Denis, tu fais partie du dispositif de l’assistance Mavic. Qu’est-ce qui a poussé Mavic à faire de l’assistance en VTT, sur le Roc d’Azur, à une époque où la pratique était loin d’être aussi répandue qu’aujourd’hui ?
On a commencé à Ramatuelle en 1987. Il y avait peu de participants, mais une bonne ambiance, c’était le début de l’aventure. Le VTT était à l’époque en plein boom. Des gens chez nous se sont dit que ça pouvait être une épreuve du futur et qu’il fallait y être. Et ce, dès les premières années.
On était loin des préoccupations sur le 29″, 27,5″ ou 26″ à l’époque. Comment gériez-vous l’assistance ?
C’était l’aventure ! Les vélos étaient vraiment basiques puisque c’était les débuts du VTT. Bien sûr, il n’y avait pas de suspension, les roues étaient plus ou moins améliorées. Nous n’avions pas la roue complète. Nous avons commencé avec la jante Paris-Gao-Dakar. On faisait tout. Les réglages des freins, des dérailleurs, etc. Bref l’assistance au sens large. Les journées étaient vraiment très longues. C’était la débrouille, un peu comme dans MacGyver ! On réparait même des dérailleurs avec des élastiques.
Étais-tu seul à cette époque ?
Non, on savait que du monde allait arriver. On a commencé à trois, et ce n’était pas de trop. Loin de là.
Avez-vous toujours évolué avec un poste fixe au départ du Roc ?
Non, les premières années, quand le Roc était encore à Ramatuelle, on a fait de l’assistance avec des motos. Non pas sur la course, mais sur la rando. Les deux motos nous permettaient de suivre et de remonter les coureurs. Cela nous prenait beaucoup de temps et d’énergie et on manquait de monde au camion. Il aurait fallu avoir beaucoup plus de personnel. Sur la rando, ce n’était pas l’esprit. Il faut que cela reste l’aventure ! S’il t’arrive une bricole, il faut que tu te débrouilles !
À quand remonte la présence de Mavic en Coupe du Monde ?
Nous n’avons pas été présents de suite. Nous avons commencé sur la 3ème édition où nous étions partenaires avec l’UCI. On a fait toutes les Coupes du Monde. On a vu le professionnalisme s’installer au niveau des teams. La Coupe du Monde a fait du bien pour ceux qui veulent vivre du VTT. Mais ça enlève le fun ! Les premiers circuits faisaient 15 ou 20 kilomètres. Maintenant, c’est un petit circuit de 5 kilomètres. Ça se rapproche plus du cyclo-cross que du VTT !
Qu’en est-il de la présence de Mavic au salon ?
Dès que le Roc d’Azur a proposé une offre salon, il fallait s’y engouffrer pour promouvoir notre matériel et montrer que nous étions présents en VTT. À la base, nous avons une image route, et il fallait pouvoir promouvoir ces parties-là.
Jacques Devi roulait à l’époque avec des roues pleines. Était-ce vraiment efficace ?
Je ne sais pas si c’était efficace, car je n’ai jamais vraiment roulé avec. En tout cas, ça avait un look ! C’était impossible à réparer. Il y a eu une époque où on en voyait de plus en plus, puis les roues ont évolué. On est arrivé avec notre première roue complète et les roues pleines ont disparu.
Le VTT a maintenant une trentaine d’années. Estimes-tu qu’il a plus évolué que la route et sa centaine d’années d’existence ?
Oui, je pense que ça a évolué beaucoup plus vite. On est vraiment parti de zéro. Et aujourd’hui, niveau technologie, nous sommes devant la route avec les suspensions, les disques, etc. Tout a énormément évolué.
Quelle est l’évolution qui t’a le plus marqué ?
Il y a d’abord l’apparition des premières fourches, bien sûr. Je me souviens des vélos Scrambler avec la direction surdimensionnée. C’était impressionnant et c’étaient de très beaux vélos. Puis tout a évolué. Le carbone est arrivé, et les matériaux très légers. Maintenant on fait une fixation sur le poids. C’est ce qui est dommage, on privilégie parfois le poids à la fiabilité et c’est à ce moment qu’il faut faire la part des choses. Soit tu veux rouler tranquillement avec un vélo fiable, soit tu veux un vélo léger, sans savoir si tu peux rentrer.
Quels sont pour toi les événements marquants de l’histoire du VTT ?
On a eu les épreuves de masse comme le Roc d’Azur. L’événement qui m’a le plus marqué, c’est l’organisation de la première descente à Pra Loup. Les gens arrivaient, et il y avait trois ou quatre pilotes qui avaient des fourches à suspension. Les autres tournants marquants sont pour moi l’organisation de la Coupe du Monde, l’entrée aux Jeux Olympiques et maintenant, l’enduro. Je pense que des gens sont de plus en plus amenés à cibler cette discipline. C’est plus ouvert et plus fun. C’est un retour aux sources.
Des pilotes t’ont-ils marqué ?
Oui, je les ai tous côtoyés. Surtout pendant les six ou sept années où j’ai fait toutes les Coupes du Monde. Il y a eu l’arrivée du gros team Sunn avec les Dupouey, les Martinez, les Vouilloz. Et aussi John Tomac. Je pense que les pilotes étaient plus abordables avant. Il y avait une plus grande dimension humaine.
Les pionniers techniques européens ont disparu tandis que les Américains comme Cannondale sont toujours là. Comment l’expliques-tu ?
La force de l’argent. Les concepteurs européens étaient de petits artisans. Je parlais de Scrambler, c’était un petit artisan qui travaillait avec Lapierre. À partir d’un moment, on ne peut plus suivre dans l’évolution. On regarde aussi beaucoup sur quels vélos roulent les teams. Les gens veulent s’identifier aux coureurs et aux champions. Et ce n’est pas possible pour un petit artisan de payer un team. Si tu n’as pas cette force, tu es voué à mourir ou à vivoter.
On sent pourtant que le VTT amène les évolutions à la route et non l’inverse. Cela est-il amené à perdurer ?
Je pense que oui. Il y aura plus d’innovations en VTT, car l’esprit est plus ouvert. Sur la route, on est dirigé par des gens bornés, qui ont de l’âge. Ils ouvrent parfois un peu en autorisant le disque en cyclo-cross, mais pas en route. Il y aura plus de créneaux sur le VTT pour l’ouverture.
Le VTT peut-il rattraper la route en terme de médiatisation ?
Je ne pense pas. S’il n’y a pas la télé, il n’y aura pas d’ouvertures sur les chaînes publiques. La preuve, avant, les Coupes du Monde étaient diffusées sur Eurosport. Plus maintenant. Aujourd’hui, qu’est-ce que l’on voit à la télé ? Les Jeux Olympiques et basta. Tant que les médias ne diffuseront pas d’images, le VTT ne sera pas à la hauteur de la route.
Si tu avais le choix entre une épreuve route et une épreuve VTT, quelles seraient-elles ?
Sur la route, Paris-Roubaix. En VTT le Roc d’Azur, même si on bosse beaucoup et qu’au final on ne voit pas grand-chose.