Fred, en 1984, le premier Roc s’élance de Cogolin, près de chez toi. Que représentait le VTT pour toi à l’époque ?
Pas grand-chose, c’est clair ! Je n’avais pas connaissance que le VTT existait. Si une brève ou même une page dans le journal local est passée, je ne l’ai pas vue. En fait j’ai appris en lisant l’interview de Stéphane Hauvette que le Roc est parti juste derrière chez moi. C’est un endroit où je passe deux fois par semaine quand je fais du VTT. J’étais persuadé que le Roc était né à Ramatuelle. Je ne l’ai connu que vers 1987, ce qui m’a amené à acheter mon premier VTT, un Peugeot Canyon Express. Mes passions sont liées à mon activité professionnelle. J’ai simplement découvert le VTT d’abord comme un loisir alors que je pratiquais l’enduro moto à un bon niveau amateur. J’avais vu cela comme une opportunité de m’entraîner physiquement et de me procurer du plaisir sportivement d’une manière différente. J’étais un simple passionné de VTT, pratiquant, fan du Roc d’Azur comme peuvent l’être aujourd’hui les 20 000 inscrits.
Comment as-tu fait du VTT ton activité professionnelle, toi qui es le gérant de Tribe Sport Groupe ?
Je n’étais pas du tout dans le business, puisque je sortais à peine de mes études quand j’ai découvert le VTT. J’ai pris un plaisir énorme à me rendre chaque année sur le Roc. C’était quelque chose d’unique. En 1996, je crée Tribe Sport Groupe qui s’appelait à l’époque FMF. Dans la suite logique de mon passé de motard, j’ai commencé la distribution de produits pour les motos tout terrain. La passion du VTT a rapidement pris le pas et je me suis aperçu que je me retrouvais bien plus dans cette pratique-là. En essayant de me projeter vers l’avenir et pour le développement de mon entreprise, j’ai vite compris que les enjeux environnementaux allaient compromettre l’activité motorisée. Cela n’a pas été très difficile de réorienter la société vers le VTT puisque je m’y reconnaissais beaucoup plus. Des opportunités nous ont été présentées. Opportunités que l’on a saisies pour s’orienter vers le VTT, à tel point qu’aujourd’hui la société est à 90 % sur le marché du vélo et 10 % sur le motorisé alors que les proportions étaient inversées au début.
Comment vois-tu évoluer une discipline comme l’enduro ?
Le VTT est parti dans deux extrêmes : le cross-country qui privilégie le physique, et la descente qui joue sur la technicité. On s’est aperçu qu’il n’y avait plus de disciplines qui rassemblaient le VTT sur ces deux valeurs fondamentales. Aujourd’hui, on peut parler d’explosion du phénomène enduro. Il fait le lien entre le XC et la DH et correspond au cœur de la pratique du vététiste de base. Ceci ayant été largement motivé et aidé par l’évolution du matériel. Au début du Roc, il n’y avait qu’un seul type de VTT, et quelque part, on faisait déjà de l’enduro. Tout dépend ce qu’on recherchait. Il y a ceux qui aimaient se dépouiller dans les côtes, qui se contentaient de cela et pour qui la descente était un moyen de se reposer avant la prochaine côte. Il y avait ceux qui montaient la côte tranquillement et qui se régalaient à l’idée de basculer sur un sentier et axer leur pratique sur le pilotage. Il a fallu que l’on concrétise ce besoin par des séries de courses qui aujourd’hui portent le nom d’enduro. Je pense que dans le paysage, cela devient la troisième discipline majeure du VTT.
Ces disciplines peuvent-elles cohabiter ou l’une d’elles est vouée à disparaître ?
Je ne souhaiterais pas qu’une discipline prenne le pas sur les autres. J’adore l’idée de diversité de l’offre de trois disciplines. Le VTT a ses fans, procure de la joie et des peines. C’est une discipline qui peut être magnifique. Je comprends que des gens soient fans de cela. La DH est la discipline la plus spectaculaire du mountain bike et le restera. On peut dire que c’est la Formule 1 du mountain bike. Tout le monde ne peut pas s’identifier et ne peut pas pratiquer surtout au niveau requis actuellement. L’enduro permet de mélanger tout cela. C’est un équilibre entre effort physique et dextérité technique. C’est très bien si l’on arrive à pérenniser ces trois disciplines. Il ne s’agit pas de déshabiller deux disciplines pour en encourager une autre.
Le fait que l’enduro ne soit pas géré par l’UCI peut-il être délicat pour l’avenir de la discipline ?
Nous avions beaucoup avancé avec l’UCI pour sortir dès 2013 une première Coupe du Monde d’enduro. L’UCI, pour des raisons qui lui sont propres, a stoppé le processus. On a simplement fait aboutir le projet sous le nom d’Enduro World Series en se reposant sur les compétences des organisateurs les plus crédibles et les plus avancés. Nous sommes très satisfaits de cette première année, tout comme l’ensemble des concurrents et des teams. Cela crédibilise notre travail. En 2014, on repart pour une deuxième année où on essayera de corriger les petits points qui méritent de l’être. Les ponts ne sont pour autant pas coupés avec l’UCI. Au moment opportun, on sera ouvert pour discuter et pour, espérons-le, trouver une solution pour le bien de la discipline et du VTT.
Comment appréhendes-tu le créneau du VTT électrique ?
Je trouve cela extrêmement bien. Cela ouvre la discipline à une nouvelle clientèle. Cela peut correspondre aussi à une clientèle qui pratique déjà le VTT, mais qui y trouvera d’autres plaisirs. Je vois cela d’un œil positif. Je n’ai qu’une crainte. Aujourd’hui, il est facile de cacher les motorisations et j’ai peur que des apprentis sorciers sortent de la réglementation qui limite les moteurs à 250 watts et 25 km/h et que l’on se retrouve avec des mini moto-cross électriques. On pourrait devoir faire face à quelque chose qui pourrait mettre en péril le VTT dans son intégralité. Attention à ceux qui par appât du gain rapide lâchent déjà cela dans la nature ! Si tout se passe dans les règles et que tout est bien encadré, c’est très prometteur et génial, mais attention à ne pas sortir de la législation !
Il y a débat sur le lieu de naissance du VTT aux États-Unis. Mais en France, selon toi, où est-il né ?
Dans l’état actuel de mes connaissances, je serais tenté de dire que le VTT est né avec le Roc d’Azur derrière chez moi et j’en suis très fier (il rit) ! La naissance d’un phénomène comme celui-là est liée à un événement comme cela. Je serais prêt à accepter cette idée.