Le premier rendez-vous du VTT au monde est donc né en 1984. Notre photo a tout d’une relique. Pas plus de sept participants aux vélos et VTT improbables et aux tenues qui n’ont plus cours aujourd’hui prenaient le départ du premier Roc d’Azur. Relier Ramatuelle à la Place des Lices à Saint-Tropez, c’est le défi lancé par Stéphane Hauvette, dont une partie de la famille habite Beauvallon, tout proche, à quelques copains. Certains possédaient un VTT, d’autres qui ont dû faire avec ce qu’ils avaient. Le premier vainqueur de ce défi sportif et convivial est Larbi Midoune.
Le VTT est né Mountain Bike à l’ouest des Etats-Unis où des génies créatifs ont choisi de « sortir de la route » au propre comme au figuré pour découvrir les sentiers battus. Ils ont dû adapter les vélos (vitesses, pneus, plateaux…) et les Vélos Tout Terrain sont progressivement apparus avec les compétitions et défis qui vont avec. C’est ce début de phénomène qu’a perçu Stéphane Hauvette en 1983. Aussi, il est un des premiers à rapporter un VTT de son périple nord-américain. Cet homme ayant participé aux premiers Paris-Dakar connaît du monde et va le faire savoir aux médias et aux marques : c’est parti pour une saga VTT de plus de 25 ans, déjà.
Roc d’Azur, pourquoi Roc d’Azur ? Pour Azur, c’est simple. Mais pourquoi Roc ? En fait, en bon amateur de BD qu’il est, Stéphane Hauvette a repris un célèbre juron, « roc de nazes », dans le Concombre Masqué de Mandryka. Le concept est né : un rassemblement de fin de saison, du beau temps (presque toujours), des passages magnifiques en bord de mer et à l’intérieur du massif des Maures, et le portage sur la plage, une hérésie pour des vététistes (il faut pousser le VTT sur des centaines de mètres) mais un plus que chacune des éditions a su maintenir. Le succès n’est pas tout à fait immédiat. 30 concurrents en 1985, on dépasse la centaine en 1986. Mais la structuration du VTT va aller de pair avec le développement du Roc d’Azur : création de l’Association Française du Montain Bike (AFMB) qui intégrera la Fédération Française de Cyclisme en 1988, et dont le président sera Stéphane Hauvette. Le premier magazine VTT est créé en 1987, VTT Magazine, partenaire historique du Roc. Et puis des gammes spécifiques au VTT se développent chez les grands du cycle et accessoires. Le phénomène VTT s’installe progressivement entre sport et loisir, plus nature que le cyclisme sur route, plus familial aussi, plus technologique (il apporte un souffle nouveau à l’industrie du cycle en recherche après l’essoufflement du BMX). Bref, le VTT est à la mode et le Roc en est le parfait révélateur.
Les premiers Championnats du Monde, encore non-officiels, ont eu lieu, et en 1989 le Roc passe un premier cap, celui des 1000 engagés, avec pour la première fois une catégorie femmes remportée par Nathalie Ségura, première égérie du VTT. Cette année-là, Olaf Candau l’emportait chez les hommes. Le Roc d’Azur se structure, il s’installe au village Léo Lagrande à Ramatuelle, à la fois pour les hébergements, la zone de départ-arrivée, mais aussi pour le village des partenaires. L’industrie du cycle et les prestataires VTT (loueurs et autres) ont rejoint progressivement le mouvement et le calendrier a fait le reste. Placé en octobre, le plus souvent, le Roc permet aux marques de montrer aux passionnés les vélos, les composants qui vont être sur le marché pour la saison à venir : de quoi rêver avant de passer à l’action et à la caisse. Au départ, chacun vient avec sa tente d’assistance, d’exposition, un joyeux mélange des genres. Le VTT c’est ça et ce côté parc d’assistance à ciel ouvert plaît aux concurrents comme aux visiteurs.
