Jean-Philippe, vous revenez en Auvergne après avoir été directeur technique au Cameroun, peut-on dire que c’est un retour aux sources ?
Oui c’est un retour aux sources ou la continuation d’une chose entamée il y a une dizaine d’années avec l’équipe Besson Chaussures. On reste avec les mêmes amis, la même région. On relance un projet qui existait à une certaine époque, qui s’est calmé et qui repart de plus belle.
Auriez-vous pu revenir dans une autre équipe ?
Éventuellement, j’ai même eu cette année deux ou trois propositions de comités extérieurs. Mais ma région c’est l’Auvergne. J’aime ma région. J’aime mon sport, les artisans de l’équipe. J’ai tout pour être motivé dans cette équipe.
Vous êtes aussi intervenu dans le succès de l’équipe en finale de Coupe de France DN3…
Oui, mais on s’était déjà rencontrés avant au Tour d’Auvergne. Mon contrat de directeur technique s’est terminé le 21 mai, au moment où Nicolas Roux et Patrick Bulidon faisaient des projets pour la saison 2013. Je les ai rencontrés. Je les ai approchés et leur ait dit ma disponibilité et mon intérêt pour le projet. De fil en aiguille, on a projeté mon arrivée pour 2013. Du fait que j’étais libre, j’ai commencé le 1er septembre, et le 2 septembre c’était déjà la finale de la Coupe de France DN3 dans laquelle j’ai assisté les coureurs. Peut-être, par chance, nous avons remporté cette finale. Ça a été un élément d’euphorie. Les choses ont continué d’elles-mêmes.
Pensez-vous sincèrement que c’est de la chance ?
Non, je pense que c’est la somme de tous les efforts consentis par l’équipe. Nous étions partis deux jours à l’avance pour repérer le final. Nous étions motivés. Beaucoup d’équipes ayant moins de moyens que nous sont arrivées la veille assez tard. Nous étions à fond dans la course. Peut-être que mon arrivée a transcendé les coureurs. Tout ça mis bout à bout a fait notre réussite. Et nous voilà en DN2 la saison prochaine.
Avez-vous pu mettre votre patte sur le recrutement ?
Oui, je suis intervenu, mais en gardant un certain recul. Il y avait un encadrement déjà présent en 2012. Je ne voulais pas bousculer toute la hiérarchie mise en place. J’ai tout de même apporté certaines idées et c’est vrai qu’on a modulé l’équipe mais avec beaucoup de retenue. On ne voulait pas casser un groupe existant, une motivation, une façon d’être. On voulait faire évoluer l’équipe mais sans changer les tenants et les aboutissants afin de continuer de progresser. Sans aller trop vite. Il faut aller marche par marche. Ça ne sert à rien d’en monter trois d’un coup.
Quelles en ont été les grandes lignes ?
Nous avons une base de coureurs auvergnats qui étaient tous en 2ème catégorie il y a deux ans et qui sont montés en 1ère l’an dernier. Nicolas Roux et Patrick Bulidon ont créé cette équipe en DN3 pour aider les jeunes cyclistes auvergnats à rester sur place. Ils sont montés en DN2. Ils vont tutoyer l’élite. L’an prochain, nous aurons un calendrier qui sera beaucoup plus étoffé. L’effectif 2012 n’avait pas encore l’expérience suffisante pour affronter des équipes de DN1 sur quatre ou cinq jours. Il nous fallait des capitaines de route qui soient en relation avec moi. Je ferai le briefing avant le départ. Mais quand la course est lancée, il me faut deux ou trois coureurs qui soient là pour canaliser les jeunes. Des membres comme Sébastien Fournet-Fayard ou François Lamiraud seront coureurs, mais aussi quelque part des membres de l’encadrement car ils auront une mission dans le peloton pour que les jeunes apprennent un peu plus vite le métier. Nous allons les faire progresser au niveau physique et stratégique. Une fois qu’ils auront le physique pour supporter ces épreuves-là et la connaissance des courses cyclistes, nous aurons dans le groupe des coureurs qui peuvent faire de beaux champions.
François Lamiraud sera-t-il aussi en charge de l’entraînement ?
François va s’occuper des programmes d’entraînement, même si notre entraîneur Quentin Leplat est salarié à mi-temps. Ils travaillaient déjà ensemble. Donc il va intervenir auprès des plans d’entraînement pour les jeunes coureurs de l’équipe et donnera son idée en complémentarité avec Quentin Leplat.
Tous les coureurs devront-ils passer par l’entraîneur du club ?
Certains travaillent déjà avec des entraîneurs personnels. On ne va pas tout chambouler. Mais si tout ne se passe pas comme prévu avec leur entraîneur personnel, ils auront tout ce qu’il faut en interne. Même s’ils ont un entraîneur personnel, il faudra qu’ils aient un contact permanent avec Quentin Leplat qui évaluera leur progression.
L’an prochain vous accueillerez deux coureurs estoniens…
C’est un concours de circonstances. Nous voulions rester avec des coureurs auvergnats. Nous avions pensé à deux coureurs, Alexis Dulin et François Bidard, que nous aurions souhaité avoir dans l’équipe. Mais ils ont préféré Roanne et Etupes. Dans l’effectif, nous avions encore deux places. Nous voulions deux jeunes coureurs. Nous étions en contact avec de très grands coureurs. Mais certains avaient une réputation qui ne rentre pas dans le cadre du cyclisme actuel. Et Rein Taaramae, qui a débuté avec moi à la Roue d’Or Saint-Amandinoise, m’a appelé un jour en me disant qu’il y avait deux jeunes coureurs estoniens qui voulaient venir en France. Il savait que je devenais directeur sportif d’une équipe et il voulait savoir si je pouvais les accueillir. Lui interviendrait dans leur suivi. Ils arrivent cette semaine et seront à Monaco pour s’entraîner avec lui. On en a discuté. Au départ, on n’était pas forcément pour recruter des coureurs étrangers. Les deux dernières places seront donc pour deux jeunes estoniens de 18 et 19 ans.
