Christian, te souviens-tu du matériel sur lequel tu roulais à tes débuts ?
À l’époque, on était vraiment aux balbutiements du VTT. Ce ne devait faire que trois ou quatre ans qu’il était en place en France. Les évolutions ont été phénoménales d’année en année. À cette époque, il y avait peu de marques présentes sur le marché du VTT. Au niveau national, on se souvient très bien de Peugeot, MBK, Ferraroli, etc. Elles ont eu raison d’y aller. C’était le moyen de locomotion pour s’évader en nature, en forêt. Les gens de la ville ont pu sortir pour découvrir notre belle nature en pédalant. Par la suite, le VTT est devenu ce qu’il est devenu, même s’il a très vite été associé à une image très loisir. La compétition a eu du mal à s’installer par rapport à la route.
Au départ, tu ne faisais donc que du cross-country….
J’ai principalement fait du cross-country, car c’était la seule discipline reconnue par les instances fédérales. Les Américains nous ont apporté la descente. Quoi qu’on en dise, George Edwards a contribué à développer le VTT en France. C’est un personnage incontournable du VTT, de ce qu’il est devenu.
Tu venais du BMX, une discipline très différente, et pourtant tu t’es rapidement installé sur le podium des courses à l’époque…
Recevoir les petites coupes m’a encouragé et poussé à m’entraîner. J’ai fait trois fois le Ventoux en trois jours et même des sorties de 70 kilomètres en BMX ! Physiquement, j’étais déjà beaucoup mieux à Villard-de-Lans pour le premier Championnat du Monde officieux en 1987. Je tenais un peu mieux lors des montées et le Roc d’Azur était ma 3ème course de VTT. Nous étions environ 500 au départ cette année-là. Ce n’est pas beaucoup, comparé à aujourd’hui, mais c’était déjà un événement à l’époque et il y a beaucoup d’épreuves qui aimeraient avoir 500 pilotes au départ de leur course. La plage, le soleil, le sud de la France, le VTT, c’était « Sea Sex and Sun » ! Tout était réuni pour développer cette discipline.
Étais-tu le seul à venir d’une autre discipline ?
Tous les acteurs de l’époque venaient forcément d’un autre sport. Beaucoup arrivaient du cyclo-cross comme Patrice Thévenard, mais aussi des routiers en fin de carrière comme Christophe Dupouey et même des skieurs comme Olaf Candau. Bref, des sports qui ont un rapport avec l’endurance. Me concernant, j’ai vite vu que je devais pousser le vélo à chaque montée. Je me suis dit que le VTT n’était pas fait pour moi. Je rappelle de m’être fait doubler par des filles lors de ma première course alors que j’étais à l’arrêt sur le côté.
Comment es-tu passé du XC à la DH ?
J’ai fait quatre ans en cross-country, de 1987 jusqu’en 1990. Puis la descente est arrivée et je faisais le combiné. Aux Championnats d’Europe, par exemple, il y avait un classement de ce type pour ceux qui faisaient les deux disciplines. Une année à La Bourboule, j’avais terminé 2ème de ce classement. J’avais gagné le scratch en descente et je roulais pas mal en cross-country. Malheureusement, je manque le départ de cinq minutes, car j’étais en train de « satisfaire un besoin naturel » et je pars en dernière position. Je remonte à la 6ème place, mais j’ai une fringale et finalement je termine aux alentours de la 15ème place. Pendant quelques années je courais les deux disciplines. Puis la descente est devenue tellement élitiste que j’ai délaissé le cross-country pour me spécialiser dans les descentes.
Revenons sur le premier Championnat du Monde en 1987. Existait-il une équipe de France à l’époque ?
