Monica, Paola, vous êtes les filles de Pietro Santini, fondateur de la marque du même nom. Vous avez été plongées dans le monde du cyclisme depuis votre plus tendre enfance…
Paola Santini : Oui, mon premier souvenir de vélo, c’est mon père qui m’apprend à ne pas tomber. Il m’a également emmenée au vélodrome de Dalmine pour assister à des Six Jours. Je devais avoir deux ans à l’époque. J’étais un peu la mascotte de tout le monde.
Monica Santini : Oui, je me souviens de moi sur un vélo quand j’étais toute petite et des petites écorchures sur mes genoux en raison de mes nombreuses chutes. Je me souviens aussi du Giro et de ces villages entiers recouverts de drapeaux roses et de ces gens heureux dans les rues pour applaudir les cyclistes.
Paola Santini : Effectivement, concernant le Giro, je me rappelle de regarder la télévision et de dire « mon père y est ! » Puis, j’attendais son retour à la maison et je lui posais toute sorte de questions à propos du Giro.
À partir de quand avez-vous pensé à diriger l’entreprise pour la première fois ?
Paola Santini : Je n’y ai jamais pensé. J’ai grandi dans les bureaux et j’ai toujours su que j’en ferai partie un jour. La diriger avec ma sœur était en quelque sorte une évolution logique dans l’histoire de l’entreprise. Je pense encore que mon père est et représentera toujours le cœur et l’âme de Santini.
Monica Santini : Dès mon enfance, j’ai tout de suite su que l’entreprise constituerait une part importante de ma vie.
Comment expliquez-vous que l’héritage familial soit si important dans le monde du cyclisme en Italie ?
Monica Santini : Je pense que cela réside dans la façon dont les parents éduquent leurs enfants. Personnellement, j’ai toujours ressenti une certaine forme de responsabilité envers ma famille et envers l’entreprise familiale. Notre père nous a transmis sa passion pour le cyclisme et pour son travail. Je pense que c’est la clé du succès pour que la transition générationnelle soit réussie.
Le cyclisme reste un monde majoritairement masculin. Comment en faire un avantage vous concernant ?
Paola Santini : C’est un énorme avantage ! Tout le monde sait qu’il n’y a que très peu de femmes dans le cyclisme. L’essentiel est de démontrer qu’il n’y a pas de différence de genre. Ce qui compte, ce sont les compétences et l’expérience. Il reste encore quelques personnes qui nous regardent en pensant que nous ne sommes que deux femmes blondes et que nous n’y connaissons rien en cyclisme. Généralement, ils changent d’avis à la fin de la conversation….
Comment se répartissent les ventes de Santini à travers le monde ?
Monica Santini : 25 % des ventes se font en Italie, 35 % en Europe et 40 % dans le reste du monde. Nous avons ciblé quelques pays clés pour nous développer à l’avenir comme Taiwan, la Corée du Sud, la Chine et toute l’Asie du sud-est. À terme, à l’horizon 2025, l’objectif est de voir le logo de Santini sur les Maillots Jaunes du Tour de France et de nous tourner vers d’autres sports d’endurance.
Pourtant vous qui équipiez encore l’équipe LottoNL-Jumbo l’an dernier ne parrainerez pas d’équipes WorldTour cette saison.
Paola Santini : Nous avons pris cette décision, car après de nombreuses années de partenariat d’équipes, nous voulions faire une pause. Sponsoriser une équipe professionnelle coûte beaucoup d’argent. Cela demande également beaucoup d’efforts. Et nous ne récoltons pas toujours les fruits de ce dur labeur. De plus, on ne peut pas être certain que l’équipe choisie aura de bons résultats. Nous avons donc décidé de nous concentrer sur des événements. Cela nous offre une bonne visibilité et les maillots sont généralement portés par les meilleurs. Avec le Giro et la Vuelta à partir de cette année, nous allons proposer une collection complète inspirée par les étapes. Et les ventes sont très bonnes. Mais cela ne veut pas dire que nous ne parrainerons plus d’équipes WorldTour à l’avenir.
Pourquoi ce choix ?
Paola Santini : Pour nous, ce partenariat avec la Vuelta, le Giro, mais aussi le Tour Down Under et d’autres courses représente notre contribution à la mondialisation du cyclisme. Nous voulons travailler avec ces courses importantes, pas seulement comme un simple sponsor, mais comme un partenaire qui apporte des idées nouvelles afin d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire du cyclisme.
Pourquoi l’évolution du cyclisme chez les femmes est-elle plus lente en Europe que dans d’autres pays ?
Monica Santini : Le cyclisme féminin grandit partout. Dans certains pays plus rapidement que dans d’autres. Nous avons toujours proposé une gamme féminine, mais nous investissons de plus en plus de ressources pour proposer les meilleurs produits cyclistes féminins. Notre partenariat avec Boels-Dolmans est une manière pour nous de connecter notre marque au cyclisme féminin. De cette manière, nous avons la chance de travailler avec les meilleures cyclistes au monde, de bénéficier de leurs retours pour améliorer encore et encore nos produits.
Santini investit également dans le vintage avec notamment l’Eroïca. Pourquoi ?
Paola Santini : Le partenariat avec l’Eroïca est un moyen pour nous de ne pas oublier notre passé. C’est de là que nous venons, c’est notre héritage. Nous avons parcouru du chemin et nous voulons montrer que les produits de notre marque étaient à la pointe de la technologie à l’époque et le sont encore aujourd’hui. Notre entreprise a une histoire et elle est réelle.