Reconnu plusieurs saisons comme le meilleur amateur français, le Roannais Benoît Luminet avait pris sa retraite en fin de saison 2011, à 37 ans, après avoir remporté plusieurs courses Elites, les plus prestigieuses. Loin de lui un semblant de déclin, il avait décidé de laisser le peloton dans son dos, de le quitter par l’avant, à l’image de sa dernière victoire au Grand Prix des Foires d’Orval, où il a signé sa 149ème victoire Elite ! Mais n’allez pas croire que Lulu allait remiser son fidèle Look, loin de là ! Même si les poils aux pattes sont venus réchauffer ses guibolles toujours affûtées, l’expérimenté grimpeur s’entretient régulièrement en partageant les sorties de la DN1 du CR4C, son club de cœur qui lui a tant donné et à qui il a tant apporté ! Rencontre avec celui qui œuvre désormais dans l’ombre au profit des jeunes du CR4C Roanne.
Benoît, on t’a retrouvé dimanche au départ de la Scott 1000 Bosses, dont le départ a été annulé à la suite des intempéries. Comment juges-tu une telle décision ?
C’est une sage décision, une décision responsable vu l’état des routes, la pluie, le vent. Ce n’est pas une décision facile à prendre, je pense que plusieurs cyclistes en ont été attristés mais la sagesse l’a emporté heureusement, alors on va se donner rendez-vous en 2013.
Te revoilà avec un dossard sur le dos alors que tu as pris ta « retraite » fin 2011. Quelles sont tes motivations et tes objectifs ?
J’emploie un terme qui fait beaucoup sourire mais à présent je suis « un poil aux pattes » avec, soyons honnête, quelques kilomètres dans les jambes. Mais j’étais là avant tout pour me faire plaisir même si, avec un dossard dans le dos, j’aurais fait la course. Mais ma carrière est derrière moi à présent et c’est par pur plaisir que je prenais le départ, sans pression du résultat et du chrono. Faire des cyclosportives dans un rayon de deux heures de mon domicile, ça me convient parfaitement à présent pour garder la forme et m’entretenir.
En 2012, Benoît Luminet sera donc cyclosportif ?
Oui, même s’il n’y a rien de programmé. Tout se fera selon mon humeur, mes envies, ma disponibilité. Pour le moment je sais juste que le 8 mai je serai à Tournus sur la Bourguignonne. Je prendrai aussi le départ de la Look, vu nos relations avec le CR4C. Pour la suite, c’est à voir… La seule chose, c’est qu’à présent je vais regarder un peu plus attentivement la météo !
Tu as quitté les pelotons Elites fin 2011 mais on t’imagine mal loin de ce milieu, quelles sont tes occupations actuellement ?
Comme beaucoup le savent, j’ai été licencié durant vingt ans au CR4C Roanne. J’ai arrêté en octobre 2011. De suite, j’ai pris une licence de dirigeant dans ce club et je me suis occupé des relations coureurs/dirigeants, directeurs sportifs/coureurs, je fais un peu le tampon. Je me suis investi aussi dans le recrutement avec la venue de David Menut, Thomas Girard… et la planification des courses 2012 pour les coureurs. Mon domaine est assez large, assez vague, et ça me convient parfaitement, mais je ne suis pas là pour prendre la place de quelqu’un.
Le CR4C de Roanne est une place-forte du cyclisme amateur français. Outre la DN1 qui est votre vitrine, quelle est la politique du club ?
L’équipe DN1 est la vitrine mais on n’oublie pas les jeunes car la moyenne d’âge de l’effectif est de 21 ans. On peut difficilement faire plus jeune à ce niveau. La nouveauté 2012 est la création d’une équipe Juniors autour du Roannais Romain Faussurier, le champion de France Juniors. Avec un tel coureur local, le club se devait de mettre en place une équipe de jeunes autour de lui. D’ailleurs l’effectif est composé majoritairement de jeunes coureurs de la région de Roanne, du département de la Loire. A priori c’est une bande de copains et les résultats n’en sont que meilleurs. Il y a aussi une équipe Espoirs et sept ou huit coureurs de plus de 23 ans, aguerris. Voilà la formule 2012 du CR4C.
