La championne du Luxembourg Christine Majerus, membre de la formation n°1 mondiale Boels-Dolmans, s’est livrée pour Vélo 101 évoquant l’historique de son équipe, ses succès et résultats 2017, le cyclo-cross, le Luxembourg et … ses débuts en France.
Christine, tu vas bientôt en terminer avec ta 4ème saison sous les couleurs de la Boels-Dolmans, formation qui domine le cyclisme mondial depuis trois ans maintenant. Tu cotoies et secondes des Anna Van Der Breggen, Megan Guarnier, Lizzie Deignan ou la nouvelle championne du Monde Chantal Blaak. Quel plaisir et satisfaction en retires-tu ?
Effectivement depuis 2014 je fais partie de la Boels-Dolmans. C’était plutôt une équipe de moyen tableau lorsque j’ai signé cette année-là mais le projet de l’époque était intéressant et ambitieux. Puis il y a eu les bons recrutements au fil du temps, un bon état d’esprit de l’ensemble de l’équipe et nous voilà en première position du classement mondial depuis 2 ans. Lorsque j’ai débuté dans le cyclisme j’admirais toujours les grandes équipes de l’époque, HTC ou Garmin, et je rêvais d’en faire partie un jour. Donc c’est évidemment une grande fierté d’avoir atteint ce but.
Tu fais d’ailleurs partie du collectif dédié aux contre-la-montre par équipes avec des victoires cette année sur le Healthy Ageing Tour et le Crescent Vargarda TTT, et la médaille d’argent décrochée aux Mondiaux de Bergen. Un exercice que tu affectionnes ? Y a t-il eu des regrets en Norvège ?
C’est une épreuve qui est très importante pour l’équipe et que j’ai apprise à affectionner au fil de mes années chez Boels-Dolmans. Elle résume très bien ce qu’est le cyclisme et les valeurs qu’on veut transmettre. Evidemment il y a le côté physique car c’est une discipline très eprouvante, le côté technique, technologique aussi mais surtout le travail et la cohésion d’équipe. Il ne suffit pas de rassembler les meilleures individualités pour gagner, il faut un groupe cohérent et à l’écoute l’une de l’autre. C’est ce qui nous a fait devenir championnes du monde au Qatar. On a également fait une belle course à Bergen mais il y avait simplement plus fort que nous ce jour là. On était déçue mais il n’y a pas de regrets à avoir. D’ailleurs je trouve regrettable que la nouvelle présidence de l’UCI ait pris la décision d’enlever cette discipline du programme lors des Mondiaux et je ne dis pas cela uniquement parce qu’on est plutôt bon en TTT. Surtout pour le cyclisme féminin, c’était toujours une belle vitrine médiatique. J’ai l’impression qu’on n’a pas donné assez de temps ni de moyens à la discipline pour se développer et se pérenniser.
Qu’a représenté ta victoire à domicile fin avril lors du Festival Elsy Jacobs (succès d’étape à Steinfort et surtout la victoire finale) ? La Boels-Dolmans (dont Megan Guarnier) s’était d’ailleurs mise à ton service pour l’épreuve.
C’était la seule course cette année où j’étais leader d’office et je suis contente et soulagée d’avoir pu répondre présente. Ce n’est pas forcément facile de performer à la maison et pour ma part cela ne m’a jamais vraiment réussi auparavant. J’avais fait quelques places d’honneur mais rien qui aurait pu s’approcher de la victoire finale. Mais cette année j’étais plutôt bien et Megan revenait de blessures donc j’étais la meilleure carte pour l’équipe. Puis la victoire d’étape avait motivé tout le monde pour défendre le maillot le lendemain. C’était la dixième fois que je prenais le départ de cette course. Je n’ai raté aucune édition. Alors je trouvais cela plutôt sympatique de gagner après autant d’essais. Comme quoi il faut insister des fois.
Tu finis aussi 2ème de l’OVO Energy Women’s Tour (WWT) couru en Angleterre avec quatre places dans le Top 5 sur les étapes et sans le solo de Niewiadoma le premier jour, on ne sait ce qu’il serait advenu … Tu te classes également 7ème du Ladies Tour of Norway. Considères-tu avoir passé un cap sur les épreuves du Women’s WorldTour ?
Cela fait plusieurs années que je marche bien en Angleterre puisque j’ai déjà gagné des étapes et porté le maillot de leader. Il n’était pas prévu que je sois leader à cette course. Ce sont les aléas de la course qui ont fait que j’ai pu m’exprimer à 100% sur les 2 derniers jours. Mais malheureusement à ce stade là la course pour le GC était déjà comme perdue avec l’échappée de Kasia le premier jour. Remonter 2ème et avoir deux maillots distinctifs était dès lors un peu comme une victoire. En Suède toutes nos attaques avaient échoué et j’étais encore la plus agile pour le sprint final alors 4ème après avoir travaillé toute la course c’était plus que correct. En Norvège j’étais surtout en support pour Megan. Performer sur les grandes courses est naturellement plus gratifiant que de performer sur des courses un peu moins côtées. En conséquence je suis contente d’avoir eu la majorité de mes résultats cette année sur ses courses importantes, avec en prime une 6ème place aux Mondiaux.
