La FDJ brillante, Stephen Delcourt récompensé

Vélo 101 : L’équipe a fait un début de saison canon, vraisemblablement le meilleur de son histoire. Comment expliquez-vous cette progression phénoménale ?

Stephen Delcourt : Je pense que c’est un travail de fond. C’est notre 17e saison et on a toujours été sérieux et humbles dans notre travail. Surtout, je trouve que l’on est vraiment montés en puissance depuis cinq ans. L’arrivée du World Tour nous a donné des règles qui nous ont permis de se structurer, sans griller les étapes pour autant. On a formé une très belle génération et on bénéficie aussi d’un projet à long terme avec nos partenaires.

C’est peut-être ça le plus important : c’est un gros avantage d’avoir cette visibilité à long terme, qui permet aujourd’hui à l’équipe de paraître exceptionnelle aux yeux du grand public. Mais nous on connaît le potentiel du groupe depuis 3-4 ans ! Et d’ailleurs on va continuer à travailler ainsi, parce que si l’on compte aujourd’hui 9 victoires, on en a aussi manqué d’autres. Et ces petits points faibles subsistants, on veut les résoudre !

 

La FDJ Nouvelle-Aquitaine Futuroscope, un mix entre françaises et internationales

On sent aussi que cette progression s’est effectuée en parallèle d’un recrutement très ouvert à l’étranger (arrivées de Cecilie Ludwig en 2020, Marta Cavalli en 2021 puis Vittoria Guazzini en 2022). Est-ce aussi une explication potentielle ?

Oui, c’est un mix entre un groupe jeune que l’on fait monter en puissance, moitié français – moitié international. Mais c’est aussi un groupe très stable : on ne recrute mais des mercenaires mais des filles qui ont l’amour du maillot. On le voit avec Cecilie Ludwig et Marta Cavalli qui sont venues avec l’envie d’écrire d’histoire de l’équipe, et j’espère que cette histoire croisée sera la plus longue possible ! Et le meilleur exemple français c’est Evita Muzic, qui aux côtés de ces championnes-là est devenue elle-même une très grande championne.

Stephen Delcourt, manager de la FDJ Nouvelle Aquitaine Futuroscope

Stephen Delcourt, manager de la FDJ Nouvelle Aquitaine Futuroscope / Source : FDJ Nouvelle-Aquitaine Futuroscope

Stephen Delcourt promet une annonce prochaine

Vos partenaires, plutôt orientés vers le secteur français, vous suivent-ils dans cette démarche ?

Oui. D’abord, pour la Française des Jeux, certes elle ne s’adresse qu’à l’Hexagone, mais elle veut surtout briller, en sachant pertinemment que pour être une équipe de très haut niveau, il faut s’ouvrir à l’international. De toute manière, cette diversité ne nous empêche pas de représenter le cyclisme féminin tricolore. Quant à Lapierre (équipementier) ou le Futuroscope, tous deux ont une ambition internationale. Donc ils nous suivent dans cette démarche et s’attachent aux personnes plus qu’à la nationalité et c’est ça le plus important ! D’ailleurs, on a de belles choses à annoncer à la fin du mois et qui vont constituer de très bonnes nouvelles pour l’avenir de l’équipe.

En matière de recrutement ou en matière de budget ?

En matière d’évolution de la structure. Aujourd’hui, l’équipe est n°2 mondiale avec le 10e budget. Si l’on veut investir et continuer à pérenniser notre structure, un gain budgétaire apparait fondamental. Le 20 juin prochain, avec la FDJ, on fera donc des grandes annonces pour poursuivre cette évolution. On est dans un sport qui évolue très vite, et ma hantise est de ne pas suivre cette évolution. On ne peut pas régresser, on est désormais condamnés à progresser, avec un groupe qui le mérite. Je suis hyper fier de l’équipe, des coureuses mais aussi du staff, car la FDJ Nouvelle-Aquitaine Futuroscope, c’est maintenant 35 temps pleins ! On est donc une véritable entreprise qui se doit d’avoir toujours un coup d’avance, et je pense qu’aujourd’hui on a toutes les armes en interne pour réussir cette nouvelle évolution.

Le siège de Jaunay-Marigny, inauguré en décembre 2020, illustre la croissance de l'équipe / Source : FDJ Nouvelle-Aquitaine Futuroscope

Le siège de Jaunay-Marigny, inauguré en décembre 2020, illustre la croissance de l’équipe / Source : FDJ Nouvelle-Aquitaine Futuroscope

La FDJ Nouvelle-Aquitaine Futuroscope à la course au budget

Justement, vous étiez sur un budget plus proche de 2 millions d’euros que de 3. Désormais, l’ambition c’est de passer à 3 ?

