Tout le monde sait qu’elle existe et pourtant, personne ne la voit. Chez les Juniors, la b’Twin U19 Racing Team, c’est un peu le Père Noël : une entité bienveillante, permettant aux jeunes de grandir dans les meilleures conditions, sans jamais s’afficher sur les maillots ou les cuissards de cette vingtaine de chanceux que comporte chaque promotion. Et au sein de la structure, le rôle du grand barbu tout de rouge vêtu est tenu par Alexandre Chenivesse, initiateur du projet et manager de la formation. « Je n’ai aucun intérêt là-dedans, tient à préciser ce spécialiste de la communication. Je fais cela bénévolement. Mon employeur ne m’a absolument pas demandé de le faire. Mon activité professionnelle n’est pas liée à b’Twin. » « Je suis admiratif devant ce que fait Alex, lance Cyril Saugrain, responsable du partenariat technique chez b’Twin qui équipe donc tous les coureurs. Personne à part lui ne pourrait le faire. Il le fait avec ses tripes et le temps qu’il y accorde. »
L’histoire de la naissance de ce projet en 2007 prêterait pourtant presque à sourire. « Un gamin est venu dans le magasin dans lequel je travaillais à Grenoble en nous disant qu’il n’avait pas l’argent pour s’acheter un vélo, relate Alexandre Chenivesse. On lui a alors revendu un vélo de test en vélo d’occasion. Ce gamin est revenu nous voir parce qu’il ne savait pas régler son dérailleur. On lui a appris, on l’a formé. Et il a fait venir tous ses copains. C’est comme ça que les premiers gamins sont venus me voir. C’est le cas de Jérémy Bescond par exemple. Il vient me voir en fin d’année Junior 1. Il est venu avec un book pour solliciter un partenariat. » Depuis, la structure n’a cessé d’évoluer en qualité pour être aujourd’hui bien rodée. « La structure de l’équipe est aujourd’hui phénoménale, salue encore Cyril Saugrain. On a vraiment quelque chose de bien pensé, qui s’articule autour d’un projet avec des valeurs qui sont toujours respectées. La voie a été tracée par Alex. On file sur une ligne droite, pas sur des chemins de traverse. Le projet est sur une autoroute aujourd’hui. »
Pourtant, ce projet tient en trois mots. Un leitmotiv que tous mettent un point d’honneur à respecter : accompagner, former, tester. Trois credo simples comme bonjour, mais qui ont fait le succès d’une structure à part dans le paysage français. Sur le vélo, la B’Twin U19 Racing Team met à disposition un encadrement presque professionnel : suivi de la performance, un entraîneur qualifié et chevronné en la personne de Nicolas Boisson, adepte des nouvelles méthodes d’entraînement, et surtout du matériel à disposition. Chaque coureur est équipé d’un B’Twin, mais également d’outils à la pointe de la technologie. Tous sont sur un pied d’égalité. L’équipe vient d’investir 20 % de son budget dans le suivi de la performance. Cinq SRM et dix Powertap ont été financés et chaque coureur possède un Garmin qui leur permet de transférer ses données sur une plateforme. Au terme des deux années Juniors, les protégés peuvent continuer à l’utiliser pour fournir aux Divisions Nationales leurs données.