On te voit souvent comme une équipière de luxe capable aussi de gagner. Est-ce un rôle qui pourrait t’amener dans l’avenir à prendre d’autres responsabilités, celle d’être leader par exemple dans une autre équipe plus modeste ?
Pour le moment j’ai encore un an de contrat chez Boels-Dolmans et je crois que mon rôle ne changera pas particulièrement cette saison. Je prends aussi du plaisir à me mettre au service de mes coéquipières aussi parce que je sais qu’elles me renvoient l’ascenseur de temps en temps pendant la saison. Pour la suite je n’ai pas encore pris de décision. Je veux simplement donner le meilleur de moi-même dans ce qu’on me demande de faire.
Comptes-tu faire une saison de cyclo-cross aussi remplie que l’hiver dernier ? Il y avait d’ailleurs les Mondiaux organisés à Belvaux … au Luxembourg au début de l’année.
Non, l’an dernier c’était vraiment exceptionnel. J’avais comme objectif évidemment les Mondiaux à la maison mais aussi le but de faire une belle saison en général. Etre première ligne de départ à Bieles était vraiment top et finir 7ème valait bien tous les sacrifices. Mais j’ai enchaîné presque 2 saisons cross-route sans réelle coupure alors certes j’ai pris beaucoup de plaisir mais c’était aussi usant. Alors cette année il fallait devenir un peu plus raisonnable à nouveau. Cet automne je suis (enfin) partie en vacances et je ne vais pas m’aligner sur les grandes courses avant mi-novembre. Alors certes vous me verrez sûrement dans les résultats de quelques petites courses mais c’est seulement pour le plaisir, l’entrainement et pour tester mon materiel. Je ne serais surement pas compétitive mais ce n’est pas cela qui compte au début. J’espère néanmoins être plus ou moins dans de bonnes conditions d’ici les Mondiaux en février.
La Boels-Dolmans te laisse-t-elle carte blanche pour combiner les saisons cyclo-cross et Route ? On sait par exemple que ta coéquipière Nikki Harris-Brammeier ne va se consacrer qu’au cyclo-cross.
J’ai carte blanche. Evidemment pour l’équipe ce n’est que du bonus d’un point de vue médiatique, mais je sais aussi que pour eux le plus important c’est que je sois compétitive pour la saison route. C’est pour cela qu’ils m’ont signé et c’est comme ca que je vois le cross aussi, comme un moyen de préparer ma saison de route. Nikki est une vraie spécialiste contrairement à moi. Cette année elle n’a pas couru beaucoup sur route et cela lui servait surtout pour préparer l’hiver. Ce sont deux approches différentes.
Quel regard portes-tu sur le cyclisme actuellement au Luxembourg, féminin comme masculin ? A chacune de tes interventions, on te sent investie (un peu « porte-drapeau ») dans le sport luxembourgeois (NDLR Christine a été élue à plusieurs reprises Sportive de l’année par la presse spécialisée du Grand-Duché).
Le sport national au Luxembourg est certes le foot, mais c’est plutôt le cyclisme qui a ramené au pays ses plus beaux succès. Puis chez les garçons la relève frappe déjà à la porte donc je pense que la tradition va perdurer. Chez les filles c’est un peu plus compliqué puisqu’on n’a vraiment pas beaucoup de licenciées mais malgré cela il y a quelques coureuses prometteuses. Puis la première championne du monde sur route était luxembourgeoise (NDLR Elsy Jacobs en 1958), personne ne pourra plus nous enlever cela. On est évidemment fier de montrer nos couleurs à l’étranger. Le pays est souvent réduit à sa petite taille et aux préjugés du monde de la finance mais ce que les gens ignorent c’est que derrière tout cela se trouve surtout un magnifique pays plein de diversités géographiques et démographiques. C’est cette image là que je veux que l’on retienne de nous.
Tu as gagné la Coupe de France Dames en 2011, quels souvenirs gardes-tu de cette « période » française ?
J’ai eu la chance de pouvoir intégrer l’équipe de GSD en 2008 alors que je venais tout juste de commencer à faire du vélo. J’étais étudiante à l’époque et on avait un calendrier plutôt bien équilibré entre les Coupes de France et courses UCI. Cela m’a permis de gagner la CDF d’abord en Espoirs puis en Elites. Mais surtout c’est grâce au soutien de l’équipe que j’ai pu décrocher ma qualification pour les Jeux de Londres. Y aller pour aussi représenter un peu les couleurs de GSD était ma façon à moi de les remercier pour leur confiance à mes débuts et leur soutien pendant 5 ans. Fin 2012 j’ai pris la décision de changer de cap afin de continuer à progresser dans un collectif plus compétitif mais c’était non sans pincement au coeur. Mais avec le recul et la suite de ma carrière c’était la bonne décision à prendre.
Par Franck Fruch