Céline, comment en es-tu arrivée à pratiquer le cyclisme ?
J’ai grandi à la campagne et c’était pour moi un immense terrain de jeu. J’ai toujours aimé être dehors et je fais du vélo depuis toute petite. J’ai aussi fait de la gymnastique. J’ai frôlé le haut niveau, mais j’ai complètement arrêté. Je me suis tournée vers l’équitation et le basket avant de me remettre sérieusement au cyclisme en 2009.
Comment cela s’est-il passé ?
A vrai dire, j’ai découvert le vélo de route un peu par hasard. En 2004, mes parents ont hébergé des cyclistes qui participaient à la Semaine Fédérale de Cyclotourisme. J’ai eu l’opportunité de tester un vélo de route et j’ai tout de suite été séduite par la légèreté du vélo, sa maniabilité, sa réactivité, sa fluidité. En 2008, un ami m’a prêté un vieux vélo Fausto Coppi. J’ai commencé à rouler occasionnellement. Je venais de faire le GR20 quand ce même ami m’a parlé de la Vosgienne qui se disputait près de chez moi. J’y suis allée, sans entraînement, et je termine au pied du podium en étant doublée par la 3ème juste avant l’arrivée. Je me suis rendu compte qu’en plus d’aimer le vélo de route, j’avais des capacités. Du coup, j’ai recherché un groupe près de chez moi pour rouler et m’améliorer. C’était un groupe exclusivement masculin, Les Bains de l’Ill, car peu de femmes roulent à vélo chez moi en Alsace. Il s’est avéré que c’étaient tous les anciens coureurs Elites d’Alsace. J’ai dû faire mes preuves pour arriver à leur niveau, mais je n’ai rien lâché.
Et aujourd’hui tu encadres des groupes chez Trek Travel.
Il y a un nouveau tournant en 2013. Je devais être à mon meilleur niveau et j’ai tout arrêté. J’avais besoin d’un nouveau challenge, de changer d’air. Pendant un an, je suis partie en Australie avec un simple sac à dos. Mon objectif était d’apprendre l’anglais et de découvrir de nouveaux horizons. Je suis revenue en 2014 et j’avais envie d’allier mes passions pour le vélo et les voyages et de continuer à apprendre l’anglais. C’est en cherchant simplement sur un moteur de recherche que j’ai découvert Trek Travel et le métier de guide. Je me suis dit que c’était ce que je voulais faire et j’ai commencé à travailler pour eux en 2015. Je suis encore à ce jour l’unique Française à travailler pour eux.
Sur quoi portaient ces entretiens ?
Sur la capacité à encadrer, sur la pratique du vélo et sur la partie mécanique, la logistique, la comptabilité, la relation avec les partenaires. Il y a presque une part de psychologique aussi. Il faut toujours avoir une roue, voire une demie-roue d’avance sur ses clients.
Ces discussions peuvent-elles t’amener à proposer ou vendre des vélos Trek ?
Oui, nous sommes la vitrine de la marque. Nous mettons des vélos Trek à disposition. Nous avons le Emonda SLR que j’apprécie tout particulièrement à titre personnel. Cette année, nous serons équipés des Domane SLR 7. Tous ces vélos sont montés en Shimano Di2. Nous proposons aussi des vélos électriques pour élargir la clientèle.
Combien de kilomètres roules-tu par an ?
Je ne pense pas être loin des 8000 kilomètres de manière générale. Puisque je roule quand j’encadre des groupes, mais aussi quand j’ai du temps libre. En début de saison, je roule plutôt à VTT. En été quand j’ai l’occasion, j’aime rejoindre le club de Pernes. Ce qu’il faut savoir c’est que lors des séjours, nous sommes toujours deux guides : l’un est sur le vélo, l’autre est dans le van qui suit. Ce qui fait que je dois parcourir 10 à 15 000 kilomètres en voiture. Sans compter les nombreux vols que nous devons prendre.
Tu le disais, le monde du vélo reste essentiellement masculin. Comment une fille peut-elle se faire sa place dans cet univers ?
Quand j’ai débuté le vélo, on ne m’a pas trop fait de place dans le groupe. J’ai dû faire mes preuves. Dans ce métier, c’est un peu la même chose. On a un peu l’idée que c’est un domaine masculin, mais pour moi ce n’est pas le cas. Bien sûr, il y a des charges lourdes à porter, on touche beaucoup à la mécanique, mais à partir du moment où l’on est athlétique et que l’on aime ce que l’on fait, on peut tout faire. Et puis on dit souvent que la mécanique est un domaine masculin, mais on croise souvent des hommes sur la route qui ne savent pas changer un pneu !