Vous l’aurez compris, la b’Twin U19 Racing Team est à la pointe de la technologie et voit surtout plus loin que le bout de son nez. Sans cette technologie, le projet est tout bonnement impossible à gérer. Et pour cause, les vingt coureurs de la promotion 2013-2014 (quatre Cadets 2 et seize Juniors) sont littéralement éparpillés aux quatre coins de la France, de Dunkerque à Cannes, de Brest à Nancy. Si les locaux sont basés à Lille, les coureurs n’ont pas besoin d’être dans le Nord. Pendant leurs deux années Juniors, ils restent licenciés dans leur club et continuent de porter leurs couleurs. « On considère qu’il est important pour un jeune de rester dans son club, surtout si c’est son club formateur, précise Alexandre Chenivesse. On ne veut pas piller les petits clubs. Le projet a permis à tous ces coureurs de rester dans leur club alors qu’ils étaient happés par toutes les DN. La réussite d’un jeune passe aussi par une certaine stabilité. Pour certains, l’internat peut leur faire du bien. D’autres ont besoin de conserver leurs racines familiales. Cela leur permet de ne pas être trop perturbé, d’avoir les copains du lycée et de faire leurs études dans l’établissement à côté de chez eux. »
Mais ce travail à distance n’empêche pas les résultats d’arriver. Pour preuve, Pierre-Henri Lecuisinier, passé par la structure pendant ses deux années Juniors, n’a vu son entraîneur, Jocleyn Bar, pour la première fois qu’à Copenhague… le jour où il devint champion du monde en 2011 ! Aujourd’hui professionnel au sein de la formation FDJ.fr, devenue elle aussi partenaire de la structure, le coureur de 20 ans a conservé son entraîneur. Pendant ces années-là, celui qui a permis à la b’Twin U19 Racing Team de recevoir un véritable coup de projecteur en septembre 2011 a pu continuer ses études, allant même jusqu’à se retrouver en stage chez b’Twin avant les Boucles de la Marne qu’il avait remportées l’an dernier. Une exception ? Non, un symbole.
Car la formation est le deuxième credo pour Alexandre Chenivesse. « La scolarité a un impact sur le vélo, affirme le manager. Les coureurs peuvent échanger par e-mail avec Jérémy Roy, parrain de la promotion cette année, qui accompagne les Juniors dès que l’un d’eux le sollicite. Nous avons 100 % de réussite aux examens depuis six ans. Les coureurs savent que c’est non négociable. Ils ont tous à cœur de réussir. Le message est clair. Il est d’autant plus fort que l’on est dans la passion du jeune. Ceux qui n’ont pas un bon bulletin scolaire ne partent pas aux stages que l’on organise. Celui qui n’est pas bon à l’école ne sera pas bon sur le vélo. La tête et les jambes, ce n’est pas simplement un beau slogan, c’est une réalité. Aujourd’hui ça fait partie d’un équilibre. On sait qu’il est très difficile pour un jeune qui n’a pas le bac de trouver du boulot. Il a beau être sportif, mais que fera-t-il après ses 30 ans ? Le bac, c’est le minimum. C’est pour cette raison que ce volet est très important. Quand on jette un œil au dossier d’une candidature, on regarde son projet scolaire. Si je prends l’exemple de Damien Touzé, lorsqu’il est rentré chez nous en Junior 1, il a vu sa moyenne augmenter de deux points. Ces parents ne comprenaient pas. Je suis déjà très satisfait quand les gamins ont eu leur bac. Je le suis encore plus lorsqu’ils ont des résultats. Mais la scolarité est essentielle. De ce point de vue là, ça marche plutôt bien. »
Devant le succès, les demandes affluent de plus en plus chaque année. L’an dernier, plus de 90 jeunes ont tenté leur chance. « Des coureurs ont des parents au chômage. D’autres disent clairement dans leur lettre de motivation qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter un vélo. D’un autre côté, certains pourraient s’acheter un SRM. Nous faisons côtoyer pauvres et riches, résume Alexandre Chenivesse. Tous participent au même niveau avec 15 euros par jour de stage. Ils sont tous logés à la même enseigne. Tous ont le même vélo avec le même matériel. Si on les aligne tous au départ, c’est le plus fort qui gagne. Il y a une équité sportive et une équité sociale. »