En 1990, ce sont les premiers Championnats du Monde officiels à Durango, dans le Colorado. Un ancien vainqueur du Roc, Patrice Thévenard (1988), y flambe et la France devient peu à peu une nation leader dans le vélo « avec des gros pneus ». A tel point qu’elle obtient les Championnats du Monde édition 1993 à Métabief, dans le Doubs. Succès populaire énorme, les partenaires économiques et médias sont bien présents au rendez-vous (premier direct sur Eurosport à l’occasion de la descente remportée par Mike King). Le VTT est lancé. D’autant plus que le CIO le reconnaît et qu’Atlanta fêtera la première du cross-country aux Jeux Olympiques. Côté Roc, les années se suivent et voient le développement de l’événement, de plus en plus d’épreuves, notamment les Kids Roc, les Randos Roc, entre autres. Plus d’exposants et une histoire qui s’écrit avec les excès côté nature où quelques passages à gué se font « à la nage » après les orages nocturnes mais le public VTT suit.
1994 marque un tournant pour le Roc, Stéphane Hauvette souhaite passer la main. Il a bien coopéré avec la Fédération Française de Cyclisme et son agence marketing ISL à l’occasion de Métabief 1993 et c’est tout naturellement qu’il vend à parts égales le Roc fin 1994. Novembre 1994, c’est aussi l’arrivée marquante d’un très gros partenaire du VTT pour six saisons : La Poste quitte le vélo de route pour devenir partenaire du VTT, c’est la création de la Coupe de France La Poste dont le Roc devient la finale. La Poste soutient des athlètes avec des conventions d’athlètes de haut niveau, devient partenaire de l’équipe de France de cross-country. Des randos La Poste sont créées et le réseau soutient localement des milliers d’épreuves.
Toujours installé à Ramatuelle, le Roc passe de moins de 4000 à 5600 puis 6300 participants en 1995/1996. Le futur champion olympique Bart Brentjens gagne le premier Roc de la nouvelle ére en 1995 et les teams se structurent avec des camions-ateliers dignes des Grands Prix motos ou du moto-cross. Seul souci, Ramatuelle c’est le terroir de familles très connues dans le monde des entreprises et de la finance. Ces familles ne souhaitent pas voir passer de plus en plus de vététistes au bas ou à proximité de leurs propriétés, notamment avant le Roc où chacun vient reconnaître le parcours. Le maire de Ramatuelle se fait le relais de ses administrés, son discours est simple : « le Roc d’Azur doit tout à Ramatuelle et Ramatuelle ne doit rien au Roc d’Azur ». Les actes suivent et le Roc est rejeté en 1996 à Cogolin, au carrefour de la Foux. L’édition est gâchée par un site départ et arrivée indigne de l’événement. La remise en cause a déjà été faite bien avant cette édition qui verra le Roc s’éloigner un peu des Maures pour se rapprocher un peu de l’Estérel.
1997, c’est LE grand tournant. La FFC et ISL ont investigué trois sites potentiels pour accueillir le nouveau Roc. Il faut tenir compte des capacités d’hébergement, des structures fixes pour l’accueil, des parcours donc de la proximité de la mer avec des massifs de façon à ne pas « dénaturer » l’événement, et bien sûr de l’implication de la ou des collectivités locales. Quatre sites sont finalement en concurrence : les Bouches du Rhône et Carpiagne, Roquebrune Cap Martin (vite abandonné), Cap Estérel avec Pierre et Vacances pour son côté western et puis Fréjus en association avec Roquebrune-sur-Argens. Fréjus et son maire, François Léotard, bien soutenu par l’office des sports, a bien compris l’importance économique de ce qui devient le premier événement VTT au monde. Toujours placé vers la mi-octobre, le Roc remplit les hôtels, campings et gîtes à une période où les touristes sont loin.