Exactement, c’est ça. On veut se rapprocher de ces 3 millions d’euros dès 2023, et surtout, on souhaite obtenir un budget à la hausse chaque année ! Car le budget 2023 ne suffira pas en 2024 ni en 2025, tant notre sport se développe rapidement. En effet, il traduit l’importance de la visibilité pour les partenaires mais aussi le fait que la femme soit enfin reconnue à sa juste valeur dans la société. J’utilise le terme « enfin » parce que ce constat est le fruit d’un long combat militant, qui passe justement par notre activité. Pour le poursuivre, on doit donc être au sommet de l’affiche, et cela passe par un budget croissant. Et dans cette visée, je me sens vraiment chanceux d’avoir des partenaires fidèles à mes côtés !

Après la survie, Stephen Delcourt goûte enfin au succès

Alors que le cyclisme féminin évolue très positivement, quelle est la réceptivité des partenaires par rapport à cet effet ?

Je pense qu’on est juste au bon endroit au bon moment. Néanmoins, il ne faut pas oublier que l’on est arrivés dans cet univers il y a 17 ans, donc on n’est pas des opportunistes. D’ailleurs, on a failli mourir dix fois, traversé des périodes difficiles, où l’on avait peur de ne pas pouvoir finir les fins de mois, où l’on craignait de ne pas pouvoir repartir l’année suivante. Si les entreprises nous accueillent très bien aujourd’hui, c’est parce que l’on produit du spectacle, comme en témoigne notre démonstration de force sur les ardennaises.

Et ce n’est pas seulement une démonstration individuelle, mais surtout collective ! Sur la Flèche Wallonne par exemple, cela va de Jade Wiel qui durcit la course d’entrée à Evita Muzic et Brodie Chapman qui se donnent à fond pour emmener Marta Cavalli dans les meilleures dispositions au pied du Mur de Huy, avant que cette dernière ne conclue en battant Van Vleuten. En fait, elle ne pouvait pas perdre, vu tout le travail mis en place. On avait quasiment mis à disposition 15 membres du staff pour elles. Au quotidien, toutes les filles s’entraînent dur et sont récompensées justement. Tout cela, nos partenaires, actuels ou futurs, le voient.

La victoire de Marta Cavalli, devant Annemiek Van Vleuten, à la Flèche Wallonne / Source : Flèche Wallonne

La victoire de Marta Cavalli, devant Annemiek Van Vleuten, à la Flèche Wallonne / Source : Flèche Wallonne

La génération 1998-2000 éclot en World Tour

Si l’on parle d’un travail collectif, celles qui mettent au fond sont néanmoins presque toutes venues de l’étranger. Est-ce que vous diriez que la génération 1998-2000 sur laquelle vous avez investie progresse encore ou commence à stagner ?

Je pense que l’on pouvait encore dire l’année dernière qu’elle était en voie de progression, mais cette année elle est carrément au niveau World Tour. Les performances d’Evita Muzic, capable de jouer la gagne sur une course World Tour (le Tour de Burgos) tout juste revenue d’une blessure, ou de Clara Copponi qui remporte une étape du Women’s Tour (également classé World Tour) l’illustre.

La France est même en train de devenir l’une des meilleures nations du cyclisme féminin, passant de la 11e place à la veille des JO de Tokyo aux portes du top 5 aujourd’hui. Je citerais cinq filles qui marquent la plupart des points : Marie Le Net, Clara Copponi, Gladys Verhulst, Evita Muzic et Juliette Labous, et celles-ci sont désormais parvenues au même niveau que leurs concurrentes en World Tour.

Pour les championnats de France, Stephen Delcourt compte sur toutes ses cartes

Alors qu’Evita Muzic a disputé sur le CIC Ventoux Dénivelé Challenge sa dernière course sous le maillot tricolore, on se projette naturellement sur l’échéance imminente des championnats de France, dimanche prochain. Pour le reconquérir, comptez-vous plutôt sur Evita Muzic ou Clara Copponi ?

L’objectif c’est de conserver le maillot dans l’équipe, c’est tout. Pour cela on dispose de sept cartes, que l’on jouera toutes. Quand Jade Wiel a remporté le championnat de France en 2019, elle faisait partie des 8 cartes alignées au départ. Certes, Clara Copponi a une belle pointe de vitesse, mais je ne vais pas brider les six autres filles qui souhaitent se battre pour ramener ce maillot mythique, que nos partenaires laissent immaculé de sponsors. Donc je dirai que j’ai sept leaders !

Pourtant, c’est un parcours a priori pour les sprinteurs…

Oui mais je pense que ce sont avant tout les coureurs qui font la course. C’est aussi un circuit urbain, avec plein de relances, donc tout est possible.