Stephen, votre équipe bénéficie désormais du soutien de FDJ. Qu’est-ce qui change pour votre équipe cette année ?
Tout d’abord le nom, FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope, et puis la structure, tout simplement. Nous passons d’une à six coureuses professionnelles même si ce n’est qu’une étape. Cela a changé aussi en matière de logistique puisque nous avons doublé notre nombre de véhicules. Nous passerons de 70 à 110 jours de course. L’an dernier, on manquait des Coupes de France en cas de courses WorldTour. Aujourd’hui, nous pouvons mettre en place deux fronts. Nous avons deux directeurs sportifs, deux mécaniciens. Les filles auront quatre vélos chacune. On est à la quasi-équivalence des hommes. On se rapproche vraiment d’une équipe professionnelle. Notre budget a ainsi augmenté. C’est de l’ordre de 20 % aujourd’hui, mais j’espère que nous signerons de nouveaux accords cette année pour passer à 25 %.
Malgré tout, vous n’aurez pas les mêmes partenaires que l’équipe FDJ, notamment en matière de textile.
Oui, tous les partenaires de la FDJ nous ont appelés pour nous rencontrer. J’apprécie la démarche de Marc Madiot qui les a tous contactés. En ce qui concerne le textile, nous voulons aussi rester fidèles. La marque Poli nous a toujours soutenus. Ça semblait naturel que l’on reste avec eux.
Comment s’est organisée votre intersaison ?
Nous avons fait un stage de cohésion en novembre, un autre en janvier qui a été plus administratif même si elles ont travaillé sur la position sur le vélo. Les filles ont pu bénéficier d’une séance individuelle de Bikefitting à Besançon grâce à Frédéric Grappe et son équipe de l’université. L’annulation du Tour du Qatar nous a permis d’aller doucement sur le premier stage. Nous allons entamer notre deuxième grand stage du 5 au 15 février en Espagne où l’objectif est de préparer la saison pour être opérationnelles dès le Circuit Het Nieuwsblad.
Quels sont les premiers éléments que vous avez pu retirer de cette collaboration nouvelle ?
L’accueil a été chaleureux et naturel. Concernant la position, il y avait quelques réglages, mais il y avait un manque. Ce que je retiens surtout, c’est que Frédéric a réussi à leur donner de la confiance en leur disant qu’elles étaient positionnées correctement sur leur vélo. Elles ont été rassurées, car auparavant, elles n’en savaient rien. Aujourd’hui, elles se sentent bien. L’athlète et la machine ne font qu’une. Concernant les capteurs de puissance, nous n’y sommes pas encore. Tout doit se faire étape après étape avec la FDJ.
Étaient-elles demandeuses de conseils sur cet aspect ?
Oui, mais ce qui était dommage, c’est qu’elles allaient chacune de leur côté ! Ce n’était donc pas uniforme. L’avantage c’est que Frédéric Grappe nous a ouvert ses portes. Notre directeur sportif, Nicolas Marche, est aussi un ancien de ses élèves. Nous avons pu bénéficier des conseils de Nicolas Boisson qui était venu travailler avec nous sur ses jours de congés, avant que l’on signe notre partenariat avec la FDJ. Cela nous a permis de prendre conscience que nous avions un manque. Eux ont permis de le combler tout de suite.
Comment se déroule la collaboration technique avec Lapierre, votre nouveau partenaire cycles ?
La grosse différence avec Lapierre, c’est qu’ils ont une personne à notre écoute pour faire le retour qualité. Ce que nous n’avions jamais eu. La personne nous appelle toutes les semaines pour les choses basiques comme les livraisons ou les commandes, mais elle viendra également sur les courses et sur les stages. C’est vraiment du sur-mesure. Les filles auront un vélo chez elle, un vélo de course, un vélo sur le toit et un vélo de chrono, voire deux pour les spécialistes. Nous avons négocié les arrivées de Shara Gillow et de Roxane Knetemann le matin de la Coupe du Monde de Plouay. Elles n’ont pas négocié l’argent, la priorité, c’était le matériel. Et quand on leur a annoncé que nous aurions le même vélo de chrono que les hommes, l’Aerostorm, pour elles qui sont des spécialistes, c’est vraiment du bonheur. BH a été le partenaire qui nous a fait évoluer. Avec Lapierre, on passe une étape supplémentaire.
Tous les éléments sont donc réunis pour enclencher une dynamique positive dès le début de la saison.
Exactement et ce n’est pas notre fort. En onze ans de cyclisme, nous avons toujours commencé au Circuit Het Nieuwsblad et nous n’avons jamais été bons. Historiquement, on mettait vraiment en route à Cholet-Pays-de-Loire et vers les mois d’avril et de mai. Je pense que nous sommes capables d’êtres forts dès le début de la saison. Cette année, nous avons recruté Roxane Knetemann, car c’est une guerrière sur les classiques. Le but, c’est qu’elle donne envie à une Aude Biannic, à une Eugénie Duval, à une Roxanne Fournier d’aller faire un Top 10 au Tour des Flandres. Aujourd’hui nous avons des filles capables d’être dans le Top 10 de n’importe quelle course. Il faut juste qu’elles prennent conscience que le début de saison est important. Si elles peuvent avoir ce déclic, ça peut nous servir pour le reste de la saison. C’est tout de même dommage de commencer doucement pour accélérer ensuite avec la pression. Je suis convaincu que si elles parviennent à s’enlever cette pression en gagnant d’entrée, on peut faire une très grosse saison.
