Elie Gesbert. Retenez bien ce nom car il fait beaucoup parler dans le monde du cyclisme chez les jeunes. C’est un « extraterrestre », pour reprendre le surnom qu’on lui donne dans les pelotons, et il faut le dire, le garçon de 17 ans est hors-normes. Leader du Challenge National sur route alors qu’il n’est que Junior 1ère année, 10ème de la Course de la Paix, sans doute l’épreuve internationale par étapes la plus relevée chez les Juniors. En l’espace d’à peine six mois, le coureur du VS Andel a réussi à se faire un nom parmi les nombreux talents que compte le cyclisme français.

Routier/cyclo-crossman, voilà comment il se définit, lui qui a dû arrêter le VTT, discipline par laquelle il a commencé et où il a excellé, pour mieux performer sur le macadam. Car avant d’être un fameux routier, Elie était un vététiste hors pair. C’est par le cross-country qu’il fait ses débuts dans le vélo à l’âge de 9 ans. Dès la catégorie Minime, il goûte aux joies de la victoire, et cela lui donne des idées puisqu’il va les enchaîner jusqu’à devenir multiple champion de Bretagne. Faisant partie des meilleurs Français de la discipline il est même sur le point de monter sur le podium des Championnats de France Cadets à Méribel avant qu’un ennui mécanique ne vienne briser ses rêves de médailles. Le talent est déjà là ! En parallèle du VTT, le gamin d’Andel, petite localité des Côtes d’Armor, commence la route et le cyclo-cross. Très vite, les victoires s’accumulent pour ce coureur multidisciplinaire. Mais au moment de passer dans la catégorie Junior, il doit faire un choix : « concilier route et VTT devenait trop difficile. Après une épreuve VTT, je n’avais pas le rythme sur la route et inversement. » Pour un « Pauline Ferrand-Prévot au masculin », il faudra repasser !

C’est donc l’hiver dernier que le public a découvert Elie Gesbert. « J’ai fait une bonne préparation, sérieuse, et cela m’a plutôt réussi. » Malheureusement handicapé sur les manches du Challenge National (malade et victime d’ennuis mécaniques), il s’est rattrapé et a montré son vrai potentiel à l’occasion des Championnats de France de cyclo-cross, chez lui ou presque, à Quelneuc. Au prix d’une incroyable remontée, il s’est hissé à la 9ème place et termine au passage meilleur Junior 1ère année. « C’est à partir de cette course que j’ai commencé à m’étonner moi-même. J’étais un peu en folie ce jour-là. En plus, avec le public breton derrière moi, ça me donnait des frissons. J’ai fait une grosse course même si sans un mauvais départ, il y avait moyen de faire encore mieux. J’étais dans les mêmes temps que les trois premiers voire mieux à certains tours. C’est dommage mais c’est la course. » En plus de lui prédire un bel avenir dans les labourés, cette belle performance lui a valu une sélection en équipe de France pour la Coupe du monde de cyclo-cross à Liévin. Cette première expérience sur la scène internationale ne lui a donné qu’une seule envie : y revenir !

Après un hiver bien chargé passé dans les sous-bois, Elie Gesbert a attaqué la saison route « sans pression », pour reprendre ses propres termes. A l’attaque sur les classiques Juniors du début de saison en Bretagne (réputées pour être très relevées) sa victoire sur la Penn ar Bed l’a débloqué. « Cette première victoire m’a vraiment fait du bien. Avant cette course je n’étais pas encore au top de ma forme. C’est à partir de là que tout s’est bien enchaîné. » La spirale victorieuse allait pouvoir se mettre en marche, à commencer par sa victoire sur la première manche du Challenge National, course menée tambour battant : 2ème du contre-la-montre le premier jour, il aurait pu s’en contenter, mais c’était mal connaître l’élève de Rolland Le Doledec, son entraîneur.

Le lendemain, il remportait le classement général au prix d’une échappée de près de 80 kilomètres ! Autant dire que le jeune homme a de la fougue. Avec ce garçon, on serait tenté de dire que la meilleure des défenses, c’est l’attaque. « Je ne pensais pas être aussi performant. A vrai dire, je pensais plutôt faire dans les 20 premiers. » Cette révélation au monde du cyclisme sur route lui a une nouvelle fois ouvert les portes de l’équipe de France pour disputer l’une des plus belles épreuves au monde : la Course de la Paix. « J’espérais pourquoi pas revenir en équipe de France l’hiver prochain, pour le cyclo-cross, mais je ne m’attendais pas à une sélection sur route. En tout cas, ça me faisait très plaisir de participer à cette grande compétition et j’étais content de pouvoir me confronter au niveau mondial. Au départ, j’appréhendais surtout la durée avec cinq jours de course. » Mais ses craintes se sont vite apaisées et il est revenu de République Tchèque avec la 10ème place au classement général et de belles perspectives pour la suite : « c’était une très bonne semaine, en plus, il y avait une bonne ambiance dans l’équipe. »

Revenu de son séjour tchèque, le pensionnaire du lycée Sports Etudes de Saint-Brieuc a encore fait parler de lui en s’adjugeant la 2ème manche du Challenge National malgré une chute. Plus de doute, Elie est bel et bien la révélation Junior de l’année. « Je ne sais pas trop comment expliquer ma progression. Je sais juste que je prends du plaisir à courir sur la route. J’aime bien cet esprit tactique qu’il faut avoir, je trouve aussi que le final est plus palpitant que dans les autres disciplines. » Bien qu’il ne côtoie les pelotons routiers que depuis peu, il fait preuve d’une incroyable analyse de la course, d’un grand esprit tactique qui lui valent ses cinq victoires cette saison. Rouleur, grimpeur, à l’aise au sprint, Elie Gesbert est un coureur complet qui n’hésite pas à venir chatouiller les pelotons de 1ères catégories. « Avec eux, on prend plus de rythme, on apprend plus vite. Et puis la difficulté ne me fait pas trop peur. » Un bon mental, voilà aussi sans doute la raison de ses succès : « je prends le départ d’une course pour la gagner, je suis toujours autant motivé quel que soit le niveau. J’ai une âme de compétiteur. »

La première partie de saison achevée, que reste-t-il à gagner désormais ? « Pour la suite, je ne me prends pas trop la tête. On va dire que je prends comme ça vient, je n’ai pas d’objectifs clairement définis. Bien sûr, il y aura la finale du Challenge National en fin de saison mais d’ici là, j’aimerais pourquoi pas participer aux Championnats d’Europe. » Avant bien évidement de reprendre les chemins du cyclo-cross et pourquoi pas réaliser un nouveau festival ? « Ce sera dur, il y a du beau monde en cyclo-cross. Il y a toujours des surprises, on ne peut pas savoir ce qui va se passer. Et puis avec la route, ce n’est pas toujours évident à gérer. Il ne faut pas parler trop vite. » Du talent, de la lucidité dans ses propos, ne vous rappelle-t-il pas quelqu’un ? Un certain Olivier Le Gac, qui s’était lui aussi révélé au grand jour lors de son entrée chez les Juniors. « On me fait de temps en temps la comparaison mais j’essaie de ne pas y penser, je trace ma propre route. » Sa propre route justement, elle passera prochainement au GP Patton (Coupe des Nations Juniors) avec l’équipe de France puis place aux Championnats de Bretagne sur route et de France sur piste où on le verra sûrement faire une nouvelle fois des étincelles. Et pour terminer la saison en beauté, pourquoi ne pas devenir champion de France devant son public, fin août, à la Chapelle-Caro, dans le Morbihan ? – Pierre Arz