Stéphane, les conditions n’ont pas toujours été bonnes sur le Roc, comment as-tu fait pour contourner ces problèmes ?
Il y a certains passages pour lesquels je ne sais pas comment on a fait pour gérer tout ça. Le passage du Gros Vallat par exemple où parfois les coureurs avaient de l’eau jusqu’au ventre. On faisait venir une pelleteuse qui le bouchait en partie pour permettre de passer à pied. Mais c’était tout de même très compliqué. D’une certaine façon, j’étais toujours décontracté, car pour moi, c’était le VTT : un circuit long, sans boucle, sans assistance et où on se débrouillait en portant, en poussant ou en nageant avec le vélo. Ce n’était pas seulement rouler. Mais en tant qu’organisateur, j’étais stressé en me disant qu’il fallait annuler le départ, car on ne pouvait pas y aller. En revanche, durant ces années-là où on n’était pas très organisés, avec peu de bénévoles sur un parcours très long, il m’est arrivé de donner le départ sans vraiment savoir si le parcours était entièrement bouclé. Sous la pression du chronomètre, j’ai été obligé de faire partir les coureurs sans savoir où on les envoyait. J’en ai fait des cauchemars parce que je me disais : » ça va partir et je ne suis pas prêt. » C’étaient de grosses angoisses.
Certaines parties du parcours étaient aussi envahies par des essaims d’abeilles…
Effectivement, on a connu ça sur une année et on avait fait très attention l’année suivante puisqu’on repassait au même endroit. Certains ont été piqués, et dans le registre médical, j’ai même vu une attaque cardiaque du mari de la directrice marketing de Peugeot ! Les secours qui étaient sur place l’ont sauvé en le prenant en charge tout de suite. À cette époque-là, nous n’avons jamais eu de gros pépins, simplement quelques bobos. Le risque que l’on a souvent rencontré remonte à l’époque des premiers vélos en aluminium. Le pivot de fourche cassait sur certains modèles, et sur d’autres courses que le Roc, certains coureurs se sont écrasé le visage par terre.
Le Roc Dames apparaît en 1989. Pourquoi cette année-là ?
C’est une question à laquelle je suis incapable de répondre parce que je réalise qu’il n’y avait pas de femmes avant. Elles étaient sans doute là physiquement, mais elles devaient alors courir avec les hommes. En revanche, il y avait bien un classement féminin. Je me souviens d’une fille qui a gagné le Roc d’Azur, avant Nathalie Segura en 1989. Il a dû apparaître quand elles ont commencé à courir. Ce n’était pas la première ni la deuxième édition, mais il y en avait à partir de la troisième édition. C’était une charmante jeune fille de Chamonix qui avait remporté le Roc d’Azur cette année-là.
Comment t’es venue l’idée de créer un Kid Roc ?
C’est devenu quelque chose de naturel et de spontané, puisque les enfants des premiers pilotes avaient grandi. Ce sont les pilotes qui nous on dit que faire un classement pour les jeunes serait une bonne idée. On était tous des précurseurs. J’ai suivi la demande des pratiquants ne l’étant pas moi-même. J’avais une vision extérieure et j’étais à l’écoute. C’est comme cela que se sont aussi créés les randos du Roc et beaucoup d’autres événements.
Au début des années 90, le Roc s’internationalise. Comment les étrangers sont-ils venus ?
Je n’ai jamais démarché un coureur pour qu’il vienne. La vedette, c’est le Roc d’Azur et le regroupement des gens qui y sont. Je n’ai jamais donné de primes de départ, même si on me l’a demandé de temps en temps. Je n’étais pas vexé quand on me le demandait, parce que certains venaient de la route ou du cyclo-cross, mais ce n’était pas mon truc. Sylvia Furst, la première lauréate étrangère est venue par le réseau suisse, car on s’entendait bien avec Alain Ferraroli et Roger Parra, qui était mon homologue chez Swiss MTB. Sylvia faisait partie de cet univers-là. Le Grand Raid Cristal commençait déjà à se mettre en place à l’époque et elle était déjà dans le réseau.
Si tu devais citer un personnage qui t’ait marqué au cours des onze éditions que tu as organisées, ce serait…
Forcément Jacques Devi qui a été LA personnalité du VTT au départ, de par son look, son tempérament, sa façon de courir. C’était un extraterrestre ! Il s’était fabriqué un vélo avec une roue pleine à l’arrière qui faisait un bruit absolument infernal. Bernard Bon aussi. Il est l’un des piliers du VTT bien qu’il ait fait l’essentiel de sa carrière en étant vétéran. Mais 30 ans après, il n’a pas changé. Je pourrais aussi parler de Christian Taillefer, c’était notre jeune premier qui arrivait dans le VTT, mais aussi de la bande Hosotte avec Sophie Eglin. J’en oublie certainement, mais je peux mentionner aussi Olaf Candau, Denis Noël, Jean Müller qui nous a malheureusement quittés trop tôt. C’était monsieur fluo. Il a marqué l’esthétique du VTT. En le voyant, on pouvait se dire « la mode, c’est ça. » Il avait des traces de zinc fluo sur le visage, des fringues invraisemblables. Il était vraiment looké, un des premiers dans l’univers du VTT.
Quelles sont les trois éditions qui t’ont le plus marqué ?
La première en 1984, évidemment, la dernière en 1994, bien sûr, car c’est toujours émouvant. C’était également une année particulière pour moi, car j’avais perdu un de mes frères en 1993, au moment du Roc d’Azur. Dans mon Top 3, je mettrai aussi celui de 1989 avec les premiers stands. C’est là où je me suis dit que ça devenait sérieux. Déjà à l’époque je fournissais les tentes pour rendre la vie simple aux exposants et éviter qu’ils ne viennent tous avec ce matériel. Il y avait déjà ce petit village qui se mettait en place sur le parking de Léo Lagrange.
Si tu étais resté la tête de l’organisation du Roc, serais-tu resté à Ramatuelle quitte à freiner son développement ou aurais-tu tenté de trouver un nouveau site ?
J’avais envisagé de partir, j’ai essayé de le faire, et je me suis planté. Je devais partir à Cap Esterel. On avait un accord de principe avec Pierre et Vacances et on a eu une double résistance, et de la part des écologistes qui refusaient de voir le Roc débarquer dans l’Esterel, et d’un gros propriétaire terrien qui a refusé de voir le tracé passer sur ses terres. À l’époque, j’avais déjà annoncé à Ramatuelle que je partais, on avait déjà des pré-accords. Il a fallu faire un rétro-pédalage un peu douloureux qui a un peu cassé l’ambiance. Pour revenir à la question, un départ était nécessaire, les gens de Ramatuelle le savaient. On avait atteint la limite, et ce n’était pas la manifestation la plus adaptée à la ville de Ramatuelle, une ville agricole et très branchée théâtre. On avait aussi ce problème avec la conservation du littoral et la pression immobilière qui faisait que le parcours se réduisait. Il fallait bouger. Je n’y suis pas retourné au Roc depuis quelques années ou très peu, mais l’image qui en ressort est très bonne. Je n’ai aucune critique à faire. Les gens ont l’air de s’éclater avec les parcours et les animations. C’est ça la magie du Roc d’Azur. C’est la fête et il y en a pour tout le monde.