On se souvient tous de ta deuxième place aux Championnats du Monde en 1994 à Vail aux Etats-Unis, peux-tu nous rappeler les grandes lignes de ta carrière et à quel moment tu as touché ton premier VTT ?
Ecoutez, mon premier VTT, je l’ai touché un peu par défaut parce que mon domaine c’était plutôt le ski. J’ai fait une grosse chute et j’ai subi une opération du genou, c’est là que j’ai découvert le VTT, dans ma région: les Vosges, avec une petite équipe très sympa. Je me suis mise à rouler avec eux et on est arrivé sur les premières Coupes du Monde où on était logé dans des tentes et avec une ambiance de folie. Cela m’a beaucoup plu à l’époque car c’était du Cross country et de la descente donc le combiné entre l’effort et la descente avec des trajectoires précises, c’était exceptionnel ! L’ambiance, les paysages fantastiques… J’avais trouvé un équilibre.
Donc tu aurais touché ton premier VTT vers la fin des années ’80 ?
Alors, que je calcule… Oui, tout à fait, c’était en 1986. Mon premier vélo était un MBK bleu, après j’ai roulé sur un Merlin Fox puis sur un Scott.
Au début des années ’90 quand tu pilotais, était-ce suffisant pour vivre ou avais-tu besoin d’une activité professionnelle complémentaire ?
Au début, je me souviens après le BAC, j’allais travailler l’hiver en Suisse dans l’hôtellerie pour me faire de l’argent et puis après j’ai fait les saisons, mais c’est vrai que j’ai eu de la chance car je suis vite rentrée dans le Team Scott où ils offraient de très bonnes conditions de travail. C’était parfait pour démarrer. J’ai pu voyager, être nourrie, logée et surtout faire les courses.
Quand as-tu arrêté ta carrière ?
J’ai arrêté en ’94, cela faisait 10 ans et j’étais contente. Je voulais vraiment profiter, avoir des enfants, j’ai fait des supers années, c’était le moment où il fallait faire un choix. Je m’étais aussi cassé l’omoplate au niveau du dos, je n’avais plus d’équipe donc c’était un virage. Bon, je n’ai aucun regret !
D’ailleurs, tu avais beaucoup plus un profil de descendeuse alors qu’aux Jeux Olympiques de ’96 il n’y avait que le Cross Country…
Oui tout à fait, du coup en ’94 je m’étais dit « Allez, je me mets à fond dans le Cross Country pour avoir une chance de participer aux Jeux », mais bon, le destin s’est fait comme ça…
Penses-tu que l’arrivée de La Poste en ’94/’95 t’aurait permis de devenir encore plus professionnelle ?
C’est vrai qu’après les Championnats du Monde de ’94, mon seul regret c’est de n’avoir pas été assez suivie. J’ai fait ma carrière de manière assez solitaire et je n’ai pas eu de personne pour me conseiller, comme un coach ou un directeur sportif, pour me dire « voilà maintenant tu rentres dans cette structure », je me suis retrouvée un peu seule… C’est à ce moment que le VTT a commencé à prendre de l’ampleur, et si j’étais rentrée dans une équipe, je pense que j’aurais continué.
Vers quel secteur as-tu rebondi après 1994 ?
J’ai toujours eu deux passions: le VTT et la gastronomie. J’ai été élevée dans une famille de boulangers pâtissiers. Cela faisait un moment que je rêvais d’ouvrir mon propre salon de thé donc au même titre que je me suis lancée à fond dans le VTT, je me suis aussi lancée à fond dans la gastronomie. Je vis de mes passions et je trouve cela super ! Désormais, j’ai un restaurant dans le petit village où je suis née, à Colmar. C’est un petit restaurant typique de montagne, en bois. J’aime ce que je fais et cela me permet de rouler un peu à côté.
Tu as connu l’époque de François Gachet par exemple, y a t-il des modèles de reconversion que tu aimerais citer ?
Dans mon cas, quand j’ai arrêté, j’ai vraiment quitté le monde du vélo. Cela ne fait vraiment que un an ou deux que je me reconnecte avec ce milieu. L’an dernier, j’ai revu Giovanna Bonazzi en allant en Italie. J’ai perdu contact avec ce milieu. Les seules nouvelles que j’ai, c’est dans les infos !
Avec le recul que tu as, penses-tu que cette discipline aurait pu prendre un autre tournant et devenir plus qu’une discipline dont on entend parlant une fois tous les quatre ans aux JO ?
Je trouve que la discipline a quand même pris un super virage. Je vois dans ma région, ça a bien pris et c’est bien suivi. Disons que cela n’a pas pris un mauvais virage. Cela aurait pu être pire avec trop de médiatisation, trop de sous et trop de dopage, donc finalement c’est bien, c’est resté un sport sain.
La route est dangereuse, cette discipline est plutôt orientée nature, penses-tu qu’elle peut encore passer un cap ?
Pourquoi pas, parce que de nos jours, il y a de plus en plus de chemins possibles, de nombreuses personnes s’engagent bénévolement pour encadrer les courses en Alsace ou dans les Vosges, des suisses et des allemands se déplacent pour venir dans les parcs… Je pense que ça a quand même pris un super essor.
Est ce que ton expérience passée et ta notoriété t’aident au quotidien ?
Je dirais que non car je suis assez timide, je ne communique pas trop à ce sujet. Jj’étais très réservée donc c’est quelque chose que je partage plus en famille ou avec des amis.
Mathilde Duriez, vélo101