Tôt ce matin, les esprits sont encore embués par le phénoménal doublé des Espoirs français hier à Rudersdal, quand les Juniors s’installent à leur tour sur la ligne de départ du Championnat du Monde. Les huit coureurs de l’équipe de France Juniors, qui possède dans ses rangs le tenant du titre Olivier Le Gac, n’ont participé que de loin aux festivités qui ont suivi l’intronisation d’Arnaud Démare au rang de champion du monde des moins de 23 ans. Déjà concentrés sur leur affaire, ils n’ont gardé que l’énergie positive transmise par leurs aînés pour tenter de rééditer un coup magistral, comme celui qu’ils avaient réalisé il y a deux mois à Offida, avec le doublé Lecuisinier-Le Gac aux Championnats d’Europe. C’était toutefois sur un parcours plus ardu que celui proposé au Danemark, que les meilleurs Juniors du monde devront parcourir neuf fois.
Les deux premières courses des Mondiaux, hier, ont confirmé qu’il serait difficile d’échapper à l’emprise des sprinteurs. Pour l’équipe de France, qui mise sur un scénario autre qu’une arrivée massive, il convient donc de mettre en application une tactique basée sur l’offensive. Et la stratégie pensée par les Bleus va se concrétiser sur le terrain comme si tout voulait tourner comme les Français l’entendent. En fait, c’est une très grande leçon de tactique que les coureurs de l’équipe de France Juniors s’apprêtent à donner à leurs camarades internationaux. Une partition millimétrée dont Alexis Gougeard donne le la dès les premiers kilomètres en s’échappant du peloton avec le Belge Daan Myngheer. L’attaque du vice-champion d’Europe du contre-la-montre intervient après un départ sur les chapeaux de roue. Ce sera d’ailleurs dans l’ensemble une course extrêmement rapide, plus rapide que celle des Espoirs hier, à 44,7 km/h de moyenne !
Il faut dire que les deux hommes de tête appliquent rapidement un tempo élevé et régulier. On a affaire à deux gros rouleurs, leurs adversaires le savent, et tentent bien vite d’endiguer la progression des deux échappés. Jamais Alexis Gougeard et Daan Myngheer ne bénéficieront d’un avantage supérieur à 1’05 », mais ils insistent constamment et résistent bien à des poursuivants pas toujours bien organisés. Ce n’est qu’à l’entame des trois derniers tours que l’agitation devient plus pesante. Plusieurs coureurs minent le peloton, qui finit par se rapprocher d’un duo de tête entamé par les kilomètres passés devant. Le regroupement général intervient à 30 kilomètres du but, soit à deux tours de l’arrivée. Tout est à refaire ou presque pour des Français qui ont tout de même eu le confort de ne pas avoir à supporter la responsabilité de la poursuite.
Pierre-Henri Lecuisinier se comporte avec la maîtrise et le sang-froid dignes d’un champion du monde.
Et l’équipe de France, justement, ne tarde pas à remettre le couvert. A l’entame de l’avant-dernier tour, c’est le champion d’Europe en titre Pierre-Henri Lecuisinier qui se met à table ! Au franchissement de la mini bosse de Slotsbakken, à 25 kilomètres du but, l’Auvergnat accélère très franchement pour éplucher le peloton. Cinq garçons se glissent dans sa roue : Guillaume Martin (France), Martijn Degreve et Rob Leemans (Belgique), Steven Lammertink et Ivar Slik (Pays-Bas). Vous avez bien compté : deux Français, deux Belges et deux Néerlandais ! Si ça, ce n’est pas un vrai cas d’école ! Les trois nations représentées devant ont tout intérêt à s’allier, aussi bien en tête de course qu’au sein du peloton, où l’on voit des représentants des trois pays échappés s’immiscer dans le train des poursuiteurs afin de casser le rythme de la poursuite. Cette action permet aux six échappés d’attaquer le dernier tour de 14 kilomètres avec 21 secondes d’avance…
Commence ainsi l’ultime boucle dans la campagne copenhagoise, où de six concurrents le groupe de tête passe à cinq après qu’Ivar Slik ait brûlé sa dernière goutte de carburant dans la montée de Slotsbakken. La stratégie à adopter dans cette échappée reste tout de même délicate, même si avant de songer à se départager il faudra déjà avoir écarté la menace d’un retour du peloton, qui se rapproche à une dizaine de secondes dans les derniers kilomètres. En cela, les Français restés derrière font preuve d’un sens aigu du collectif. Dans le final, on voit jusqu’à quatre coureurs de l’équipe de France se glisser en tête du peloton pour en contrôler l’allure. Et les quelques tentatives de contre-attaque sont aussitôt réprimandées par un Bleuet. On assiste là à un grandissime numéro collectif des tricolores, qui permet aux cinq de tête de virer en tête dans la dernière ligne droite.
Lumineuse jusqu’alors, l’équipe de France doit conclure triomphalement. Des cinq, le Belge Rob Leemans ouvre le feu avant la flamme rouge. Il prend une dizaine de mètres mais est aussitôt pris en chasse par Guillaume Martin, qui se sacrifie pour les autres. Leemans rejoint dans le faux-plat montant conduisant à la ligne tel un tremplin vers la gloire, le sprint est lancé par Steven Lammertink. Campé dans sa roue, Pierre-Henri Lecuisinier ne s’est pas encore levé de la selle, malgré la menace d’un retour imminent du peloton, sur le point de colmater la brèche. Avec une maîtrise impressionnante et un sang-froid dignes d’un champion du monde qu’il s’apprête à devenir, l’Auvergnat se dresse sur les pédales à l’instant choisi. Il se défait alors de ses deux derniers compagnons de fugue, Martijn Degreve et Steven Lammertink, pour s’offrir le titre sous les yeux de Florian Sénéchal, qui règle le peloton pour la 4ème place.
Classement :
1. Pierre-Henri Lecuisinier (France) les 126 km en 2h48’58 » (44,7 km/h)
2. Martijn Degreve (Belgique) m.t.
3. Steven Lammertink (Pays-Bas) à 3 sec.
4. Florian Sénéchal (France) m.t.
5. Rick Zabel (Allemagne) m.t.
6. Roman Ivlev (Russie) m.t.
7. Daniel Hoelgaard (Norvège) m.t.
8. Nicolas Marini (Italie) m.t.
9. Stan Godrie (Pays-Bas) m.t.
10. Frederik Plesner (Danemark) m.t.