L’insertion des femmes dans Trek Travel est-elle facilitée par le fait que le groupe soit dirigé par une femme, Tania Burke ?
Tania était guide pour Trek Travel avant de devenir présidente du groupe. Elle était bien placée pour savoir que nous sommes tout aussi capables que les hommes pour faire ce métier.
La clientèle est largement internationale. Distingues-tu des différences de comportement en fonction de la nationalité ?
Pas vraiment. On a beaucoup d’Américains, de Canadiens, d’Australiens et de Néo-Zélandais. Les Australiens roulent à gauche en voiture et peuvent parfois garder cette habitude mais c’est tout. Nos clients sont toujours très respectueux. Nous axons beaucoup sur la sécurité. Chaque jour nous rappelons les règles basiques. Cela peut également dépendre des conditions météo de la journée.
La proximité de Trek Travel et de l’équipe Trek-Segafredo permet de rencontrer les coureurs de la formation américaine. Quelle est l’attitude adoptée par les clients vis-à-vis des pros ?
Ils sont généralement impressionnés et émerveillés. La proximité que l’on a avec l’équipe permet d’avoir de nombreux accès VIP. On peut visiter le bus de l’équipe, approcher les vélos et discuter avec les mécaniciens ou le cuisinier. Il peut y avoir aussi de très beaux échanges avec les coureurs. Les clients veulent connaître leur quotidien et sont toujours enchantés par ces rencontres. C’est cette proximité qui fait qu’ils adhèrent totalement à l’équipe. Nous organisons également des séjours spéciaux avec Jens Voigt.
Comment définirais-tu votre client type ?
Nous avons une offre pour tous les clients. Nous avons différents types de séjours et nous nous lançons même dans le VTT. Globalement, ce sont des personnes actives qui cherchent à découvrir de façon ludique et sportive une région, et s’imprégner de la culture et des traditions locales. Trek Travel organise également des Ride Camps qui sont axés sur la recherche de la performance. Il n’y a pas de stage exclusivement féminin. Quand les gens signent, ils peuvent se retrouver avec n’importe qui. Nous avons eu quelques groupes spécifiques et des séjours privés où les gens peuvent demander ce qu’ils veulent. L’an dernier nous avions pas mal de triathlètes par exemple.
Si tu devais citer une anecdote qui t’a marquée, quelle serait-elle ?
Je travaille beaucoup en Provence et le Mont Ventoux constitue généralement un vrai challenge pour les clients. J’ai eu une dame qui s’était battue contre un cancer du sein quelques années plus tôt. Quand elle est arrivée au sommet, elle a craqué, elle était en larmes parce qu’elle s’était surpassée. Elle m’a dit qu’elle n’y serait pas arrivée sans mes encouragements. C’était une belle victoire pour mon collègue et moi. J’ai également pu faire de belles rencontres. Cet été, j’encadrais un séjour avec Tania et John Burke. C’était un grand honneur d’avoir les deux big boss de Trek Travel. Enfin, pour une Française, avoir l’opportunité de participer au Tour de France et de rencontrer l’équipe Trek-Segafredo sur les Champs-Elysées est un moment fort à titre personnel.
Quels sont tes endroits favoris en Provence ?
C’est une fantastique région. J’apprécie particulièrement le petit col de la Madeleine, les gorges de la Nesque et les Dentelles de Montmirail, mais mon gros coup de cœur reste le Ventoux car je suis une grimpeuse. C’est une montagne perdue au milieu des vignes et des champs de lavande. On ne sait jamais ce qu’elle nous réserve. Je suis déjà partie avec 22 degrés en bas pour me retrouver avec des températures négatives et de la neige au sommet. J’adore ce qui se dégage de cette montagne. Il y a toujours du monde au bord et sur la route et une certaine solidarité. La plus grande satisfaction c’est d’être au sommet et d’avoir cette vue à 360 degrés.
Connais-tu ton programme pour l’année 2017 ?
Il devrait être défini bientôt. Je resterai essentiellement en Provence et je participe au moins à un séjour sur le Tour de France. J’espère être un peu plus présente dans les Alpes et dans les Pyrénées également.