Yoann, tu performes depuis le début de la saison et ton retour chez les amateurs après trois années chez les pros de Marseille. Dans quel état d’esprit as-tu abordé cette saison ?
J’ai su assez tôt que je ne ferais plus partie du peloton professionnel en 2016. Ça m’a laissé le temps de réfléchir et j’ai vite tourné la page une fois quitté le maillot de Marseille en janvier. Je voulais rebondir. J’ai donc réalisé une bonne préparation hivernale avec Stéphane Bauchaud, le DS du Top 16 et mon entraîneur de toujours. Dès l’Essor Basque, j’étais déjà en bonne condition, et ça m’a encouragé. Mais je n’aurais pas imaginé être en forme et au-dessus du lot dès le début d’année. Ça n’a fait que renforcer ma motivation et mon désir de réaliser une très bonne saison pour repasser au plus vite à l’échelon supérieur.
Tu sors de trois saisons discrètes chez les professionnels. Comment t’expliques-tu de tels résultats à ton retour chez les amateurs ?
La forme était là mais je n’étais pas aussi fort mentalement et physiquement que cette année. De son côté l’équipe ne me faisait peut-être pas assez confiance chez les professionnels. En revenant à l’Océane Top 16, dans un groupe qui m’est familier, où tout le monde me connaît très bien et me fait confiance, qu’il s’agisse des dirigeants ou de mes coéquipiers, j’ai retrouvé une certaine confiance. Aujourd’hui je sais ce que je peux attendre de moi sur telle ou telle course. Ce n’était pas le cas chez les professionnels. Il m’arrivait d’y tenter des choses mais j’étais souvent amené à travailler pour le sprint, ce qui m’empêchait d’évaluer mon propre potentiel. Ce que j’espère avoir l’opportunité de faire très prochainement.
Au regard de ton expérience professionnelle, qu’as-tu changé à ta préparation ?
Je me connais mieux que les années passées. Cet hiver, j’ai réalisé une dizaine de cyclo-cross, comme j’ai l’habitude de le faire. Sur la lancée, j’ai fait la préparation route. Mais surtout je pense en avoir moins fait que chez les professionnels. Ou du moins différemment.
Comment ça ?
Les années passées, quand mon entraîneur me disait de faire quelque chose, j’en faisais plus. Et j’arrivais un peu crâmé sur les courses. Je me cherchais trop à l’entraînement. J’avais tendance à faire beaucoup de foncier l’hiver au détriment des intensités. En redescendant chez les amateurs, j’ai pris conscience de la nécessité de faire des intensités. Désormais j’arrive mieux à cibler les bons objectifs, à faire des intensités à l’entraînement, à me faire mal, pour arriver sur les courses avec des sensations et en ayant pris le temps de récupérer la semaine. Je me suis aussi remis à préparer les contre-la-montre, ce que j’avais un peu négligés en passant chez les professionnels.
Est-ce ce qui explique ton incapacité à concrétiser dans les contre-la-montre chez les professionnels, quand tu faisais partie des meilleurs Espoirs mondiaux en la matière ?
Disons que je me concentrais davantage sur les courses sur route, du type Coupes de France, pour répondre aux attentes de l’équipe. Je n’avais jamais le vélo de contre-la-montre à la maison, si bien que j’ai négligé cet entraînement spécifique. Je faisais de la route toute la semaine, je ne prenais le vélo de chrono que la veille de la course, ce qui était compliqué pour y faire un résultat.
Comment travailles-tu spécifiquement cette discipline ?
J’ai retrouvé au Top 16 un vélo de contre-la-montre qui me correspond bien, avec la bonne position. Pour bien préparer le contre-la-montre, il faut vraiment monter dessus au moins deux fois par semaine pour habituer les muscles à l’effort solitaire, et faire du derrière scooter. En vue de la Boucle de l’Artois, je me suis préparé trois semaines, un mois à l’avance. J’ai aussi fait les sorties de récupération sur le vélo de chrono. Ça m’a permis de bien remonter la pente et de retrouver le niveau que j’avais par le passé (NDLR : 1er du Championnat d’Europe Espoirs 2001 devant Jungels, 3ème du Championnat de France 2012 à 21 ans derrière Chavanel et Roy, 2ème du Championnat du Monde Espoirs 2013 derrière Howson).
Ce retour à la victoire, à la Boucle de l’Artois ce week-end mais aussi au Circuit de l’Essor en février, doit te faire le plus grand bien…
C’est sûr. Il y avait des années que je n’avais plus levé les bras, et quand je gagnais chez les amateurs c’était souvent sur des contre-la-montre. J’étais placé aux classements généraux mais la victoire n’était jamais là. Ouvrir le compteur aussi vite en levant les bras sur une Elite dès le début de saison m’a débloqué et permis de savoir où j’en étais.
Dans la perspective de retrouver ta place chez les pros en 2017, comment as-tu pensé ta saison 2016 ?
Dans la tête, je sais que toutes les courses sont bonnes à prendre et que je suis capable de faire quelque chose même quand les sensations ne sont pas là. Je me suis classé dans le Top 10 de la grande majorité des courses auxquelles j’ai pris part cette saison. Je suis rarement passé à travers. Je n’imaginais pas être aussi proche de la gagne à chaque fois, ça m’a fait un gros début de saison. J’ai à cœur de marcher tous les week-ends, même si certaines courses sont plus importantes que d’autres. Je pense au Championnat de France, mais aussi aux manches de la Coupe de France. C’est là que je veux briller, pour moi et pour l’équipe, qui dispose d’un bon collectif avec lequel nous voulons marquer un maximum de points.
Un collectif dans lequel on te sent épanoui. Qu’attend-on de toi et de Clément Saint-Martin, redescendu lui aussi des rangs marseillais, pour que vous vous inscriviez à nouveau dans cette phase de progression ?
Clément et moi partageons un rôle de leader et de capitaine de route. J’essaie d’aider au mieux les jeunes de l’équipe pour leur permettre de courir placés. Ce sont des choses que j’ai apprises chez les professionnels. J’arrive mieux à frotter que je ne le faisais par le passé. Je cours placé et je sens mieux la course. Ça permet d’être toujours dans les bons coups. C’est le collectif et le boulot des uns et des autres qui m’a permis de gagner la Boucle de l’Artois ce week-end.
Propos recueillis le 5 avril 2016.