Un club phare comme le CR4C est-il orienté vers les nouvelles méthodes d’entraînement optimisées par un encadrement expérimenté ?
Le club dispose d’un entraîneur à plein-temps, Vincent Guérin. C’est aussi le directeur sportif des Juniors et des Espoirs. Bien entendu on travaille avec des capteurs de puissance, des SRM ou des Powertap, c’est un passage obligé, c’est l’avenir de l’entraînement. Mais je suis de l’ancienne génération, j’ai peu connu toute cette technologie et je reste convaincu qu’il ne faut pas oublier de temps en temps de rouler aux sensations, se vider la tête, débranché de ces ordinateurs ! Ça peut faire du bien aussi.
Benoît Luminet, c’est vingt ans de vie consacrée au vélo, ça laisse des souvenirs, des joies, des regrets aussi ?
En 1992, j’étais dans la catégorie Juniors et j’ai intégré l’équipe de France. Dès 1993 j’étais en 1ère catégorie et je me suis licencié au CR4C Roanne. J’y suis resté fidèle de 1993 à 2011, même s’il y a eu un intermède de deux saisons à Châtillon où j’ai pu m’aguerrir auprès de coureurs chevronnés comme Marc Thévenin ou Denis Jusseau. Puis j’ai eu l’opportunité de passer pro au sein de la formation Besson Chaussures en 1999. J’avais signé un contrat de deux ans. C’est là que j’ai fait un très mauvais choix de carrière, j’ai cassé mon contrat au bout d’une saison ! Voilà… On ne peut pas revenir en arrière mais ça m’a porté préjudice pour toute la suite de ma carrière, surtout dans un petit milieu comme le cyclisme.
C’est ça le regret de ta carrière ?
Oui car j’aurais aimé voir ce que j’avais dans les tripes, ce que j’avais dans la tête, ce que je valais face aux professionnels de mon sport ! Quand on casse un contrat pro, ce qui est rarissime, eh bien on est un peu catalogué pour le restant de sa vie. Mais je plaide coupable, j’ai pris une décision impulsive et je le regrette, même si on me dit souvent que j’ai réalisé une superbe carrière chez les amateurs. J’aurais aimé voir plus haut, faire carrière chez les pros.
Pour quelles raisons on casse un contrat professionnel ?
En 1999 je trouvais que la structure n’était pas à la hauteur de mes espérances. L’équipe Bessons Chaussures avait le mérite d’exister mais avait moins de moyens qu’une structure amateur comme le CR4C Roanne et j’ai trouvé aberrant d’être professionnel et d’avoir moins de moyens que des coureurs amateurs ! En 2000, l’équipe a eu plus de moyens mais j’avais cassé mon contrat en septembre 1999, j’avais pris ma décision, la porte m’était bel et bien fermée.
Il y a eu aussi de très beaux moments de sport, de joie…
Oui, il me faut être objectif, j’ai fait une très belle carrière et j’ai pu gagner, tout en restant modeste, la plupart des belles courses du calendrier français auxquelles j’ai pris part : Cours-la-Ville, Polymultipliée Lyonnaise, Tour d’Alsace… et des courses à étapes majeures. Sans oublier de belles courses reconnues comme la Durtorccha en Auvergne. J’ai pris beaucoup de plaisir à gagner beaucoup de courses en amateurs et j’ai comblé en partie ma déception de mon expérience professionnelle. Puis j’ai eu la chance d’avoir une couverture sociale, d’être salarié durant toutes ces vingt saisons, c’est une chose rare il faut le reconnaître et l’apprécier. A présent j’ai 38 ans, la page que j’ai décidé de tourner se tourne, sans amertume, sans regret. J’ai voulu arrêter tout en étant capable de gagner encore des courses Elites en 1ère catégorie, non pas en déclinant, et je suis parti sur une victoire. C’est un choix pleinement assumé et à présent je me fais plaisir sur quelques cyclosportives car j’aime le vélo.
Après plusieurs années consacrées au vélo, as-tu envie de découvrir et t’investir dans la pratique d’un autre sport ?
Pour faire sourire, peut-être le tennis de table, un sport où on ne subit pas les intempéries !
Propos recueillis par Jean-Baptiste Trauchessec à Grézieu-la-Varenne le 29 avril 2012.