Âgée de 32 ans et professeur d’EPS, Claire Floret est cycliste depuis 8 ans. Elle concourt dans l’équipe DN du CO Courcouronnes Cyclisme Féminin. Egalement élue fédérale depuis un an, elle s’implique dans son club depuis sa création il y a maintenant 4 ans. Son but : participer au développement du cyclisme au féminin, à tous les niveaux et sous toutes ses formes. De fait, elle est à l’origine de l’équipe Donnons des Elles au vélo J-1.
Claire, peux-tu, en quelques mots, nous resituer les débuts ?
En 2014, première année d’existence de notre club de cyclisme qui ne compte que des pratiquantes féminines, nous cherchions des moyens de développement de notre sport, faisant le constat du faible nombre de femmes dans les pelotons, quasiment toutes issues de famille de culture cycliste. Nous lancions pour commencer une équipe de Division Nationale, avant de développer l’offre de pratique vers une pratique régionale, loisir, jeune, cyclosportive dans les années suivantes.
Lorsque j’ai vu le documentaire « La belle échappée » sur le Tour de Fête d’Eric Fottorino, je me suis dit que les routes du Tour de France était le meilleur moment pour montrer que le cyclisme est un sport mixte et continuer le travail enclenché par certaines coureuses professionnelles au sujet du retour d’un Tour de France féminin. Le projet Donnons des elles au vélo J-1 est ainsi né en 2015, à seulement trois filles au départ, entièrement organisé par les participantes et Mathieu ISTIL, entraineur du club qui faisait également partie de l’aventure et garant de la mixité du groupe !
Un projet comme celui-là doit demander un budget conséquent, comment le financez-vous ?
En effet, les partenariats sont indispensables au financement de ce type de projet. Dès la première année, la Fédération Française de Cyclisme s’est associée pour nous aider dans notre objectif commun de mettre en avant la mixité dans le cyclisme, suivie dès l’année suivante par la FDJ qui une fois de plus montre son implication et son militantisme pour le développement du sport au féminin. C’est pour nous important que des partenaires comme Carrefour, Sojasun, ou Cycling Fans, impliqués depuis des années dans le cyclisme montre qu’ils sont prêts à s’engager aux côtés de la pratique féminine en soutenant le projet.
Nous sommes également soutenues par les institutions publiques, au travers des ministères des sports et à l’égalité entre les femmes et les hommes, notre région Ile de France et notre département de l’Essonne, également le CNDS. De nombreux autres partenaires comme CBA Informatique ou Kaoka nous renouvellent année après année leur soutien, la marque Liv 100% féminine nous accompagne depuis deux éditions maintenant.
L’équipe de Donnons des Elles au vélo a été lancée il y a maintenant 3 ans. Le temps passe, qu’est-ce qui a évolué depuis ?
Le nombre de participantes, que ce soit sur l’intégralité de l’aventure ou de manière ponctuelle sur une étape ou un tronçon.
Nous étions 3 filles et avons rassemblé une centaine de personnes en 2015, pour compter 10 filles dans l’équipe en 2017 et 400 participants ponctuels. Cette année, le groupe support réalisant les 3 semaines totalisera 12 femmes et 7 personnes dans le staff, nos travailleurs de l’ombre qui abattent un travail phénoménal tout le mois de juillet.
Pour que le projet porte ses fruits, il doit rayonner un maximum pour changer les représentations et attirer des femmes à participer et à se dépasser sur les routes mythiques du Tour de France. La médiatisation a nettement progressé depuis le lancement du projet, avec notamment l’appui de France TV qui a diffusé l’an dernier une pastille quotidienne, permettant pour la première fois depuis 30 ans qu’on parle de cyclisme féminin quotidiennement pendant le direct du Tour.
La cohésion est importante dans ce type de projet, les filles s’entrainent-elles souvent ensemble ?
Oui, au-delà de l’aventure sportive et militante, il s’agit d’une aventure humaine extraordinaire. On vit 24/24 ensemble, dans l’effort, avec 6h de sommeil par nuit, à partager nos petites chambres d’hôtel. C’est le groupe qui fait qu’on arrive à atteindre les Champs avec nos 3500 km dans les pattes ! C’est une famille qui se crée dans l’effort. Il y en a toujours une qui va bien quand les autres sont dans le dur, pour aider, motiver, encourager, soutenir.
Les participantes qui sont compétitrices au club s’entrainent tout l’hiver et prennent le départ des courses ensemble, les non compétitrices franciliennes se joignent également aux entrainements pour mieux se connaitre et se préparer. Le reste de l’équipe vient de Bretagne, des Alpes ou du nord-est. Un we de rencontre aura lieu au mois de février autour d’activités de cohésion, ainsi que le stage d’entrainement d’une semaine en Espagne de l’équipe de compétition qui permettra de rassembler également l’équipe qui fera le Tour. Un repérage d’une étape bretonne est également prévue au programme ! Autant de moment pour faire des bornes en compagnie des copines !
