Audrey, le début de saison constitue-t-il un objectif à part entière pour vous ?
Pour l’heure, je n’ai pas encore beaucoup couru, trois courses dont une course par étapes. Ce n’est pas énorme, mais pour le moment les sensations sont assez bonnes. Sur le Circuit Het Nieuwsblad, c’était comme une remise en route. Ce n’est jamais très simple de savoir où l’on en est et de jauger ses adversaires. C’est intéressant de commencer sur une grosse course et de voir dans quel état physique j’étais. Ça s’est plutôt bien passé. C’est plutôt le placement qui m’a posé problème. Après les soucis de santé que j’ai pu avoir et les chutes que j’ai pu connaître, j’ai toujours ce complexe et ça ne pardonne pas sur les courses belges. Mais je sens que ça revient bien. J’ai de moins en moins de soucis avec ça, ce qui est une très bonne chose.
Après la Belgique, direction l’Italie où vous avez disputé les Strade Bianche. Une épreuve où vous avez avant tout joué collectif.
Oui, j’ai dû donner mon vélo à Elisa Longo-Borghini à un moment crucial. Je n’ai donc pas pu faire ma course comme je l’aurais souhaité. Mais la victoire est au bout pour l’équipe Wiggle High5 et je ne regrette en rien ce qu’il s’est passé. Enfin, j’ai disputé la Semaine Valencienne, une nouvelle épreuve dans le calendrier féminin. J’ai beaucoup souffert de la chaleur avec des températures qui ont dépassé les 35 degrés. C’était un petit choc thermique. J’ai mis un peu de temps à m’y habituer. Sans ça, j’avais de très bonnes sensations. On a joué à fond la carte de l’équipe. Les étapes n’étant pas très difficiles, nous avons tenté d’aller chercher des victoires avec Giorgia Bronzini au sprint. Je n’ai donc pas pu m’exprimer. Les sensations sont là et j’espère le montrer dès dimanche au Trophée Alfredo Binda.
En cela, la Semaine Valencienne vous a-t-elle permis de bâtir votre condition en vue des futurs objectifs ?
Tout à fait, les étapes de la Semaine Valencienne correspondent à la prochaine manche du WorldTour, le Trophée Binda. J’ai donc préféré cette option plutôt que de disputer le Tour de Drenthe, lui aussi en WorldTour, et qui était vraiment tout plat. Et puis, la chaleur, le beau temps, c’est également ce dont j’avais envie avant d’attaquer la deuxième partie du printemps.
Quelles épreuves avez-vous ciblées dans les prochaines semaines ?
Aucune en particulier. J’aimerais vraiment performer sur toute la première partie de saison. Je pense couper après Liège-Bastogne-Liège. D’ici là, j’espère être à l’avant, pouvoir jouer ma carte et aller chercher le meilleur résultat possible, que ce soit avec moi ou avec une de mes coéquipières. Nous avons le maillot de leader de la Coupe du Monde avec Elisa et nous n’avons pas le droit à l’erreur. On aimerait garder ce maillot. Il va falloir jouer serrée à la fois pour conserver le maillot et signer, à mon niveau personnel, une performance.
L’équipe Wiggle High 5 est numéro 2 au classement UCI et comprend quelques têtes d’affiche du cyclisme féminin. Comment vous épanouissez-vous aux côtés de ses valeurs sûres de la discipline ?
Je me suis épanouie en tant que coéquipière, tout simplement parce que je n’étais pas la plus costaude de l’équipe. Aujourd’hui, j’ai ma place en tant que coéquipière, mais aussi en tant que carte potentielle à jouer sur des courses difficiles et de grandes épreuves internationales. On me fait confiance. J’ai prouvé en début de saison que j’avais les jambes pour être à l’avant et faire des résultats. J’aimerais m’épanouir en tant que leader, en tant que capitaine de route. C’est mon objectif.
Le WorldTour féminin a débuté sa 2ème édition. Selon vous, qu’apporte-t-il au cyclisme féminin ?
Cela ne change pas grand-chose en soi. Surtout en comparaison de ce qui était en place avant avec la Coupe du Monde. On reste sur le même modèle si ce n’est que beaucoup de courses sont entrées dans le circuit. Cela permet à d’autres filles de jouer leur carte sur des courses qui leur correspondent mieux et cela permet à plus de filles de performer. En ce sens, c’est l’un des avantages de ce nouveau mode de fonctionnement, mais cela ne change pas fondamentalement la course en soi. Le nom WorldTour nous rapproche aussi un peu des garçons.
La Route de France n’aura pas lieu cette année et l’organisation estimait que la concurrence des épreuves WorldTour, qu’elle n’avait pas pu intégrer, l’avait amenée à disparaître.
Le WorldTour est une chose, les courses UCI en parallèle c’en est une autre. On a vu cette semaine qu’en dépit du Tour de Drenthe en WorldTour, la Semaine Valencienne, en Classe 2 au calendrier UCI, avait réuni un très beau plateau. C’est à tort que l’organisateur de la Route de France tente de se mettre l’UCI à dos. Au contraire, c’est en continuant d’organiser ces épreuves que le peloton féminin peut progresser. Il faut préciser que toutes les équipes féminines ne participent pas au WorldTour. Je trouve dommage d’enlever à ces équipes-là la possibilité de participer à de belles épreuves comme l’était la Route de France.
Quel regard portent vos coéquipières sur la disparition de cette épreuve ?
Claudia Lichtenberg, lauréate en 2014, Elisa Longo-Borghini, vainqueur en 2015 et Giorgia Bronzini qui a remporté neuf étapes sont très tristes de voir la Route de France disparaître. Si elles avaient eu l’occasion d’y participer, elles y seraient allées. Le WorldTour n’aurait rien changé au plateau qu’aurait pu accueillir la Route de France. C’est dommage de s’arrêter sur un programme alors que je suis persuadée qu’il pourrait y avoir 150 filles au départ avec des filles de classe mondiale.
Dans le même temps, le Tour de Bretagne féminin, qui vous tient particulièrement à cœur, est lui aussi menacé de disparition. Quel sentiment avez-vous éprouvé quand vous l’avez appris ?
J’ai été choquée. Je me suis dit : « ce n’est pas possible, pas en Bretagne, pas sur une terre de cyclisme. » Le problème est différent de celui de la Route de France. L’organisateur est un peu dans le flou quant à la direction que l’épreuve devrait prendre. Voilà plusieurs années qu’elle est organisée de la même façon et je pense qu’elle se plaît dans le microcosme dans lequel elle s’est installée.
Retrouvez demain la suite de notre entretien avec Audrey Cordon-Ragot