Ludivine, quel a été ton parcours avant de devenir mécanicienne cycles au Kilomètre 0 ?
A 36 ans, j’ai travaillé pendant longtemps dans les bureaux en tant qu’experte en assurances. A un moment donné de ma vie, j’ai eu le sentiment d’avoir fait le tour de beaucoup de choses et j’ai entamé une reconversion en me posant les bonnes questions. J’ai alors choisi un métier manuel, au contact des gens, et en tant que vététiste pratiquante je me suis tournée vers le vélo. J’ai fait plusieurs demandes de formation auprès de diverses écoles et je suis finalement passée par l’INCM (Institut National du Cycle et Motocycle) au Bourget. J’ai suivi une formation de quatre mois par le biais de Pôle Emploi.
Quelle était la proportion de femmes dans le cadre de ta formation ?
C’est simple : nous étions quatorze dont seulement trois filles. Des trois, je suis la seule à avoir trouvé un emploi à la suite de la formation. Le vélo a de l’avenir, que ce soit dans les grandes villes, à la montagne ou à la campagne. Maintenant, pour qu’une fille se lance dans cette voie, il faut être manuelle, dégourdie, et savoir faire sa place, ce qui n’est pas simple dans ce milieu avant tout masculin. Je n’ai pas encore rencontré beaucoup de mécaniciennes cycles, mais j’espère en voir davantage à l’avenir.
Un client a-t-il le réflexe de s’adresser d’abord à toi ou à un confrère masculin ?
Il se tournera d’abord vers le confrère masculin. Mais si j’ai la réponse j’aime ajouter mon petit grain de sel pour surprendre. Je sais aussi que les femmes apprécient de voir une autre femme s’occuper de leur vélo. Les hommes aussi puisque ça permet d’aborder le vélo sous des angles différents. Je suis assez pédagogue. J’aime bien expliquer les choses au client. Et quand ils deviennent habitués du magasin, ils savant qu’il y a Ludivine.
Les gens, en milieu urbain, ont-ils davantage de réticences à s’occuper de mécanique ?
Les gens qui optent pour le vélo pour aller travailler veulent avoir un moyen de locomotion aussi fiable que celui qu’ils laissent derrière eux, qu’il s’agisse d’un scooter ou d’une voiture. Nous leur expliquons à l’achat du vélo que les vibrations de la route ou du terrain peuvent entraîner des déréglages. Il faut donc être précautionneux. Soit en faisant soi-même les ajustements et petites réparations, soit en revenant vers nous. C’est souvent l’option qui les rassure car ils aiment déléguer ce genre de choses.
Une structure comme celle du Kilomètre 0 envisage-t-elle de proposer des formations de mécanique à l’attention du public, notamment féminin ?
Ça pourrait effectivement être une très bonne idée. J’aime bien expliquer aux clients, quand ils me le demandent, comment on fait telle ou telle réparation. Même si avec Internet, il existe aujourd’hui beaucoup de supports pour se former tout seul. Mais pour cela il faut avoir envie de le faire. A nous de leur donner cette envie. En soi, il n’y a rien de sorcier dans la mécanique vélo, c’est juste de la pratique.
Le Kilomètre 0 propose un atelier réparation minute. En quoi consiste ce service ?
Ça consiste à intervenir sur un vélo dès que le client arrive, sur des opérations qui demandent moins d’une demi-heure de maintenance comme une crevaison, un changement de patins de freins… Pendant que nous intervenons sur le vélo, les gens ont le temps d’aller faire un tour dans la boutique ou de boire un café dans la partie snack du Kilomètre 0. Sur ce service, nous accueillons énormément de coursiers mais aussi des gens qui vont travailler à vélo ou des cyclistes en galère qui s’arrêtent par chez nous.
Le matériel évolue constamment. Cela suppose-t-il que tu te remettes régulièrement à jour ?
Les marques proposent elles-mêmes des formations auxquelles on peut s’inscrire. Les prochaines formations vont porter sur les VAE (vélos à assistance électrique), qui font de plus en plus partie du paysage. Nous n’avons pas encore suffisamment d’informations de la part des marques pour pouvoir être complets lors de la vente d’un vélo électrique.
Tu connais bien le vélo en tant que pratiquante comme en termes de technique, interviens-tu également dans le processus de vente ?
J’interviens aussi sur la partie vente. Je peux donc conseiller les gens, notamment sur la partie textile pour laquelle nous disposons d’un rayon femmes sur lequel je peux apporter de vrais conseils. Je me mets à la place de la personne et je peux dire si la taille ou le modèle correspond. J’essaie d’être le plus sincère possible. Je suis également sollicitée en amont par Guillaume de la Hosseraye sur ce qu’on fait pour les filles et comment on communique pour elles.
Conseillerais-tu à une jeune femme désireuse de devenir mécanicienne cycles de passer par une formation ou de se former sur le tas ?
Tout dépend du profil de la personne. J’aurais pu faire beaucoup de choses de moi-même mais l’INCM m’a mis un pied à l’étrier. Ils ont aussi un réseau. Le monde du vélo est petit, tout le monde se connaît de près ou de loin, donc dès qu’on l’a intégré on arrive à rejoindre une équipe. Je trouve important qu’un organisme nous montre le chemin à prendre.