Y a-t-il eu des recrues récentes ?
Le choix a été fait de mixer cette année 6 anciennes et 6 nouvelles, afin d’offrir l’opportunité à de nouvelles femmes de participer tout en assurant une base solide de filles qui connaissent le projet et le défi qui nous attend, et qui ont pour rôle d’épauler les autres dans cette aventure sportive et humaine hors du commun !
Le projet Donnons des Elles au vélo J-1 s’est réalisé en 2016 et 2017, quels sont tes meilleurs et pires souvenirs ?
Mon pire souvenir en 3 ans, c’était l’été dernier. J’ai été victime d’une intoxication alimentaire durant la dernière semaine. J’ai passé deux jours sans pouvoir m’alimenter, tout en réalisant les étapes quand même, car pour rien au monde je ne voulais manquer un kilomètre. J’ai franchi une nouvelle limite du dépassement de soi…
Parmi mes meilleurs souvenirs, puisqu’il y en a quasiment un par jour, je pense au passage deux heures avant les hommes en haut d’un col des Pyrénées, un jour ou nos étapes se croisaient avec le public installé et déchainé lorsque nous sommes passées. Mais il y a eu aussi les différentes arrivées en équipe sur les Champs Elysées, comme aboutissement de trois semaines d’effort. Et puis les échanges sur le vélos autour du cyclisme féminin avec Julie Bresset, Aude Biannic et Audrey Cordon, qui nous fait l’honneur d’être notre marraine en 2018. Mais encore le plaisir des femmes participant ponctuellement à nos côtés et terminant l’étape en disant : « je ne me serais jamais pensée capable, mais je l’ai fait ! ». Et aussi, la joie de voir des inscriptions au sol et des pancartes écrites par les spectateurs : « Où sont les femmes sur le Tour de France ? », « Allez les filles », aux côtés des « Allez Contador ou Froome »….
Est-ce qu’on vous retrouvera sur le Tour de France 2018 ? Qui peut participer ?
Cette année, nous avons communiquer plus largement sur la possibilité de candidater pour toutes celles qui le souhaitent. Environ 90 femmes ont demandé le dossier de candidature, 15 ont été pré-selectionnées pour 12 places qui seront attribuées sur des critères d’implication dans l’organisation du projet, le militantisme par rapport au développement du cyclisme au féminin, le niveau sportif et les qualités humaines.
Quels sont les projets à venir ?
Nous souhaiterions pérenniser les projets construits par le club depuis 4 ans : notamment rendre plus performante notre jeune équipe DN grâce à un encadrement de qualité, développer notre équipe cyclosportive lancée cette année si celle-ci s’avère répondre à une demande, et évidemment poursuivre l’action Donnons des elles au vélo J-1.
Les objectifs de ce projet restent les mêmes cette année : promouvoir la pratique féminine du cyclisme, travailler à sa médiatisation et agir pour le développement des grandes courses par étapes féminines médiatisées sur notre territoire, notamment le Tour de France. Nous sommes une sorte de Fête du cyclisme au féminin itinérante, et espérons cette année rassembler et fédérer encore plus de cyclistes féminines de tous niveaux pour rouler à nos côtés au fil des régions traversées.
Julie Bresset, Pauline Ferrand-Prévot, Mathilde Gros…notamment…sont des noms qui marquent le développement du cyclisme féminin. Sens-tu que les mentalités évoluent à ce sujet ?
Oui, j’en suis persuadée ! Le cyclisme féminin français est plein de potentiel. Encore faut-il lui donner les moyens et le mettre en valeur. La médiatisation est une des clés pour permettre le changement des représentations, mais également la professionnalisation des équipes grâce à la visibilité des partenaires. L’organisation de courses féminines sur les mêmes lieux et à la même période que les hommes, comme c’est le cas dans de nombreux autres sports, permettraient aux sportives de bénéficier des mêmes infrastructures et public que leurs homologues masculins.
Julie Bresset, Pauline Ferrand-Prévot, Mathilde Gros et de nombreuses autres cyclistes françaises, au vu de leur performance sont d’excellentes ambassadrices de la pratique cycliste féminine. Elles imposent le respect par leur performance et légitime la place des femmes sur un vélo auprès de ceux qui en douteraient encore, tout en permettant l’identification des jeunes filles qui ne sont pas encore cyclistes et qui pourraient constituer la relève !
Tu fais toi-même du vélo, que pourrais-tu dire à celles qui hésitent encore à se lancer à l’assaut des routes ?
Foncez !!!! Le vélo est multi facette, on peut le pratiquer en compétition, en balade, en voyage, en mode de déplacement. On peut le partager en équipe, entre copain, en famille. Mais quelle que soit la pratique, il donne confiance en soi, car il impose de se dépasser.
Et à ceux qui pensent encore que le cyclisme féminin n’est pas du vrai vélo ?
Qu’ils viennent pédaler avec nous sur le Tour pendant trois semaines, ou sur une course avec Julie, Pauline ou Mathilde !!!
– Soline Cazaubon