Pour trouver la trace du 1er français il faut aller chercher la 13ème place avec Yoann Paillot.

Certes, les meilleurs représentants français n’étaient pas présents et en juillet sur le chrono de la plus grande épreuve mondiale, les français ont pris 2 places parmi les 10ers avec Julian Alaphilippe et Thibaut Pinot. A ce moment-là, ce sont davantage leur forme du moment et le parcours qui les ont propulsés à ces rangs-là plutôt que leurs qualités intrinsèques. Même si Alaphilippe avait gagné lors de Paris-Nice sur un parcours déjà exigeant et Pinot en avait fait de même sur un Tour de Romandie, battant au passage Tom Dumoulin et Chris Froome. En grattant au-delà, c’est-à-dire à la 3ème place, Anthony Perez terminait 29ème au scratch. Pour des coureurs jouant le général, l’addition était bien plus lourde : Romain Bardet à la 39ème place, Guillaume Martin 53ème et Warren Barguil 61ème (lui qui finira pourtant 10ème au général final). Pour ce dernier, comment afficher ses ambitions au général tout en déboursant un tel passif (plus de 3 min) en seulement 27 km ?

 

nullThibaut Pinot se prépare au chrono sur le Dauphiné  | © Sirotti

Dans un passé récent pourtant, citons Sylvain Chavanel qui l’avait emporté au général des 3 Jours de la Panne, grâce déjà à une victoire sur le chrono ou encore, dans les mêmes conditions un Tour Poitou Charentes, certes avec une concurrence moindre.

Pendant des années, Sylvain Chavanel a d’ailleurs « tenu » le chrono français comme en témoignent ses 6 victoires sur les Championnats de France.

 

Chavanel01Sylvain Chavanel | © Sirotti

 

Les rouleurs-grimpeurs sont devant

Mais derrière, que se passe-t-il ? Pourquoi Yoann Paillot qui terminait déjà à la 3ème place de ces mêmes Championnats de France de CLM en 2012 à l’âge de 21 ans, n’a pas été poussé vers une carrière de rouleur ? Ce podium n’a pourtant pas fait d’échos dans les grosses équipes françaises puisque Paillot est resté seulement jusqu’à aujourd’hui dans des équipes Continentales. Un point d’autant plus étonnant que depuis 20 ans, les meilleurs rouleurs du monde ont été « transformés » en rouleurs-grimpeurs (Indurain, Dumoulin, Wiggins, Thomas, etc.) alors que l’inverse est nettement moins vrai.

Pourquoi l’entrainement d’un tel coureur n’a pas massivement été orienté vers l’amélioration de son seuil anaérobie, faisant de lui un meilleur rouleur encore, année après année ?

Sur ces mêmes années, Jean-Christophe Péraud gagnait en 2009 les Championnats de France devant un certain Sylvain Chavanel. Etat de grâce ou déjà une faiblesse chronique du niveau général ?

Car dans le même temps, dès qu’un jeune coureur « marche », les médias et l’entourage général tendent à le pousser vers le Tour de France, afin de trouver le fameux successeur de Bernard Hinault au palmarès. L’année 2019 aurait pu mettre fin à 34 ans de disette mais quoiqu’il en soit, il existe un vrai problème culturel. Romain Bardet, dès 2014 s’était rendu compte que le CLM était une étape indispensable à la gagne sur le Tour. Il promettait de travailler et travailler encore pour rattraper son retard se chiffrant en minutes alors qu’il se bat à coups de secondes dans la montagne pour tenter de faire la différence. Moins médiatisé, Warren Barguil subit les mêmes maux. Pourtant, ce ne sont pas les « watts » qui font défaut puisque ces coureurs sont capables de développer les 400w nécessaires pour suivre les meilleurs du monde dans un col de 45 min. Il s’agit forcément d’une question à multiples facettes :

–          La concentration

–          Le matériel

–          La position, avec le compromis difficile à trouver entre aérodynamisme et confort.

–          L’entrainement.

 

Geraint Thomas01Geraint Thomas | © Sirotti

 

Revenir aux bases : le travail et le matériel

Pour tous ces aspects, il n’existe qu’un seul axe d’amélioration : le travail et encore le travail. Thibaut Pinot a avoué cette année avoir volontairement sacrifié un peu d’aéro pour gagner en confort et en transmission de puissance. Bien aidé par ses entraineurs et son partenaire matériel Lapierre, il a travaillé tous les aspects de la performance, avec la réussite que l’on connait (7ème sur le Tour de France lors de l’étape de Pau).

Pour Julian Alaphilippe, la question est probablement à envisager différemment. De son propre aveu, il tenait la forme de sa vie – ce qui veut tout dire lorsque l’on se trouve N°1 Mondial. Tout le monde connait par ailleurs la puissance économique de son équipementier Specialized qui dispose donc du meilleur matériel possible à un instant donné.

A l’opposé, AG2R La Mondiale et son leader Romain Bardet se perdent à la recherche du matériel. Pour preuve, l’épisode tragi-comique du printemps et des vélos Ridley maquillés en Eddy Merckx pour faire plaisir au sponsor. Il est facile d’imaginer la perte de temps à trouver les bons réglages et optimiser la performance alors que pendant ce temps Thibaut Pinot roule depuis toujours sur un Lapierre ou qu’Ineos achète sur ses deniers personnels – qui ne manquent pas, certes – des roues de montagne pour que ses coureurs roulent avec des roues de grimpeurs à moins d’1 kg la paire.

Ces quelques exemples illustrent que pour réussir à très haut niveau, surtout dans le domaine du Contre La Montre où chaque détail compte pour gagner 1, 2 ou 3 secondes au kilomètre. Ces gains de temps, anodins pour le cycliste du dimanche, sont pourtant suffisants pour gagner ou perdre une course par étapes de 3 semaines. Pour cette raison, nous avons pu bondir sur le Contre La Montre par équipes du Tour de France en écoutant Tony Gallopin raconter en interview qu’il n’avait pas roulé avec son vélo de chrono ces derniers temps. Son leader clamait pourtant depuis plusieurs mois que seule la victoire comptait sur le Tour cette année.

 

Par Olivier Dulaurent