Tu as gagné le tour de Bretagne, c’était une nouvelle édition depuis son arrêt, qu’en as-tu pensé ?
J’attendais beaucoup de cette course, je l’appelais le Bretagne 2.0 avec sa nouvelle version. Ça a vraiment été une superbe réussite pour tout le monde. Une bretonne qui gagne en Bretagne sur une nouvelle version du Tour de Bretagne je pense que tout le monde était content. C’était une superbe semaine avec l’équipe de France avec Juliette Labous (Sunweb) en co-leader avec laquelle je m’entends très bien. J’ai pris beaucoup de plaisir. Je vous avoue que sur ce Giro je ne suis pas au mieux de ma forme et c’est plus difficile mais il faut prendre les jours comme ils viennent et il y a encore de belles choses à faire dans les jours à venir.
On a vu que les écarts étaient étroits, minimes, est ce que tu aimerais trouver quelques difficultés supplémentaires pour avoir de vraies différences ?
Je pense que le contre-la-montre mériterait d’être plus long car on était sur un chrono de 10km et c’est ça qui a fait que les écarts étaient de la sorte. Un vrai chrono de spécialistes d’au moins 20-25km, ça aurait été mieux. Ils étaient encore dans la découverte des différents niveaux qu’il y avait au départ mais cette année, le niveau était vraiment excellent et je pense que l’année prochaine, ils pourront se permettre de faire un chrono plus long. Après c’est vrai que sur les autres étapes, quand on a une Kristen Wild (WNT Rotor) au départ et qu’il n’y a pas vraiment d’autres sprinteuses, c’est difficile d’aller la chercher. Mais c’est aussi ce qui fait le suspens que les écarts soient pas énormes, jusqu’à la fin il y a du suspens.
Audrey au départ du CLM du Tour de Bretagne | © francky1978
Tu rêverais d’un Tour féminin en France qui irait visiter une année l’Est de la France, une autre année l’Ouest, etc… ?
Je rêve d’un Tour de France féminin. Certes peut être pas avec la même nomination mais d’une Grand Boucle féminine en France. Je pense qu’on le mérite, que c’est possible dans le sens où ça se produit en Italie, ça va se faire l’année prochaine dans les pays Scandinaves. Après je comprends tout à fait les dires et les problématiques que ça peut poser sur un Tour qui serait en même temps que les garçons mais c’est pas ça qu’on demande. On demande juste un Tour à nous, sur dix jours minimums où on puisse visiter les superbes régions Françaises et en particulier la Bretagne (rires) mais qui soit à la hauteur de ce qui se fait déjà notamment sur le Tour d’Angleterre et prochainement sur le Tour de Scandinavie.
Tu vois évoluer le cyclisme féminin dans tous ces aspects là, tu as bon espoir ?
Oui j’ai bon espoir mais il y a encore beaucoup de boulot. Je pense notamment à ce Giro, ça va faire pas mal d’années que je le fais et l’organisation n’a pas vraiment évolué. Il y a toujours des soucis de sécurité, les conditions ne sont pas optimales surtout pour le staff, il y a beaucoup de choses à prendre chez les garçons encore à ce niveau là. Ça avance tout doucement mais j’espère qu’il y aura encore plus de pays qui prendront en main ces Grands Tour pour montrer à ceux qui sont à la traîne qu’il y a des choses à faire et progresser.
La Coupe du Monde de football féminin ça donne forcément des idées à vous les filles pour le cyclisme féminin ?
Bien sûr ! Je me suis vraiment intéressée au football féminin cette année, en plus il y a des Bretonnes qui jouent très très bien dans l’équipe de France, je pense à Eugénie Le Sommer qui pour moi est la magicienne du foot. Je sentais vraiment cette osmose au sein de l’équipe et j’avais envie quelque part de dire à tous ces médias « venez voir comme c’est sur un Championnat du Monde de cyclisme féminin, quelle est l’osmose au sein de cette équipe, c’est pas un sport individuel, c’est un sport d’équipe et on mérite aussi d’avoir cette médiatisation. ». On a le « souci » d’avoir notre Championnat du Monde en même temps que les garçons et ça nous fait peut être un peu plus d’ombre mais c’est vrai que tous ces sponsors nationaux qui se sont intéressés dans cette équipe de France de foot, ça donne envie, sans compter les bonnes audiences.
Si on revient un peu en arrière, sur les Championnats de France, il n’y avait vraiment rien à faire face à l’équipe FDJ Nouvelle Aquitaine Futuroscope sur cette course en ligne ?
Elles ont couru superbement, après je ne suis pas sûre qu’il n’y avait rien à faire. Encore une fois j’ai mon idée de la course, on en a parlé avec Aude qui a une toute autre idée, on peut pas toujours tomber d’accord et surtout, on est pas de la même équipe. Je peux comprendre sa position mais de mon côté, je pense qu’on aurait pu prendre la course d’un autre versant et peut-être ou pas, aller chercher la victoire avec une d’entre nous. C’est fait, je suis au Giro et j’ai tourné la page.
