Samuel, peux-tu te présenter et nous raconter ta carrière particulière et ton évolution dans le cyclisme ?
Je me nomme Samuel Plouhinec, j’ai 36 ans et je suis né au Mans dans la Sarthe. J’ai débuté le cyclisme au Club Olympique de Pontlieue au Mans de minime à Junior. J’ai ensuite rejoint les rangs de Vendée U pour mes deux premières années espoirs avant de passer professionnel au sein de l’équipe Cofidis. Lors de ma seconde année professionnelle, j’ai subi un grave accident au Tour de l’Ain (fractures des vertèbres). Mon contrat n’ayant pas été renouvelé, j’ai été contraint de redescendre amateur le temps de la rééducation. En 2000, c’est l’équipe Jean Delatour qui me fait signer un nouveau contrat professionnel mais l’aventure ne durera qu’un an et demi, les séquelles de mon accident m’empêchant de retrouver mon niveau. Je retourne chez les amateurs en 2002 et 2003 à Aix en Provence. Je serai écarté des pelotons pendant un an et demi, de août 2003 à avril 2005, à la suite d’une tendinite au tendon d’Achille que je n’arrivais pas à soigner.
Ayant signé dans l’équipe Jean Floc’h en 2004, je retrouve les compétitions en 2005 au sein de la même structure qui était passée entre temps à l’échelon supérieur (équipe continentale). J’ai ensuite intégré l’équipe Agritubel en 2006 et 2007. Les 3 saisons suivantes se feront dans l’équipe Véranda Rideau Sarthe. Fauché par une voiture en janvier 2010 (triple fracture du genou), je suis contraint de passer un an en rééducation avant de pouvoir de nouveau courir en 2011 dans la même équipe. Je suis actuellement licencié au Team PELTRAX-CS Dammarie-Les-Lys.
Alors que tu étais en vacances dans le sud de la France, tu as remporté une nouvelle victoire lors du GP d’Argelliers dans l’Hérault. C’était une course de reprise pour la suite de la saison après une coupure ?
Après Paris-Auxerre, je suis descendu en famille dans le sud de la France où le temps était beaucoup plus clément que par chez moi. J’ai coupé un week-end sans compétition, malgré tout je me suis quasiment entraîné tous les jours. J’ai fait ma reprise à Argelliers où je remporte ma 19 ème victoire de la saison.
Toi qui court tous les WE, après cette course d’Argelliers, quel regard portes-tu sur le cyclisme languedocien, son niveau, le calendrier de course et ses structures ?
J’aime beaucoup la région du Languedoc Roussillon, les parcours et le climat sont idéals pour la pratique du vélo. Malheureusement, il y a peu de compétitions et aucun clubs de haut niveau (DN1) pour permettre aux meilleurs jeunes de la région de progresser, ce qui les obligent à rejoindre des clubs hors comité. Un club phare permettrait certainement de conserver les jeunes talents du territoire et assurerait leur éclosion au plus haut niveau.
Quelques semaines après le Championnat de France à Saint-Amand-les-Eaux, quelle analyse fais-tu de ta course, ton point de vue sur l’épreuve et le vainqueur ?
En ce qui me concerne, ma course ne fut pas très passionnante. Je suis resté sur ma faim, le parcours dénué de difficultés, il était quasiment impossible de sortir du peloton tant l’allure était rapide. Malgré cela, une échappée a réussi a se faire la belle dans les derniers tours pour se jouer le titre au sprint. C’est le jeune coureur, Jimmy Raibaud (CR4C Roanne) qui en sort vainqueur en alignant des coureurs rapides comme Cyrille Patoux. Avant cette épreuve, je ne le connaissais pas mais entre temps, j’ai eu l’occasion de courir avec lui au Grand Prix de Cours-La-Ville où il m’a fait une belle impression. Pour conclure, je dirai que c’était un championnat bien fade mais avec un beau vainqueur.
Pour cette saison 2012, tu abordes les couleurs du Team Peltrax. Peux-tu nous présenter ce club familial, son origine, son avenir, son projet de DN3 pour l’année 2013 ?
Le Club Sportif de Dammarie-Les-Lys, crée en 1921 est le plus ancien club Seine et Marnais. Dans les années 1980, les coureurs du CSD trustaient régulièrement les podiums des classiques parisiennes. Pas moins de 26 coureurs sont passés professionnels de 1985 à 2010. Plusieurs coureurs de renoms ont marqué l’histoire du club avec Johnny Weltz, Dan Frost, Alex Pedersen, Mickaële Anderson, Jesper Skibby, Brian Holm, Lars Michaelsen, Enzo Mattioda, Christophe Capelle… et plus récemment Benoit Sinner et Stéphane Rossetto. Le président Jean-Pierre Arnaud n’est autre que mon beau-père et il souhaite monter une DN3 pour la saison suivante.
Fin 2011, lorsque la structure Véranda Rideau a évolué à l’ échelon professionnel, beaucoup pensaient te revoir dans les pelotons professionnels après ton expérience chez Agritubel. Pourquoi cette séparation alors que tu as été à l’origine de cette équipe ?
Je me suis déjà expliqué à maintes reprises à ce sujet, je n’ ai pas accepté les décisions internes de mon équipe lors du Championnat de France 2011. A la suite de cette course, j’ai décidé de les quitter et je ne regrette en aucun cas mon choix.
Sur le podium du Championnat de France amateur 2011, après ta défaite face à ton équipier Freddy Bichot, on t’a vu déçu voire amer. Un an après les faits, que gardes-tu comme souvenir de cette course, quel est ton sentiment sur cette course ?
