Silvi, avant de fonder le Women’s Cycling Club, quel a été ton parcours cycliste ?
A 38 ans, je pratique le vélo depuis dix ans sans être rattachée à la performance mais à l’aventure. J’ai d’abord roulé seule car je ne me reconnaissais pas dans les clubs. Puis j’ai rencontré deux filles qui faisaient du pignon fixe et avec lesquelles j’avais en commun d’aimer l’outdoor, les paysages… Très vite, nous avons eu envie de rouler ensemble. Mais pas dans Paris ! Nous sommes parties en quête de nature jusqu’à s’attaquer un jour à un Paris-Londres en vingt-quatre heures. Notre premier challenge. D’autres ont suivi. Mais les mobilités des unes et des autres nous ont séparées géographiquement. Je suis restée seule à Paris à rouler avec mon copain, mais loin de l’état d’esprit qui nous animait entre filles.
Jusqu’à ta découverte de la Rapha Women’s 100 au détour de ton poste d’alors au service communication de la ville de Paris…
Il y a trois ans, un de mes rédacteurs en chef m’a proposé d’aller à Munich pour couvrir un événement cycliste féminin organisé par Rapha : le Women’s 100. Rapha est une marque qui me parlait, mais ce qui m’a touché chez elle ce ne sont pas les vêtements mais les vidéos ! C’est le choix d’un lieu, un choix musical, un choix des images… On ressent à travers elles l’atmosphère qui m’a toujours captivée à vélo. Rouler détendue, voir défiler de magnifiques paysages… A Munich, j’ai découvert en outre que tous les ans Rapha mettait en avant les femmes en les invitant à faire 100 kilomètres. Je me suis retrouvée dans un grand peloton avec des filles de toutes les nations à rouler tranquillement. J’ai trouvé ça génial !
Tu as alors désiré recréer ce que tu avais vécu avec tes deux copines ?
Ça m’a traversé l’esprit, et j’ai été d’autant plus encouragée dans ma démarche que j’ai découvert Meetup, une plateforme permettant aux gens de partager leurs passions. L’idée, c’est de donner rendez-vous aux autres pour partager sa passion. Je me suis mis en tête de créer un groupe ouvert qui permettrait aux filles d’aller rouler entre elles, dans un esprit sportif et plaisant. Sans limite d’âge. Deux mois après avoir lancé l’invitation, vingt-cinq cyclistes ont répondu à la première sortie un matin de septembre. Nous sommes parties en Vallée de Chevreuse par le RER pour découvrir un site emblématique du vélo à Paris. Nous avons évité les zones avec du dénivelé pour profiter au mieux de la nature. Les filles ont adoré ! Et je me suis dévouée à cette aventure lancée sous le nom de Paris Women’s Cycling Club.
En quoi a-t-elle alors consisté ?
Tous les dimanches, j’allais rouler avec des filles. Et quand de nouvelles vagues de cyclistes se sont jointes à nous, nous avons créé des groupes de niveau. A force de rouler ensemble, un noyau dur s’est détaché. De l’amitié s’est créée. Au point que nous nous retrouvons régulièrement autour de beaux voyages. C’est le vélo tel que je l’aime : mettre dans ma sacoche une brosse à dents, une trousse à pharmacie, de quoi avoir chaud et de quoi se changer le lendemain, et roulez jeunesse ! Je pars à la découverte d’une région, d’un pays, c’est ma façon de rouler.
A côté de cela, as-tu aussi des petits challenges personnels ?
J’aime la longue distance, les brevets. J’ai fait deux fois Bordeaux-Paris, disputé Paris-Brest-Paris. Ce n’est pas tellement la performance qui m’attire mais les rencontres qu’on y fait. Les randonneurs à l’ancienne comme le regretté Patrick Plaine, un personnage qui restera mon idole.
Quel est le profil des femmes qui ont rejoint le Paris Women’s Cycling Club ?
Il y a de tout. Des filles de culture cycliste qui ont fait de la compétition en club et qui ne se sont plus reconnues dans cette atmosphère. Des sportives qui ont pratiqué le triathlon ou qui étaient davantage citadines. Des femmes qui roulent avec du matériel inapproprié : un VTT, un vélo de ville ou un vélo vintage… Mais certaines tombent amoureuses de ce sport et finissent par investir pour s’équiper. Et il est important pour nous d’expliquer aux moins averties l’importance de s’équiper, comment s’entraîner mieux.
Les hommes, de manière générale, ont plus d’appétence que les femmes pour la mécanique, n’est-ce pas là le frein au développement du cyclisme auprès des femmes ?
Je crois que c’est avant tout une question de communication autour du vélo. On nous parle toujours de Pauline Ferrand-Prévot, dont le discours a vocation à tendre la main à la nouvelle génération, mais il serait préférable de communiquer autour du vélo plutôt que sur une star. Avant de savoir qui est PFP, beaucoup de femmes savent ce qu’est un vélo, ce qu’est la randonnée. Mais le vélo, c’est aussi une source de sensations fortes, et c’est cela qu’il convient de faire découvrir. A San Francisco ou à Londres, il y a le café Rapha, où l’on voit se réunir des filles bien habillées, avec le sourire. Elles prennent un café, un muffin, puis montent sur de beaux vélos pour partager une sortie dans la bonne humeur. C’est cette image qu’il faut véhiculer. Cet état d’esprit séduit. Et c’est celui que je compte proposer sur le même modèle auprès de magasins de cycles. C’est la répétition d’un fait qui créera l’engouement, comme ces gens que l’on voit courir tous les soirs à la sortie du bureau et qui un jour nous donnent envie de tenter l’expérience.
Cet état d’esprit, des hommes pourraient tout à fait vous l’envier…
Il nous est arrivé de faire des sorties mixtes pour répondre aux sollicitations, mais je prévenais toujours les hommes que je ne voulais pas qu’ils prennent la tête de ce peloton. Ce sont aux filles de tourner devant. Ce n’est pas valable pour tous les clubs, mais bien souvent les femmes roulent derrière lorsque nous les croisons. Pas chez nous.
Quel avenir prêtes-tu au développement de la pratique féminine du cyclisme ?
Je suis optimiste, sans quoi je n’y aurais pas consacré deux ans de ma vie : ça ne peut que s’améliorer. J’ai quitté Paris pour Nantes, où je suis repartie de zéro pour créer le Nantes Women’s Cycling Club – j’ai délégué le Paris Women’s Cycling Club à d’autres filles qui organisent toujours des sorties –, et si la plateforme Meetup pouvait inviter d’autres femmes à créer leur Women’s Cycling Club à Marseille, à Lyon, à Lille, à Strasbourg, d’autres villes pourraient offrir la possibilité de rouler entre filles. Commençons par des choses simples ! Le challenge aujourd’hui, c’est d’inviter tous les lecteurs de Vélo 101 à encourager leurs femmes à prendre la route seules, de les pousser à lancer leur Women’s Cycling Club.
Plus d’infos sur le mouvement Women’s Cycling Club sur www.facebook.com/ParisWomenCyclingTeam. https://www.meetup.com/fr-FR/