Audrey Cordon-Ragot au Championnat de France 2019 | © yefrifotos
C’est un regret pour toi que ce Giro n’ait pas emprunté le Gavia ?
Honnêtement non, ce n’est pas un regret parce que ma condition aurait été la même. Hier j’ai vraiment vécu une sale journée comme on dit, une journée comme on en a peu dans l’année mais quand ça vous tombe dessus c’est vraiment difficile. J’avais peine à penser au bout de 10 bornes que j’allais pouvoir rallier l’arrivée. Gavia ou pas Gavia ça a été terrible pour moi.
Cette fin de Giro tu l’imagines comment avec Elisa Longo Borghini (Trek Segafredo) ? Annemiek Van Vleuten (Michelton-Scott) est prenable ou pas ?
Non.. Annemiek est sur une autre planète, il faut être honnête et Elisa l’est, elle est vraiment au dessus du lot. Comme à dit Elisa hier « on a vu partir une allien et on s’est retrouvées à faire la course entre humaines », quand c’est Elisa Longo Borghini qui le dit, ça prend tout son sens. Je pense qu’on va jouer pour les accessits mais c’est toujours très bien de montrer qu’on est une équipe solide et qu’on peut emmener notre leader au plus haut possible.
Tu enchaîneras avec quoi ?
Je serai sur la Course by le Tour et ensuite sur la London Classic. Je ne serai pas sur les Championnats d’Europe pour pouvoir souffler un peu et préparer au mieux les Championnats du Monde.
Avec une course en circuit à Pau, on a l’impression que cette édition de la Course by le Tour met en deçà ses ambitions des années précédentes où vous étiez sur les Champs Élysées, puis au sommet de l’Izoard et au Vélodrome, vous en pensez quoi ?
Je ne suis pas franchement sûre de ça, je pense que cette idée de faire une boucle ça permet aux spectateurs de nous voir plusieurs fois en plus ça sera plus ouvert parce que c’est moins dur que les autres années où il n’y avait rien à faire face à des filles comme Van Vleuten (Michelton-Scott) ou Van Der Breggen (Boels Dolmans). Je pense que ça va ouvrir la course et qu’il y aura la possibilité pour certaines filles de pouvoir se montrer à l’avant, de montrer que le velo féminin c’est pas que 3 ou 4 filles mais bien plus que ça, bien plus de talents. Moi ce que je regrette c’est qu’on n’ait plus cette dernière épreuve sur les Champs Elysées qui était vraiment mythique, c’était une superbe course. A partir du moment où on est parties des Champs Elysées, ça a un peu dénaturé le truc parce que c’était vraiment super et ça faisait partie du folklore du calendrier féminin.
Chez Velo101, et on l’a dit à ASO, on rêve d’au minimum une exposition qui reprendrait 3 étapes (les 2 jours de repos et l’arrivée au Champs), qu’en penses-tu ?
Je pense que ce serait compliqué car ça veut dire rester 2-3 semaines en France alors qu’il y a quand même d’autres épreuves qui ont lieu en même temps dont le Giro Rosa. Je pense qu’il faudra un jour se mettre d’accord sur les possibilités mais il faut pas que ça empiète sur les autres épreuves parce que c’est important de les garder aussi. L’idée d’une vraie étape un jour de repos pour profiter vraiment de la médiatisation, des caravanes, ça peut vraiment être sympa. Je suis pas sûre que les journalistes soient ok de commenter un jour de plus sur les trois semaines (rires) mais c’est vrai que c’est à creuser. Je comprends très bien monsieur Prudhomme quand il dit que c’est très compliqué d’avoir un seul gendarme de plus sur une organisation de cette ampleur et ce qu’on leur demande à ASO c’est pourquoi pas organiser un Tour extérieur au Tour de France.
Tu as 6 mois de « fonctionnement » avec cette équipe Trek Segafredo, on a l’impression que tout le monde s’épanouit vraiment dans l’équipe, vous de l’intérieur c’est comment ?
Ça se passe vraiment très très bien, les filles sont hyper contentes tout comme moi d’être dans cette équipe. On a vraiment trouvé chacune nos marques, on a quasiment toutes gagné une course cette année, ça montre bien l’homogénéité du groupe. Tout le monde a ses possibilités, les leaders ne sont pas du tout contre le fait de donner une chance aux filles qui d’habitude sont là pour travailler pour elles. C’est vraiment top !
Audrey avec toute son équipe au départ du Giro Rosa | © Trek Segafredo
Ta DS: Georgia Bronzini tu la retrouves comme tu l’as connue coureuse ou différemment maintenant ?
Non, il y a un temps pour tout : un temps où j’essaye de la voir comme mon directeur sportif et mon boss et des moments plus cools où on se retrouve entre amies et forcement c’est toujours un plaisir d’être avec elle. C’est quelqu’un que j’aime énormément et qui restera dans ma vie même après carrière.