Nans, tu viens de réaliser un début de saison plutôt époustouflant, t’attendais-tu à une telle réussite au vu de la préparation réalisée cet hiver ?
Je ne m’attendais pas à être à ce niveau dès le début de saison, n’ayant pas prévu de pic de forme à cette époque de l’année. Je sais cependant que j’ai fait beaucoup moins de cyclo-cross que les hivers passés. Quand d’habitude j’allais jusqu’au Championnat de France avant de faire une coupure de quinze jours mi-janvier, je n’ai couru cette fois que cinq cyclo-cross. J’arrivais auparavant beaucoup plus tard dans la saison pour n’arriver en forme qu’à l’été. Cet hiver, j’ai fait ma coupure mi-octobre, réalisé un cycle de Préparation Physique Générale jusque fin décembre et de foncier de janvier à mi-février. Mais pas de spécifique.
Pourquoi avoir choisi de moins courir en cross cet hiver ?
Je me posais des questions depuis deux ans sur l’intérêt de poursuivre cette discipline que j’adore néanmoins. En soi, elle ne m’apporte rien alors que sur route je peux nourrir l’espoir de passer à l’échelon supérieur. Et je souhaite m’en donner les moyens cette année.
Entamer la saison sur deux victoires au Tour de l’Ardèche Méridionale puis sur une 2ème place au Grand Prix du Pays d’Aix, ça met tout de suite sur de bons rails…
Ça met en confiance, c’est sûr. Moi comme l’équipe qui a fait un quintuplé dès sa rentrée. Nous avons été présents sur les trois premières courses, ça nous a tous motivés. Mieux vaut entamer la saison dans cet esprit que d’attendre fiévreusement une première victoire. Gagner tôt, c’est une libération. Dès le premier week-end de mars, nous courons déjà plus librement et c’est agréable.
Le Chambéry Cyclisme Formation a pris la tête de la Coupe de France dès son ouverture. Comment expliques-tu l’excellente mise en route du groupe ?
Il y a eu un gros renouvellement de l’effectif cet hiver mais le groupe s’est tout de suite soudé. Nous avons une très bonne dynamique de groupe. Nous nous entendons tous très bien. Notre effectif est plus jeune, avec cinq Espoirs 1. Et personne ne se prend la tête. Nous n’avons pas de personnalité individualiste comme on a pu en avoir certaines années ou de coureur qui se mette trop la pression à vouloir passer pro. Je pense par exemple à Jules Pijourlet qui voulait s’imposer leader en 2013 ou Maxime Le Lavandier qui courait beaucoup pour lui.
En tant qu’Espoir 3 présent au CCF depuis 2013, tu fais partie des cadres. Quel est le rôle qui t’a été confié ?
On ne m’a pas attribué de rôle, ça se fait un peu tout seul. Quand un Espoir 1 a une question, il se tourne plus facilement vers François Bidard, qui a de l’expérience, Nico Denz, Benjamin Jasserand ou moi, qui sommes là depuis trois ans. Nous sommes les « anciens » sans être les leaders attitrés. Nous sommes plus capitaines de route, mais les rôles tournent et chacun a sa chance.
Tu as fait tes années Juniors au Chambéry Cyclisme Compétition et intégré en parallèle la b’Twin U19 Racing Team, qu’est-ce que t’a enseigné cette expérience ?
C’est surtout professionnellement que ça m’a apporté. Je suis passionné de mécanique et je suis un DUT Sciences et Génie des Matériaux dans l’optique de devenir concepteur cycles. C’est dans ce but que j’ai intégré la U19. Ce qui m’intéressait dans ce projet, ce sont les retours de test, les liens avec les ingénieurs, les chefs de produit de b’Twin et des marques partenaires. Je suis très attaché au matériel. J’adore faire la mécanique. Souvent des potes me ramènent leur vélo, je le leur remets en état.
En arrivant chez les Espoirs en 2013, tu as intégré le Chambéry Cyclisme Formation, qu’est-ce qui t’a séduit dans cette structure ?
A la sortie de Juniors, la DN1 me faisait un peu peur. J’avais peur que la transition soit trop brutale. Je pensais davantage intégrer une DN2 ou DN3 mais mon directeur sportif Clément Dupuis, qui connaissait bien la structure, a estimé que c’était ce qui me correspondait le mieux. Le Chambéry Cyclisme Formation ne crâme pas les coureurs sortis de Juniors. Je lui ai fait confiance, c’était dans un sens la suite logique du CCC.
Et cela te permet en parallèle de bénéficier d’un emploi du temps aménagé pour poursuivre tes études. Comment s’organise la vie au centre ?
Je fais mon DUT sur trois ans au lieu de deux. J’ai cours tous les matins du lundi au vendredi, ce qui me permet d’aller rouler tous les après-midis, la plupart du temps en collectif, suivi par l’entraîneur du club ou un directeur sportif. On roule seuls s’il s’agit d’une sortie de récupération ou de déblocage, mais les sorties foncières, de seuil ou de sprint se font en groupe. A Chambéry, nous sommes répartis sur cinq appartements, par deux ou trois – personnellement je suis avec Julien Roux – et dans le même immeuble. Cette unité de lieu nous permet de nous rassembler plus facilement pour les entraînements.
C’est aussi un gros plus en termes de cohésion…
Nous faisons tout ensemble : on va à l’école ensemble, on sort ensemble l’hiver, on mange ensemble, on se connaît tous très bien et au-delà du vélo. C’est un gros avantage par rapport aux autres clubs, qui n’ont bien souvent l’occasion de se côtoyer vraiment l’hiver que durant une ou deux semaines de stage. Cette cohésion qui nous caractérise fait notre force par rapport aux autres équipes.
Tu le précisais plus haut : tu n’as pas encore atteint ton premier pic de forme. Quand l’as-tu programmé ?
Fin mars, il y aura les deux Coupes de France en Bretagne puis ou bien la Coupe des Nations si je suis retenu en équipe de France, ou bien des Classes 2 en Italie avec le club. Du 28 mars jusqu’à Liège-Bastogne-Liège Espoirs, le 18 avril, c’est une grosse période durant laquelle il faudra être présent. Après, j’espère marcher au mois d’août pour le Championnat de France Espoirs. Entre les deux, je serai en stage chez b’Twin trois mois à Lille en avril, mai, juin. Je ne vais pas pouvoir monter de cols, ce qui impliquera d’autres objectifs.
Par quoi devra impérativement passer ta saison pour rejoindre les pros en 2016 ?
Un passage chez les pros, beaucoup m’en parlent depuis ma belle fin de saison 2014. Je mets toutes les chances de mon côté cette saison. Ça ne passera pas nécessairement par beaucoup de victoires, mais des succès sur des grosses courses : Coupes de France ou Classes 2. Maintenant, je ne cours pas pour passer professionnel. Je cours pour gagner, et si j’y parviens la suite logique sera de passer pro. Je ne veux pas me mettre la pression comme j’ai vu certains se la mettre et quitter le CCF sans passer pros. Je veux continuer à courir librement, sans pression, penser à la course sans spéculer sur ce qu’elle engendrera.
Propos recueillis le 5 mars 2015.