Vous vous réunissez très tôt. Vos objectifs se situent-ils avant tout en début de saison ?
Il n’y pas de secret : il faut avoir un temps d’avance dans le cyclisme. On a voulu faire un premier stage de cohésion. Nous allons faire un autre stage d’une semaine au mois de janvier et on va attaquer un bon mois de février avec déjà huit courses de prévues. Le mois de mars sera aussi très important avec le Circuit du Bédat, le Circuit des Quatre Cantons, toujours en Auvergne la semaine suivante, et le lendemain, la première épreuve de Coupe de France, le Tour du Pays Saint-Pourcinois et la semaine suivante la Durtorccha. Nous avons quatre courses qui sont très importantes pour nous. Et une semaine plus tard, nous aurons le Souvenir René Jamon, une épreuve que nous organisons. Donc cinq week-ends qui se dérouleront chez nous et comme nous serons l’équipe que tout le monde attend nous n’avons pas le droit de ne pas être bons. Même si on sait que le cyclisme n’est pas une science exacte, on se doit d’être aux avant-postes.
Comment comptez-vous tirer votre épingle du jeu face aux grosses armadas ?
C’est simple : en travaillant et en n’ayant peur de personne. Tout le monde a débuté en cherchant sa réelle valeur. Nous cherchons la nôtre. Nous savons que dans nos quinze coureurs, certains ont eu des résultats. D’autres, en les ayant observés, peuvent avoir des résultats. Donc si on crée une bonne dynamique avec un bon suivi… Ce que l’on souhaite c’est faire partie du paysage du cyclisme, prendre nos responsabilités. Si on loupe une échappée, mes coureurs iront en tête de peloton et prendront la course en main pour montrer qu’on fait partie du paysage du cyclisme. En travaillant comme ça, c’est obligatoire que sur ces quinze coureurs certains viennent à percer.
Vous vous voulez porte-parole du cyclisme auvergnat, cela vous met-il une pression particulière ?
Non aucune. Il y a une logique dans le cyclisme. Si on la suit, ça va se passer tout seul. Mais on ne sait pas jusqu’où on peut aller. On n’a pas de pression. Les coureurs n’en ont pas. La pression, ça ne sert à rien. Ils sont là parce qu’ils aiment le cyclisme, ils aiment gagner. Nous on va leur donner l’envie de gagner, leur donner les armes pour. Mais après ce n’est que du sport, ça ne changera pas la vie.
Y a-t-il une épreuve de Coupe de France qui vous tienne plus particulièrement à cœur ?
Le classement final est fait sur les six manches. Nous allons les programmer toute l’année. Les six manches ont la même importance. Notre ambition, même si on ne veut pas mettre de pression, est de monter en DN1. Si on peut le faire, on fera tout pour.
Vous serez aux Championnats de France à Lannilis, vous connaissez le parcours ?
J’ai fait le Tro Bro Leon comme directeur sportif. Je connais bien le final. Lannilis c’est une terre de vélo, ce sera un Championnat de France magnifique. Nous n’aurons que deux coureurs au départ. On les préparera comme il faut. Dans un Championnat de France, on ne sait jamais. Cette année Jimmy Raibaud a gagné. On ne l’attendait pas spécialement. Pourquoi pas l’an prochain un François Lamiraud, un Sébastien Fournet-Fayard ou un jeune.
A l’heure actuelle, comment se porte le cyclisme africain ?
Le cyclisme africain est en pleine évolution. C’est un cyclisme que j’adore. Certaines nations arrivent à envoyer leur coureur en Europe pour qu’ils passent éventuellement pros. Les Erythréens le font très bien. En l’espace de cinq-six ans, ils parviennent à avoir deux coureurs professionnels et deux très bons coureurs. Parmi les coureurs camerounais dont je m’occupais, certains ont un très bon niveau. Il y en a un ou deux que je pourrais très bien intégrer dans le Team Pro Immo, et ils tiendraient la route. Mais ils n’arrivent pas à avoir de visas pour venir. C’est difficile pour aller chercher les champions et il y en a. Mais certains pays sont vraiment trop bloqués.
Quelles sont les nations-phares ?
Les Erythréens, les Marocains, les Tunisiens. L’Afrique du Sud aussi. Au niveau de l’Afrique noire et de l’Afrique centrale, le Cameroun vit très bien. Même si c’est un cyclisme interne, le cyclisme est très populaire. Le Burkina Faso est un peu dans le même style. La Côte d’Ivoire également. Mais toutes ces nations stagnent quand même.
Le principal problème n’est-il pas le manque de confrontation ?
J’organisais le Tour du Cameroun et le Grand Prix Chantal Biya. J’invitais à chaque fois quatre ou cinq équipes européennes de 2ème catégorie pour que le niveau soit équilibré. Il y a un travail en profondeur à faire. J’ai pris beaucoup de plaisir. J’en reprendrai la semaine prochaine car je retourne là-bas pour voir l’évolution des coureurs. C’est dommage, on perd des opportunités avec des grands coureurs qui resteront là-bas et qui ne viendront jamais en Europe. Mais il faut arriver à les sortir du continent.
Propos recueillis à Bedoin le 17 novembre 2012.