Prévot entend donc conserver le cross-country comme discipline de prédilection, mais ne souhaite pas non plus s’y dévouer exclusivement. Le gravel et le cyclo-cross lui permettent notamment d’enrichir sa polyvalence tout en variant les plaisirs. Et à cet égard, elle ne réfute pas l’idée de retours occasionnels sur la route, comme elle l’a confié à l’émission Bistrot Vélo en 2020. Elle l’avait déjà fait l’an passé à l’occasion des championnats de France, s’adjugeant successivement la 5e place du chrono et une honorable 12e place sur la course en ligne.
En attendant, PFP fleurterait d’ailleurs avec l’une des plus grosses cylindrées du cyclisme sur route, soit le Team INEOS. Désireuse de diversifier sa présence dans le monde du cyclisme, l’écurie britannique compterait sur la française pour porter son étendard sur les circuits et dans les sous-bois, comme le fait si bien le prodige Tom Pidcock. Et si la marque n’a pas encore de partenariat matériel à lui offrir (Pidcock utilise un VTT BMC hors contrat), elle pourrait en revanche avoir un gros budget à lui fournir. Affaire à suivre !