Arnaud, tu es champion du monde Espoirs, comment te sens-tu ?
Je suis vraiment super heureux. J’ai fait une super course. J’ai eu quelques petits problèmes mécaniques à mi-course, j’ai changé deux fois de vélo, mais cela s’est fait très rapidement grâce au mécano Marc Chevènement. La première fois, Angelo Tulik m’attendait, ensuite ce fut Romain Delalot. Aujourd’hui ça a été vraiment une course parfaite. Adrien Petit m’a emmené à la perfection. J’avais totalement confiance lorsque j’étais dans sa roue. Dans les derniers kilomètres nous étions vraiment coordonnés comme si nous ne faisions qu’un.
Comment avez-vous abordé le sprint tous les deux ?
On a viré en 6/7ème position dans le dernier virage, on a ensuite attendu le maximum pour lancer le sprint car c’était un faux-plat assez difficile. Adrien a démarré aux 250 mètres, je le passe aux 100 mètres. Quand je me suis retourné et que j’ai vu que c’était lui qui faisait 2ème, j’étais vraiment super heureux. On avait une grosse pression au départ vu qu’on est tous les deux très rapides et c’est génial de confirmer.
Beaucoup d’équipes semblaient désirer le sprint et peu de coups ont pu partir, cela t’a-t-il permis d’avoir une course assez tranquille ?
C’est vrai que beaucoup d’équipes voulaient que ça arrive au sprint, mais en même temps cela demande une bonne cohésion d’équipe et ce n’est pas toujours évident. Nous, on avait confiance en nous et on misait beaucoup sur ce sprint. On n’a donc pas vraiment attaqué sur la fin, préférant aller chercher les attaquants à partir du moment où l’on a compris que ça allait arriver groupé. Après je ne sais pas si on peut parler de course tranquille, parce que ça roulait vraiment vite toute la journée et que même sans grosse difficulté la répétition des faux-plats montants faisait mal aux jambes. De plus j’ai eu des ennuis mécaniques donc ça m’a obligé à faire des efforts assez tôt dans la course.
Tu avais fini 5ème l’an dernier, qu’est-ce qui a fait la différence cette année ?
J’ai gagné en puissance et en maturité. J’ai aussi retenu les leçons de l’année dernière. J’ai attendu vraiment le dernier moment pour lancer mon sprint alors que l’an dernier j’étais parti aux 300 mètres, ce qui était beaucoup trop tôt. J’avais aussi un super poisson-pilote avec Adrien Petit. On se connaît bien, on était ensemble à Nogent, j’étais donc en confiance avant d’entamer le sprint et ça a très bien fonctionné.
Tu as vraiment fait preuve de sang-froid en attendant le dernier moment pour lancer le sprint, c’était à cause du vent de face ?
C’est vrai qu’il y avait un petit vent de face. Adrien a aussi pas mal d’expérience des sprints. Il a l’habitude chez les professionnels de les emmener et aussi de jouer sa carte personnelle. Il a vraiment beaucoup d’expérience sur ce plan-là et je lui ai fait confiance. Attendre le dernier moment nous a permis de prendre les deux premières places.
Tu vires en bonne position dans le dernier virage, tu lances le sprint aux 250 mètres, quand tu l’expliques on a l’impression que tout était planifié d’avance. C’était le cas ?
On savait qu’il ne fallait pas virer en tête et lancer le sprint de trop loin. C’était encore très long après le virage, même avec quatre coureurs pour emmener le sprint cela aurait été vraiment trop juste. On espérait qu’il y ait un train adverse qui prépare le sprint pour que l’on puisse les déborder à la fin. C’est ce qui s’est passé, c’était vraiment l’idéal. Il ne fallait pas non plus être trop loin sinon cela aurait demandé trop d’énergie pour revenir devant. J’ai aussi réussi à rester parfaitement dans la roue d’Adrien, ce qui n’était pas forcément évident, notamment dans le dernier virage. Tout s’est parfaitement déroulé, je n’avais qu’à faire l’ascension dans sa roue et le passer. C’est ce qui s’est passé.
Ressentais-tu la pression peser sur tes épaules au départ ?
Pas forcément. Si je n’avais pas été champion du monde, ma saison aurait quand même été superbe et j’étais assuré de passer professionnel. Mais c’est vrai que c’est formidable, ça vient un peu comme le couronnement de ma carrière amateur et ça m’indique que je dois maintenant passer à autre chose.
Ce maillot, tu ne vas pas beaucoup le porter, qu’est-ce que ça te fait ?
Oui, c’est vrai que malheureusement je ne vais pas beaucoup le porter. Je vais le savourer au maximum sur Paris-Tours Espoirs. Ce sera vraiment génial de porter ce maillot qui était un rêve pour moi.
Le fait d’avoir fait des courses avec la FDJ et d’avoir côtoyé un sprinteur comme Yauheni Hutarovich t’a-t-il aidé à préparer ces Championnats du Monde ?
C’est vrai que j’ai participé à des courses où ça roulait très vite. Chez les professionnels il y a moins d’à-coups, mais j’ai souffert dans la dernière heure de course assez souvent. Ça m’a permis de gagner en endurance. Sur Paris-Bruxelles, qui faisait 220 kilomètres, la dernière demi-heure de course je l’ai faite vraiment dans les roues, à la limite de décrocher du peloton. Le lendemain j’ai enchaîné avec le Grand Pris de Fourmies, où j’étais encore assez bien. Cela m’a permis de vraiment gagner en endurance et aussi en puissance à l’approche des sprints. Ce contrat stagiaire a vraiment été un plus.
Avec quels objectifs arriveras-tu dans le peloton professionnel ?
J’arrive comme un nouveau, je ne me mets pas du tout la pression. Je suis encore jeune, il y a plein de très bons sprinteurs et moi j’ai encore de la cuisse à prendre et de l’expérience à gagner. J’ai été stagiaire en août, j’ai pu voir comment ça courait chez les professionnels. C’est très différent des amateurs. Encore aujourd’hui à 3-4 kilomètres le peloton était toujours très étiré. Chez les amateurs il faut toujours rester placé et c’est assez formateur mais chez les professionnels il faut avoir une caisse supplémentaire car ça va très vite dans les derniers kilomètres. J’ai donc encore des choses à apprendre.
On a l’habitude de distinguer les sprinteurs purs comme Cavendish de routiers-sprinteurs plus complet à l’image d’Hushovd. De quel profil te rapproches-tu le plus ?
Je ne sais pas trop encore. C’est vrai que je passe bien aussi les bosses. Aux Championnats de France Espoirs à Ussel, le circuit était assez dur et je fais 2ème. J’aime bien les pavés et les classiques. Je vais me découvrir l’an prochain et attendre certainement deux-trois ans pour m’orienter vers le profil de course qui me convient le mieux.
Est-ce qu’après cette performance, tu t’attends à avoir la pancarte de grand espoir du cyclisme français auprès des médias ?
Pour le moment je ne me préoccupe pas trop de cela. Je sors d’une saison formidable avec seize victoires aujourd’hui. Ça fait plus d’une par mois. C’est super mais je ne me prends pas du tout la tête. Je serai néo-pro et s’il faut travailler pour d’autres sprinteurs je le ferai. Je prendrai les courses les unes après les autres. Déjà cette année, ayant un précontrat avec la FDJ, je ne me suis pas pris la tête pour passer pro absolument. Cela m’a permis de faire un bon début de saison en me permettant de penser uniquement à cette saison et pas à l’avenir de ma carrière. Je vais essayer de continuer de procéder de cette façon.
Propos recueillis par Sylvain Chanzy à Rudersdal le 23 septembre 2011.