L’ancienne base militaire reconvertie en base nature est l’endroit idéal pour accompagner le développement du Roc, des structures en fixe qui permettent d’accueillir les exposants (presque) au sec, des parkings à la dimension des milliers de coureurs et de spectateurs, de l’espace pour les arrivées et départs sur la base et surtout pour accueillir les premières vraies animations (GT Bike air show, trial, Mom’Roc) en parallèle avec le développement des structures d’assistance technique des teams. Les 38 tonnes arrivent et ils ont besoin de place, ils sont partie prenante du succès du Roc car les pilotes y sont accessibles et le matériel fait rêver les milliers de visiteurs.
8500 participants en 1997, 10 900 en 1998. C’est l’année de création du site www.rocazur.com, en quelque sorte un premier pas de www.velo101.com. Le Roc prend de l’ampleur chaque année et devient le rendez-vous incontournable de la profession : le salon dépasse les 10 000 mètres carrés, le « paquebot » est devenu trop petit, il faut lui adjoindre une structure toilée. Les animations sont à elles seules une des motivations de déplacement des spectateurs et les parcours tracés par Alain Bianchi ravissent les participants, même s’il faut traverser une nationale pour quitter et retrouver la base nature, là où sont aménagés départs et arrivées. Sur deux jours, le nombre de courses et donc de participants est devenu trop important. Seule Génération Roc, épreuve réservée aux collégiens et lycéens de l’académie, a trouvé sa place le mercredi après-midi, histoire de lancer l’événement.
C’est la voie d’avenir pour le Roc, pour éviter l’asphyxie, il faut étaler les épreuves, d’autant plus que le phénomène 35 heures s’installe dans les agendas. Avec 12 900 coureurs en 1999, les parcours et le sportif ne suivent plus. Dès 2000, le programme s’étend au vendredi après-midi et évite une partie des embouteillages. L’an 2000, c’est aussi le moment que choisit la FFC et son président Daniel Baal pour vendre ses parts à ISL qui prend l’organisation à sa charge bien soutenue par la ville de Fréjus et son maire Elie Brun, qui ont bien compris l’impact d’un tel événement sur l’économie locale. ISL est rachetée par Havas, entretemps, et le Roc d’Azur nouvelle version prend chaque année un peu plus d’ampleur. Le salon devient à la fois celui du VTT mais aussi de la route. De nouvelles épreuves sont rajoutées : Enduro, Roc des Ruelles, finale de la Coupe du Monde de BMX, descente (seule la création d’une cyclo se révèle être un échec). Le nombre de nations présentes dépasse la vingtaine dont les Nord-Américains qui viennent même gagner le Roc comme la Canadienne Alison Sydor en 2004 et 2006.
Côté participants, même si les années 2000 ont vu un léger recul, tout repart à la hausse très vite. Un peu plus de 13 000 participants en 2004 puis 14 132 en 2005 répartis sur dix-sept épreuves, les records tombent chaque année mais la magie opère toujours et les inscriptions sont très vite closes. Notamment pour le « grand » Roc du dimanche ou pas moins de huit vagues de 500 coureurs sont admises. Les derniers partants ont ainsi le « loisir » de connaître le nom du vainqueur de la course à laquelle ils/elles vont participer !
Les difficultés financières de la société Sportys (émanation « régie » de la branche Havas Sport) ont donc amené le Roc d’Azur à être repris par un nouveau propriétaire, Amaury Sport Organisation, qui avait fait ses premiers pas à l’occasion du Tour de France VTT, épreuve par étapes qui n’a pas connu le succès attendu, notamment le côté populaire de son célèbre cousin de la route. Déjà organisateur d’événements outdoor comme l’Oxygen Challenge, ASO et ses équipes ont la connaissance, la motivation, le professionnalisme, la passion qui, conjugués aux capacités exceptionnelles de Fréjus et des collectivités locales, feront que le Roc est et restera l’événement que le monde entier nous envie. Une pépite, un rendez-vous incontournable pour tous, qu’ils soient pilotes connus, participants, industriels, spectateurs et médias.
La 28ème et prochaine édition du Roc aura lieu du 5 au 9 octobre.