Peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Emmanuelle Meissner, je suis d’origine Suisse mais j’ai couru pour la France. Je n’ose pas donner mon âge mais vous ferez vous même le calcul ! Je suis née en ’59. (Rires)
Le VTT, ça a été un coup de foudre ! J’ai d’abord pratiqué le ski de fond en compétition régionale avec beaucoup de montagnes mais le VTT c’était une autre manière de pratiquer la montagne. J’ai acheté mon premier VTT en 1987.
J’habitais la Haute-Savoie à l’époque, au début c’était horrible. J’allais dans les chemins de randonnée et quand on débute, on fait plus de portage que de VTT finalement. J’ai tout de suite adoré et je me suis surprise à me trouver des qualités de descendeuse dès le début. Comme j’avais une bonne condition physique, ça l’a fait tout de suite.
J’avais acheté une revue à l’époque avec la pub pour les premiers Championnats du Monde Open en 1987 à Villars-de-Lans. Je me suis lancée et pour ma première compétition open j’ai fait 3ème donc une vraie surprise et ça a été le moment déclencheur pour toute ma carrière.
C’était une époque où on pouvait pratiquer aussi bien la descente que le cross country, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui…
Oui absolument, à l’époque on pouvait pratiquer les deux comme je l’ai moi même fait. En 1988, j’ai été repérée par Yvon Rocher qui a été mon entraineur, j’ai intégré l’équipe de France et il m’a sélectionné tout de suite pour les Mondiaux parce que cela marchait très bien en Championnat de France.
Le Championnat de France à l’époque était en plusieurs manches et j’ai fait un TOP 3 à Praloup où j’ai fait mon premier saut, car je n’avais jamais sauté ! J’ai raté le coche pour les Championnats du Monde à Durango en 1991 aux Etats-Unis mais après j’ai fait ceux de Barga en Italie en 1991.
Comment as-tu fait à l’époque pour subvenir à tes besoins ?
J’ai commencé vraiment tard, j’avais des qualités mais le contexte familial a fait que je n’ai pas pu avant. J’avais une profession à mi-temps en parallèle dans le paramédical en tant que diététicienne. Donc je menais de front cette profession et ma carrière de sportif de haut niveau, même si ce statut ne se mettait que doucement en place à cette époque. Je me suis entrainée dans des conditions pas possibles, l’après-midi après le travail ou avant…
Globalement, les compétitions ou les sponsors ne t’ont pas permis de gagner de l’argent ? Il n’y avait pas de notion de contrat avec les marques ?
Non, à l’époque le Mountain Bike n’était pas encore bien organisé mais j’ai eu la chance d’être sponsorisée, même si ce n’est pas quelque chose que j’ai forcément recherché car tu as plus de libertés si tu n’as pas de sponsors. J’ai travaillé comme monitrice de ski de fond dans une station de ski avec Manu Hubert et on a monté le Team Marin Grand Massif. C’était la première équipe féminine donc c’était assez avant gardiste. C’est comme cela que j’ai eu la chance de faire les deuxièmes Championnats du Monde de descente où j’avais fait un TOP 10 au général, même si j’étais Master, car à l’époque, on était Master à partir de 30 ans. J’avais eu un prime par la Fédération, mais franchement, pas très conséquente.
Combien de temps as-tu continué à rouler à ce niveau ?
J’ai continué à rouler jusqu’en 1993 où le hasard des choses a fait que j’ai eu un problème personnel, et même s’il y avait des projets en route, j’ai dû arrêter. J’aurais dû, j’aurais pu et j’aunais aimé continuer ! En revanche, je roule encore un peu, j’ai été Championne du Monde de Cross Country en Master à Praloup en 2009 et j’ai été deux fois vice-championne du Monde.
Comment as-tu rebondi et as-tu réussi à rester au contact avec le monde du vélo après 1993 ?
J’ai continué à en faire parce que j’adore ça. J’ai passé le Brevet d’Etat cycliste et j’ai enseigné le vélo dans les Hautes-Alpes. J’avais un magasin de location VTT et j’ai aussi créé un petit centre VTT. Cela m’a ouvert les portes vers le vélo de route et maintenant je pratique les deux, même plus la route que le VTT.
J’ai rencontré Mavic après avoir travaillé pour Salomon où j’étais en charge de la promotion du ski nordique au niveau national. J’ai donc commencé à travailler pour Mavic donc il y a une certaine logique dans ma carrière, j’ai fait du vélo à haut niveau , maintenant je continue à le pratiquer et je travaille dans ce milieu.
A l’époque, il y avait une certaine concurrence entre le cyclisme de route et le VTT, comment es-tu parvenue à te sortir de cela ?
J’avais seulement l’image des cyclistes de route qui s’étaient reconvertis au VTT et ce n’était pas forcément une très bonne image… Après l’affaire Festina, c’était une sale image.
Quel poste occupes-tu actuellement ?
J’utilise mon BE ski de fond et je suis actuellement coach au Ski Club de Serre-Chevalier, donc ski de fond l’hiver et vélo l’été. Cela commence très tôt chez Mavic avec le Paris-Nice où je suis assistante promotrice des ventes. Ce qui est drôle, c’est que j’ai eu la place parce que j’ai le permis poids lourd ! C’est un ensemble de bagages qui fait qu’à un certain âge on a pleins de compétences. Moi, j’adore ça ! On conduis le camion, on monte le stand, on fait de la vente, moi j’adore être au contact du public ! Il être polyvalent et très adaptable, souple. C’est une super reconversion.
En revanche, je ne me suis jamais servie de mon titre de Championne du Monde car pour moi, à l’époque, c’était facile, il n’y avait pas trop de concurrence. Je relativise ce titre, j’ai eu beaucoup de plaisir à courir et à être en équipe.
As-tu en tête un exemple de reconversion de ton époque ?
Oui, on peut citer Sophie Kempf qui a ouvert un restaurant en Alsace qui marche très bien, même si ce n’est pas dans le monde du vélo. Après, j’ai gardé peu de contacts car j’étais déjà en décalage par rapport à mon âge et à la différence de génération. Nous avons tous pris des chemins très différents.
Aurais-tu aimé faire une carrière route où il y a plus de moyens ?
Non, pas personnellement, ce n’est pas quelque chose qui m’attire, non. Je préfère le VTT qui associe technique et effort physique. C’est une discipline que j’adore ! La seule chose que je regrette, c’est de ne pas avoir pratiqué ce sport plus vite, plus tôt et plus jeune à haut niveau.
Mathilde Duriez, vélo101