Sur quelle classique misez-vous le plus ?
Roxane Knetemann a forcément très envie de gagner l’Amstel Gold Race chez elle pour cette première édition. Son père l’a gagné deux fois. On va tout mettre en œuvre au niveau collectif pour aller la mettre le plus haut possible. Il manque une classique malheureusement au calendrier féminin, c’est Paris-Roubaix. On espère qu’ASO va entendre notre demande.
ASO qui a lancé la Course by le Tour il y a deux ans. Après deux éditions sur les Champs-Elysées, elle prendra la direction des Alpes et de l’Izoard.
Je remercie ASO d’avoir lancé la Course by le Tour. Ça nous a donné une exposition médiatique, un dimanche à 16 heures. Je ne peux pas en dire du mal, ils ont été les premiers à le faire. Cependant, je trouve que cette transition est dommageable. Ça aurait été idéal d’avoir cette étape dans l’Izoard, d’enchaîner avec le contre-la-montre de Marseille et de finir sur les Champs-Elysées. On aurait eu un mini Tour de France sur trois étapes. L’UCI avait bloqué ces dates. Il y en aurait eu pour tout le monde. C’est beaucoup de contraintes logistiques, mais c’est avant tout une question de volonté.
Finalement, le format que développait le Critérium International avec trois étapes sur deux jours n’est-il pas idéal pour la promotion du cyclisme féminin ?
Je suis tout à fait d’accord. On ne peut pas passer à une course de trois semaines tout de suite. La course la plus longue du calendrier fait dix jours, le Giro. C’est un bon format. Mais deux jours avec deux demi-étapes, ça permettrait de mettre en avant les sprinteuses, les rouleuses et les grimpeuses. Il faut rappeler que les championnes du cyclisme féminin ont le profil des champions d’il y a quelques années. Les meilleures sprintent, roulent et grimpent. Ça mettrait en avant les femmes.
Même si la structure se veut plus professionnelle, vous poursuivrez votre politique de formation.
Tout à fait, nous avons toujours été considérés comme une équipe formatrice. Audrey Cordon et Karol-Ann Canuel ont explosé chez nous et elles sont parties, car nous ne pouvions pas les payer. Aujourd’hui, nos jeunes vont pouvoir poursuivre leurs études. Nous allons les inscrire dans le cycle de formation, c’est-à-dire qu’elles vont toucher une bourse pour pouvoir continuer leurs études. Elles ne seront donc pas professionnelles, mais elles toucheront de l’argent, sans pression, en poursuivant leur cursus et en apprenant le haut niveau. J’insiste sur le recrutement de nos deux étrangères. Elles viennent de Rabobank, des Pays-Bas, le pays du vélo. Elles vont nous apporter ce professionnalisme. J’espère que les jeunes vont en prendre note. Quand elles auront terminé leurs études, j’espère qu’elles pourront passer ce cap.
Votre objectif peut-il être également de rapatrier certaines coureuses françaises, parties à l’étranger ?
Les carrières sont généralement plus courtes chez les femmes. Si je prends l’exemple de Pauline Ferrand-Prévot, elle a signé un contrat de longue durée avec Canyon-Sram. Mais si on peut écrire une page de sa carrière avec elle, on aimerait le faire. Avec d’autres aussi, nous restons ouverts. Juliette Labous est partie chez Sunweb. Je ne critique pas ce choix, car c’est l’une des structures modèles du cyclisme féminin, mais peut-être viendra-t-elle chez nous un jour.
Vous restez la seule équipe française UCI. Verrez-vous d’un bon œil la concurrence d’une autre équipe dans l’Hexagone ?
J’espère que nous pourrons donner l’envie à d’autres équipes masculines ou à d’autres sponsors privés. Regardez le paysage du cyclisme féminin mondial : certaines équipes ont leur pendant masculin. D’autres n’ont pas d’équivalent masculin tout en ayant un beau budget, supérieur à un million d’euros. C’est le cas de Boels Dolmans de Wiggle High5 ou de Canyon-Sram. Les deux modèles économiques sont possibles. Les Pays-Bas ont quatre équipes UCI dont trois sont dans le Top 10 mondial. Il faudrait qu’une ou deux équipes aient le statut UCI avant d’être WorldTour. Des Espoirs 1 ou 2 qui partent directement à l’étranger seraient bien dans des équipes intermédiaires. Nous avons renforcé le partenariat avec trois jeunes femmes : Evita Muzic, Marion Borras et Pauline Clouard qui sont Espoirs 1 ou Juniors 2. Elles vont participer au stage, rouleront avec nos équipements, mais resteront dans leurs clubs respectifs où elles pourront progresser avec l’aide de leurs bénévoles.