Trop long, pas assez de suspense, lassant et répétitif… Les critiques adressées au GP de Plouay et au cyclisme en général sont tenaces et ce n’est pas le récent Tour de France qui a fait tourner casaque les détracteurs de la petite reine. C’est pour faire mentir les allergiques au sport le plus pratiqué du XXIème siècle que les organisateurs de l’épreuve plouaysienne ont décidé d’organiser le premier Challenge Sprint Pro en France.
Le principe ? Une course d’un kilomètre sur le boulevard des championnats du monde à Plouay. Quatorze coureurs du GP Ouest-France s’y affrontent par séries de quatre et de trois, lors d’un tournoi à élimination directe. Déjà expérimenté en septembre dernier, à la veille du GP de Québec, l’épreuve avait suscité un réel engouement populaire dans la province francophone. Rythmée (les séries s‘élancent toutes les quatre minutes), spectaculaire et enlevée, l’épreuve y avait rencontrée un vrai succès populaire. Michael Morkov (Vacansoleil-DCM) s’y était alors imposé, devançant Enrique Sanz (Movistar Team) et Simon Clarke, alors chez Astana. Les racines de cette épreuve ne sont cependant pas à chercher de l’autre côté de l’Atlantique. Dans les années 70, le concept faisait déjà fureur en Bretagne. Sur des sprints longs d’un kilomètre, les meilleurs coursiers bretons se départageaient dans un tournoi à élimination directe alors reconnu comme compétition à part entière. Et, ce dernier point écarté, les ressemblances avec l’actuel Challenge Sprint Pro sont frappantes !
Samedi dernier, à la veille du GP Ouest-France, Romain Feillu (Vacansoleil-DCM), Alekjs Saramotins (Cofidis), Kevin Reza (Team Europcar), Arnaud Gérard (FDJ-BigMat), Jérôme Pineau (Omega Pharma-QuickStep), Guillaume Blot (Bretagne-Schuller), Vladimir Isaychev (Team Katusha), Adam Blythe (BMC Racing Team), Jonathan Hivert (Saur-Sojasun) Jens Keukeleire (Orica-GreenEdge), Yaroslav Popovych (RadioShack-Nissan), Takashi Miyazawa (Saxo Bank-Tinkoff), Frédérique Robert (Lotto-Belisol), Sébastien Hinault (Ag2r La Mondiale) étaient les guest stars de la première édition dans la capitale du vélo.
La course a lieu à la suite de la Coupe du monde féminine. Dès le podium féminin expédié, les premiers coureurs masculins se présentent sur la ligne. Si les coureurs semblent décontractés, ils restent des compétiteurs. Sous l’œil des caméras de France 3 Régions, Romain Feillu se tape le torse, motivé, ce qui n’est pas forcément le cas du japonais Takashi Miyazawa (Saxo Bank-Tinkoff Bank) qui admet avoir été « le seul de l’équipe à postuler ». Sous les averses bretonnes, les sprinters soufflent le show, puis le froid quand Vladimir Isaichev casse sa chaîne et s’étale sur le bitume détrempé du boulevard des championnats du monde. Plus de peur que de mal pour le russe qui se relèvera quelques minutes plus tard, mais qui sera l’un des premiers à abandonner le lendemain ! Il aura été l’un des 6 coureurs ayant pris part au challenge à ne pas finir le Grand Prix le lendemain (deux non-partants, Romain Feillu et Alekjs Saramotins et quatre abandons, Kevin Reza, Adam Blythe, Vladimir Isaychev et Takashi Miyazawa).
Dans ce pur exercice de sprinters, ses réflexes d’ancien pistard permettent à Adam Blythe, champion d’Europe juniors de poursuite par équipes en 2006 et 2007 de triompher en finale. Il devance le français Jonathan Hivert, à la pointe de vitesse reconnue (il a remporté une étape du Tour de Romandie en puncheur cette saison) et Frédérique Robert, lui aussi issu de la piste. Ce dernier a été sacré champion de Belgique de l’américaine, de vitesse et du keirin en juniors en 2007. Le premier coureur à avoir participé au challenge, Jens Keukeleire (Oric-GreenEdge) est…19ème ! Il finit à 5 secondes du vainqueur. Peut-être le signe que les coureurs y perdent plus d’influx et de concentration qu’il n’y paraît ; mais surtout que ce challenge Sprint Pro peine déjà à attirer des coureurs de renom. Alors, à moins, d’y attribuer des points UCI « et là, je peux vous dire qu’à la FDJ-BigMat, il y aurait des candidats » rigole Arnaud Gérard, ou d’augmenter de manière substantielle les dotations (à Plouay, de 140€ pour une participation à environ 2700€ pour une victoire finale), ce challenge sera et restera marginal.
Néanmoins, à la grande joie du comité d’organisation, le public, venu se masser par milliers le long de l’arrivée a manifesté son enthousiasme dans une ambiance de critérium. Annie et Henri sont des habitués du GP de Plouay depuis leur retraite. En connaisseurs, ils apprécient la nouvelle formule « on voit du spectacle, les coureurs jouent le jeu à fond. Malgré la pluie, on est resté jusqu’au bout ! ». Pour Didier Le Botmel, speaker du Grand Prix et du stade du Moustoir, pas question d’être étonné « ce challenge s’inscrit bien dans le cadre de Plouay, on y vient pour l’esprit convivial des 4 jours. Très intense et visible pour les spectateurs, cela a tout pour plaire. »
Romain Gruffaz, journaliste spécialisé dans le cyclisme à Ouest-France peut conclure « cela amène une dose intéressante de spectacle sans que cela ne tombe pour autant dans le sport spectacle. Finalement, on y retrouve l’avantage de la piste, le spectacle permanent, et celui de la route, la popularité ». On en redemande ! – Rémi Le Tenier
Classement final :
1. Adam Blythe (BMC Racing Team)
2. Jonathan Hivert (Saur-Sojasun)
3. Frédérique Robert (Lotto-Belisol)
4. Alekjs Saramotins (Cofidis)
5. Takashi Miyazawa (Saxo Bank-Tinkoff)
6. Arnaud Gérard (FDJ-BigMat)
7. Romain Feillu (Vacansoleil-DCM)
8. Guillaume Blot (Bretagne-Schuller)