Je ne retiendrai que le meilleur de ce jour là, c’est-à-dire la condition physique exceptionnelle que j’avais.
A 36 ans, tu fais partie des doyens du peloton amateur mais tu restes incontestablement un coureur de grande classe, très performant. Quelles sont tes motivations à poursuivre ta carrière ? eT Quel regard portes-tu sur l’évolution du cyclisme amateur ?
Le cyclisme est ma passion, c’est ma première motivation pour poursuivre ma carrière. La seconde, c’est la compétition, j’ai toujours eu cette culture de la gagne et c’est ce qui me motive en course. Depuis mes débuts, le peloton amateur a nettement évolué. Je me souviens que lorsque j’étais redescendu chez les amateurs en 2002, je trouvais que le niveau avait baissé mais en l’espace de 10 ans cela s’est inversé, les équipes se sont structurées et professionnalisées, certains club de DN1 sont aussi compétitifs que des équipes continentales françaises. Un autre point, moins réjouissant, est le manque de compétitions. Les courses de clochers se meurent ! La conjoncture y est certainement pour quelque chose, il est de plus en plus difficile d’organiser des courses. Si on revient 40 ans en arrière, les coureurs avaient le choix de courir dans leur département respectif tous les week-end. Maintenant faire 3 heures de voiture pour se rendre sur une compétition est quotidien. Je trouve cela bien dommage car les compétitions de moindre niveau, c’est la base… avant de gagner des grandes courses, on en gagne des petites.
Tu as eu l’opportunité d’être professionnel au sein de la structure française Agritubel. Quels souvenirs gardes-tu de ces années ? Des regrets ? Et quel est ton meilleur souvenir de cette période ?
Je ne garde pas de très bons souvenirs de mes années professionnelles. Trop d’accidents ont stoppé ma carrière à plusieurs reprises, je n’ai pas eu l’opportunité d’exprimer tout mon potentiel. Mon meilleur souvenir est sans contexte ma première victoire au Tour de L’Ain un an, jour pour jour, après mon accident chez Cofidis.
Comment envisages-tu désormais ton avenir à l’ issue de ta carrière de coureur ? Te vois-tu directeur sportif, président de club, éducateur-encadrant, hors du milieu cycliste ?
Avant ma séparation avec Véranda Rideau, il était prévu que j’accompagne l’équipe quelques temps dans les rangs continental puis que j’intègre le staff par la suite. A l’heure actuelle, je ne suis pas encore fixé sur mon avenir.
Si tu avais l’opportunité de changer ou modifier une chose, un moment, une étape dans ta carrière, une décision, quelle serait-elle ?
Evidemment, éviter tous les accidents qui ont entre-coupé ma carrière
Après tant d’années de pratique, comment t’entraînes-tu ? Utilises-tu du matériel technologique (capteurs de puissance…) ou marches-tu aux sensations ? Et privilégies-tu l’entraînement qualitatif ou quantitafif avec par exemples des stages d’avant-saison ?
J’ai utilisé toutes les innovations technologiques (dernièrement capteur de puissance) mais pour finir, je préfère m’ entraîner aux sensations, je me connais par coeur et je n’ai pas besoin d’entraîneur personnel. Pendant la période hivernale, je délaisse le vélo environ 1 mois et demi, en contre-partie, je fais entre 10 et 12 km de natation par semaine. C’est le seul sport que je peux pratiquer en dehors du vélo suite à ma blessure au genou. Ma reprise sur la route se fait mi-novembre par de longues sorties de foncier et des séances de musculation sur le vélo. A l’approche des premières compétitions, je commence a effectuer des intensités. En règle général, je descends dans le sud de la France faire un petit stage avant les premières courses et j’épingle mon premier dossard avec environ 5000 km dans les jambes.
Quel souvenir gardes-tu du Tour de France auquel tu as participé ?
J’ai participé au Tour de France en 2006 au sein de l’équipe Agritubel. J’avais chuté une semaine auparavant au Championnat de France, j’ai pris le départ du Tour avec une fissure au niveau du grand trochanter (hanche) et cela s’est transformé en hématome osseux au fil des étapes. J’ai traîné ma misère pendant 12 jours avant d’abandonner.
Comment réagirais-tu si un enfant te dit « je veux faire du vélo et devenir professionnel ». Vas-tu l’encourager ou l’orienter vers un sport moins dénigré ou moins difficile ?
Si le môme est passionné, je l’encourage à fond. Quand on aime le vélo, on fait abstraction de toute ce dénigrement qu’il y a autour de ce sport et on fait face aux difficultés de sa pratique.
Enfin, quel est ton programme à venir Samuel ?
Dans une semaine, je vais participer aux 24 heures vélo du Mans. Mondovélo a engagé 2 équipes, une composée de Stéphane Rossetto, François Lamiraud, Albain Cormier et moi-même. L’autre de Laurent Brochard, Pascal Chanteur, Christophe Agnolutto, Gilles Maignan, Fabrice Gougot et Cédric Coutouly. Le prestige du circuit du Mans donne une très forte attractivité à cette épreuve d’endurance en relais, une approche différente de la course du dimanche, plus ludique mais malgré tout difficile et tactique avec les stratégies de relais avec changement de pilote. Je suis impatient d’y participer et j’espère prendre beaucoup de plaisir à rouler sur ce circuit mythique avec mes équipiers.
Propos recueillis par Jean-Baptiste Trauchessec.