Le matériel justement, n’est pas simplement fourni par b’Twin. Car si la marque accompagne le projet depuis sa création, elle ne le fait pas par pur philanthropisme : elle attend de ces jeunes des retours sur les produits qui seront par la suite disponibles en magasins. « Nous ne voulions pas rentrer dans une logique consumériste, poursuit le manager. La contre-partie du coureur, c’est de faire des comptes-rendus. Tester des produits, des équipements de nos partenaires, qui seront encore perfectibles. Ils doivent faire des retours, dire ce qui ne va pas. Ce qu’a aimé b’Twin, c’est que le discours que va tenir un Junior est deux fois plus puissant que celui d’un pro. Le gamin ne va pas faire dans la demi-mesure. On est vraiment dans cette logique gagnant-gagnant. On te prête un vélo, on te met des outils à disposition, de l’autre côté, quand on te demande quelque chose, tu le fais. Quand on était avec SRAM, il fallait faire des retours en anglais. Ils les faisaient et ça leur faisait du bien. »
C’est ainsi que les membres de l’équipe ont participé pendant cinq ans à l’élaboration et au perfectionnement du textile Aerofit 9, aujourd’hui utilisé par l’équipe FDJ.fr. « Si j’ai été voir Marc Madiot, c’est parce que je savais que nos produits étaient au niveau, explique Cyril Saugrain. Quand on a présenté le maillot, Thierry Bricaud nous a tout de suite dit que c’était ce que les coureurs lui demandaient. Aujourd’hui, les pros viennent apporter de nouvelles remontées en plus de celles que l’on reçoit encore de la U19. On confronte le top niveau professionnel avec le top niveau des jeunes. C’est-à-dire qu’on le confronte aux exigences des besoins spécifiques des professionnels et des coureurs amateurs qui ont des besoins différents. Il ne faut pas oublier que notre métier, c’est de développer des produits pour nos clients chez Décathlon. On doit donc adapter ces techniques pour le grand public dans nos différentes gammes. »
Tout semble rôdé, tout le monde semble y trouver son compte et c’est paradoxalement ce qui irrite parfois quelques envieux. « On a les moyens proches d’une équipe pro à un niveau Junior avec deux voitures et un camion. On est très jalousés. Qui plus est avec FDJ.fr marqué sur le maillot maintenant, note Alexandre Chenivesse. Je n’ai pourtant pas la volonté d’avoir l’équipe de France chez nous. Je pourrais, mais je ne fais aucun démarchage. Il y a des coureurs de très bon niveau chez les Cadets ou en Junior 1 que je ne prends pas. Parce que je sais que quelque chose ne conviendra pas. On suscite aussi l’incompréhension puisque nous ne sommes ni une structure fédérale, ni un club. On est considéré comme un OVNI, car aucune structure comme la nôtre n’existe. Nous sommes enregistrés comme une association loi de 1901, comme tout club sportif. Mais nous ne dépendons ni du ministère de la Jeunesse et des Sports, ni de la fédération… »
Les choses sont pourtant sur le point d’évoluer. « Nous ne sommes pas affiliés à la fédération, non pas par volonté, mais par besoin d’indépendance, poursuit Alexandre Chenivesse. Nous voudrions trouver une place avec la FFC. Les portes sont en train de s’ouvrir avec le parcours d’excellence sportive que le DTN Vincent Jacquet veut mettre en place. Mais pour l’instant, si nous devons être affiliés à la fédération, nous aurions besoin de monter un club. Les jeunes prennent alors leur licence chez nous et sont dépendants d’un club et d’un comité. Mais nous ne voulons pas et nous ne pouvons pas étant donné que nous avons des coureurs partout en France. » En attendant de régler ce vide juridique, l’équipe vient d’ouvrir son recrutement pour la saison prochaine. Il reste un peu plus de deux mois aux candidats pour postuler au projet. Et on parie qu’ils seront encore nombreux cette année…
L’effectif de la B’Twin U19 Racing Team :
• Axel Audebrand (Junior 1)
• Maxime Derouint (Junior 2)
• Sandy Dujardin (Junior 1)
• Etienne Fabre (Junior 2)
• David Gaudu (Junior 2)
• Simon Guglielmi (Junior 1)
• Pierre Idjouadiene (Junior 2)
• Anthony Kuentz (Junior 2)
• Valentin Madouas (Junior 2)
• Arthur Pennetier (Junior 2)
• Nathan Pernot (Junior 2)
• Antoine Petit (Junior 1)
• Arnaud Pfrimmer (Junior 2)
• Teddy Rascle (Junior 2)
• Jules Roueil (Junior 2)
• Damien Touze (Junior 2)