Béatrice, à quel niveau interviens-tu sur les événements cyclistes ?
J’interviens sur des événements sportifs comme la Haute Route en matière de coordination des équipes de soins post-course, entre autres le massage, l’ostéopathie ou la podologie, pour le confort des sportifs. Je ne viens pas du monde médical, en dépit d’un environnement familial entièrement baigné dedans. A l’époque où j’étais sportive de haut niveau, j’avais envisagé embrasser une carrière médicale mais je me suis finalement orientée vers d’autres études, notamment une école de commerce. A mon orientation managériale incluant coordination, gestion de ressources humaines, plannings et organisation, j’ai ajouté la composante bien-être des sportifs. Le tout en combinant chacune de mes passions.
Quel a été ton parcours sportif ?
J’ai évolué en équipe de France de gymnastique il y a bien longtemps. Aujourd’hui, j’ai toujours un gros appétit sportif, principalement sur des activités outdoor comme le VTT, ski de rando, alpinisme, escalade… En matière de vélo, je reste néanmoins encore très amateure. Plus que la performance, c’est l’équilibre que génère la pratique sportive qui m’attire. Entre un très bon sportif et un grand champion, on sent la différence. On voit bien que c’est une dimension qui va au-delà de la performance. On est presque dans des pratiques spirituelles. Et désormais on voit beaucoup de gens s’intéresser à de nouveaux outils comme la méditation ou le yoga dans le cadre de leur recherche de performance.
Sur la table de massage, qu’est-ce qui différencie un cyclosportif hors norme d’un cycliste plus commun ?
Dans toutes les disciplines, il y a des personnes qui, quel que soit leur mode de pratique, ont des aptitudes physiques supérieures aux autres. Rien qu’à l’attitude, on peut le deviner. Evidemment, il y a des signes qui ne trompent pas : le temps mis par un coureur pour parcourir l’étape et la démarche qu’il a en se présentant à la table de massage sont des indicateurs forts. Autant que la rapidité avec laquelle il va se reconstruire pour repartir le lendemain. Au niveau physique, on retrouve chez ces cyclos une forme de texture musculaire presque génétique, souple, malléable, à la fois compacte et légère. C’est la pâte du boulanger.
Sur une Haute Route, comment évolue la fatigue musculaire ?
On remarque très clairement une évolution des douleurs. C’est à cela qu’on remarque les gens qui ont de vraies aptitudes à la récupération, et qui ont les bonnes connaissances en matière d’équipement, de réglages. Certaines pathologies sont typiquement liées à des réglages de position. Au fil des jours, le type de douleur musculaire évolue et a tendance à remonter des quadriceps, éventuellement avec un syndrome de l’essuie-glace, aux bras et aux épaules, en passant par le fessier.
Quand faut-il passer sur la table de massage afin d’en tirer le meilleur bénéfice ?
Malheureusement, aucun programme de recherche n’est mis en place à ce sujet. On sent seulement, si l’on se base sur les retours des athlètes, que les gens sont plus à l’écoute d’eux-mêmes. Ce qui est sûr c’est que nous sommes faits pour bouger : la position assise de longue durée, dans les transports au retour d’une épreuve notamment, est très mauvaise pour la récupération, le retour veineux et la stimulation. Néanmoins je ne crois pas qu’il faille passer au massage trop vite. Certains vont d’abord avoir besoin de manger, d’autres de se réchauffer. On est dans l’ordre des priorités physiologiques. Globalement, les massages interviennent une à trois heures après l’effort. Il faut être dans de bonnes dispositions car un massage est une interaction humaine qui génère aussi des effets hormonaux et provoque une détente psychologique. Le masseur, c’est aussi un confident.
Le massage revêt une situation intime. Comment gères-tu cette situation ?
Je pense que l’ambiguïté est là si on veut qu’elle soit là. Ça demande beaucoup de professionalisme et d’assurance dans le geste. Il faut savoir faire un drapage correctement pour pouvoir masser quelqu’un qui est nu, et que ce soit confortable pour la personne qui est massée comme pour la personne qui masse. Et être capable de gérer des situations potentiellement difficiles en sachant dire les choses sans brutalité mais avec fermeté et assurance.
Musculairement parlant, des grandes lignes ressortent-elles aussi chez les cyclosportives ?
Il y a une grosse différence, clairement, au niveau texture musculaire. La plus affûtée des filles n’aura jamais la même texture musculaire qu’un gars. La fluidité de la masse musculaire est plus développée chez les filles. Mais on ne peut pas faire réellement de typologie quant aux attentes des filles et des garçons. Le massage, c’est une histoire de goût personnel et de ressenti.
Tu as vécu en Chine, qu’en as-tu gardé dans ce que tu appliques aujourd’hui ?
Nous n’avons pas une forte tradition de massage en Occident. Le massage thérapeutique est inspiré d’une base de massage dit suédois. Mais les gens voyogeant de plus en plus, les pratiques de massage se sont importées. La plupart des techniques de thérapie naturelle sont inspirées des pratiques de médecine asiatique. De plus en plus de médecins ou kinés s’ouvrent à ces pratiques. La thérapie manuelle est un champ infini et on a envie de décloisonner tout ça en y ajoutant l’approche psychologique, nutritionnelle… De plus en plus, on veut que notre être humain, sportif ou non, soit un tout.
Quels sont tes conseils en matière de respiration sur et en dehors du vélo ?
En tant que sportive, je n’ai pas forcément de légitimité à donner un conseil là-dessus. En revanche, dans les faits, ce que je vois c’est que de nombreux sportifs de haut niveau sont des adeptes de yoga, de méditation. Cette approche basée sur la respiration contribue très fortement à la performance du sportif. Sur la Haute Route, une jeune femme me confiait qu’elle avait le sentiment que sa pratique intensive du yoga lui avait permis de compenser une pratique insuffisante dans l’entraînement sportif. Et je ne suis pas certaine que les féminines soient plus réceptives que les hommes à ce sujet.
Tu interviens aussi auprès d’athlètes de haut niveau, notamment des coureurs pros, est-on dans un autre univers au niveau des chaînes musculaires ?
Rares sont les sportifs de haut niveau qui ne s’intéressent pas à leur outil de travail, c’est donc plus dans la connaissance de leur corps que la différence intervient. Avec eux, on est plus dans du réglage micrométrique. Même dans un geste aussi anodin que du massage, on est dans un ajustement assez fin entre le praticien et l’athlète. Et quand ça fonctionne, on devient un peu le talisman.
Tu es maman, comment parviens-tu à trouver ton équilibre de vie entre tes déplacements professionnels et ta vie de femme ?
Toutes les mamans qui travaillent connaissent ça et d’autres ont des vies beaucoup plus compliquées. J’avais déjà une activité professionnelle qui m’éloignait de la maison plusieurs mois par an. C’est un équilibre familial. J’ai la chance d’avoir un mari très contributif et heureux que je fasse le métier qui me plaise. Et c’est pareil pour les sportives. C’est l’équilibre familial et psychologique qui fait qu’un sportif va réussir dans sa carrière, qu’il va être encouragé et non détruit en tant qu’enfant, qu’il va performer et non se battre en tant qu’adulte, et qu’il va se reconvertir et être heureux après sa carrière.