Au début, c’était tout à fait officieux. Des premières courses avaient été organisées. Il y avait déjà un Championnat de France et une Coupe de France. Il y avait quelques courses en Suisse puisque le pays était déjà très actif dans le VTT. Cela a commencé comme ça. Donc à l’époque, non, il n’y avait pas d’équipe de France. C’était tellement nouveau que la FFC n’était pas du tout organisée pour cela. La fédé ne regardait même pas le VTT. C’était la même chose pour le BMX avant qu’elle ne le récupère. Au départ, il y avait donc l’AFMB qu’avait monté Stéphane Hauvette et qui était le précurseur au niveau de l’organisation pour le VTT. J’ai des souvenirs fabuleux de cette époque. Il y avait cet esprit de convivialité sur le Trophée des Alpes, qui pour moi et un peu l’équivalent du Roc d’Azur dans les Alpes. C’étaient des passionnés. Les noms commençaient à sortir, la presse commençait à s’intéresser au VTT.
Quels sont les autres pilotes que tu côtoyais à l’époque ?
En 1987, MBK et Peugeot ont été les premiers à mordre. Il y avait déjà les premiers pilotes français, les Jacques Devi, Denis Noël, les frères Hosotte, Sophie Eglin, Chantal Russias. Même Mavic était là avec leurs produits VTT et leur première jante Paris-Gao-Dakar.
Comment se sont déroulés pour toi les Championnats du Monde lors des années qui ont suivi ?
En 1988, j’étais à Crans Montana. Mais en 1989, à Spa, je n’y étais pas. Il n’y avait pas de catégorie Espoir. C’était ma première année et on me faisait déjà courir en Senior. Je n’étais pas partant pour y aller.
Puis, est venu le premier Championnat du Monde officiel l’année suivante au Colorado, à Durango.
1990, c’est l’année où l’UCI a reconnu le VTT. C’est là qu’on a commencé à avoir des équipes de France. Lors de ces années-là, je me suis retrouvé avec Olaf Candau, Bruno Lebras, Patrice Thévenard, Sophie Eglin, etc. J’ai même une photo en noir et blanc, prise à Durango où on est tous habillés en cow-boys ! En tout, nous étions une quinzaine de Français à avoir fait le déplacement, en cross-country, en descente et en dual slalom, auquel j’avais participé. Comme je venais du BMX, ça m’allait bien. Je ne me rappelle plus de mon résultat, mais je me souviens qu’il y avait une grosse double bosse et on n’était pas beaucoup à sauter. Toutes les courses sauf celle-là se disputaient dans la station de ski au-dessus de la ville, à Purgatory. Tout se passait là-haut, en altitude. On était vite essoufflé. On en a chié !
Quels ont été tes résultats lors des deux éditions suivantes ?
En 1991, c’était en Italie à Ciocco. John Tomac gagne le cross-country, mais il termine 2ème de la DH, derrière Albert Iten. De mon côté, j’avais fait 9ème ou 10ème. La piste avait été balisée en 4×4, ils étaient à peine descendus de la bagnole ! En 1992, c’était Bromont au Canada, où je termine 3ème en descente derrière Dave Cullinan et Jimmy Deaton.
Quel souvenir gardes-tu de Métabief ?
J’avais perdu en qualif. Je fais le 2ème meilleur temps sous une pluie battante. J’avais mis des pneus cloutés pour accrocher, tellement cela glissait ! À l’époque, contrairement à aujourd’hui, les meilleurs temps partaient en premier et les moins bons en dernier. Il faisait beau le lendemain. Cela avait séché, mais j’ai fait mon run sur un terrain encore très gras et je termine finalement 13ème. Mike King avait crevé et Franck Roman avait cassé. Dommage parce que j’avais dit à Franck qu’il pouvait gagner. Je lui avais conseillé de rester dans la trajectoire dans le gros virage et de ne surtout pas en sortir. Il est rentré comme un fou, avait glissé dans la boue et avait perdu une dizaine de secondes. Il avait le meilleur temps intermédiaire. Il aurait pu devenir champion du monde et finalement Mike King avait gagné. On se connaissait très bien, puisqu’il venait aussi du BMX. C’était l’un des meilleurs pilotes américains.
Retrouvez le deuxième volet de cette interview mardi prochain.