En dépit des conditions climatiques rayonnantes qui illumineront cette année les 241 kilomètres du Tour de Lombardie, tranchant avec la journée apocalyptique que les coureurs avaient vécue voici un an, il n’a échappé à personne que les jours raccourcissent. Le soleil a beau faire du zèle sur toute l’Europe en ce début d’automne, on s’achemine bel et bien vers l’hiver bienfaiteur, une intersaison bien venue après neuf mois d’intense activité. L’année cycliste se termine. Il restera quelques événements à célébrer ce mois-ci avec l’organisation du Chrono des Nations demain ou bien encore de la Japan Cup le week-end prochain. Mais on célèbre surtout la fin de saison aujourd’hui en Lombardie où, pour la dernière fois, le Tour de Lombardie fait office de clôture du calendrier. Le parcours a été repensé entre Milan et Lecco.
Il est temps pour beaucoup que la saison se termine. L’année a été longue, intense, et on sent bien que les forces viennent à manquer aux plus vaillants. Le numéro un mondial Philippe Gilbert (Omega Pharma-Lotto), double vainqueur sortant en Lombardie et omniprésent toute la saison, aura bien du mal à peser cette fois-ci sur la classique italienne. Sa saison a été magnifique, en atteste son rang de leader au classement mondial, mais dans un cyclisme qui retrouve chaque année un visage un peu plus humain, le Wallon ne parviendra pas à rééditer les exploits réalisés ces deux dernières années. On constate que beaucoup de champions ont brûlé leur dernière goutte d’essence il y a déjà plusieurs semaines – en cela le déplacement du Lombardie au mois de septembre en 2012 semble plutôt justifié – et ce sont surtout les seconds couteaux qui ont marqué les esprits sur les semi-classiques qui ont précédé le Lombardie.
Plus que les autres années, il semble que ce Tour de Lombardie au parcours renouvelé doit pouvoir sourire à un outsider. De là à ce que la première échappée aille au bout, il ne faut pas exagérer. C’est pourtant ce que tentent six coureurs en s’échappant rapidement : Yukiya Arashiro (Team Europcar), Mikel Astarloza (Euskaltel-Euskadi), Omar Bertazzo (Androni Giocattoli), Claudio Corioni (Acqua & Sapone), Andrea Pasqualon (Colnago-CSF Inox) et Johan Van Summeren (Garmin-Cervélo). Très vite pourtant, les coureurs de l’équipe Liquigas-Cannondale sonnent la charge et empêchent les six de tête de tourner en rond. L’écart se réduit brusquement alors que s’approchent les pentes décisives de la Madonna del Ghisallo, qui dans la tradition du Tour de Lombardie invite les favoris à sortir du rang pour entamer leur explication finale.
Vincenzo Nibali tente un coup magnifique mais trop audacieux.
Et les favoris font honneur à la Madonna del Ghisallo. On y voit d’abord Philippe Gilbert s’activer, dossard 1 épinglé dans le dos comme un symbole de l’éblouissante saison dont il nous aura fait part. Pourtant, bien vite, on comprend que le champion de Belgique n’ajoutera pas ce Lombardie 2011 à son épatant tableau de chasse. Pris à contrepied par Vincenzo Nibali (Liquigas-Cannondale), le porteur du maillot tricolore bute. Pas le Sicilien, qui se lance loin du but dans une chevauchée épique. L’ancien vainqueur du Tour d’Espagne passe devant le sanctuaire du Ghisallo en tête, bascule dans la descente doté d’une avance de plus en plus confortable, accroît son avantage sur un peloton réduit à une trentaine d’hommes. Seul contre tous, Vincenzo Nibali tente un coup magnifique qui fait honneur à la classique. Mais les forces vont lui manquer.
Trop audacieux, Vincenzo Nibali pioche dans la vallée qui conduit les concurrents au pied de la côte de Villa Vergano, dont le sommet est situé à 9 kilomètres de la nouvelle arrivée à Lecco. Cette difficulté inédite est annoncée comme le juge de paix du Tour de Lombardie. Une difficulté de trop pour Vincenzo Nibali, gobé par un peloton encore conséquent à 15 kilomètres de l’arrivée. Au pied de Villa Vergano, on compte donc encore une trentaine de coureurs susceptibles de gagner l’épreuve. C’est beaucoup si près de l’arrivée de ce qui figure dans le paysage cycliste comme l’un des cinq monuments, au même titre que Milan-San Remo, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix et Liège-Bastogne-Liège. Et même si le train soutenu d’Ivan Basso (Liquigas-Cannondale) fait sauter les moins aguerris, il demeure encore beaucoup de monde en file indienne sur les rampes de la côte finale, où un parfait inconnu s’apprête à gicler…
Rompu depuis des années à la tâche de domestique, le Suisse Oliver Zaugg (Team Leopard-Trek), dont les leaders dans les classiques se sont désistés à tour de rôle en cette fin de saison, saisit sa chance. Dans une forme remarquable qui lui a permis de terminer récemment 9ème du Tour d’Emilie et 8ème du Grand Prix Beghelli, le coureur de 30 ans sort seul du peloton de tête. Le trou est fait, ses adversaires divisés en groupes réduits, ne lui reste qu’à tenir bon dans les 10 derniers kilomètres, ce qu’il va réussir pour s’adjuger… la première victoire de sa carrière ! Le public est médusé. En cette fin de saison, les favoris n’étaient décidément plus à la fête. Tant mieux pour Oliver Zaugg, qui entre à sa manière dans l’histoire du Tour de Lombardie. Il précède à Lecco Daniel Martin (Garmin-Cervélo) et Joaquim Rodriguez (Team Katusha).
Classement :
1. Oliver Zaugg (SUI, Team Leopard-Trek) les 241 km en 6h20’02 » (38,0 km/h)
2. Daniel Martin (IRL, Garmin-Cervélo) à 8 sec.
3. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) m.t.
4. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Cannondale) m.t.
5. Przemyslaw Niemiec (POL, Lampre-ISD) m.t.
6. Domenico Pozzovivo (ITA, Colnago-CSF Inox) m.t.
7. Giovanni Visconti (ITA, Farnese Vini-Neri Sottoli) à 16 sec.
8. Philippe Gilbert (BEL, Omega Pharma-Lotto) m.t.
9. Carlos-Alberto Betancur (COL, Acqua & Sapone) m.t.
10. Riccardo Chiarini (ITA, Androni Giocattoli) m.t.