Nous l’annoncions hier soir au terme de la première étape, rien n’était joué à l’issue du premier run vertacomicorien. Du fait du faible écart entre les équipes de tête (28 secondes entre les premiers et les seconds) et aussi parce que sur ce type d’épreuve d’endurance empruntant des itinéraires techniques et piégeurs, tout incident se paye au prix fort.
Pour autant, en comparaison de la première étape, celle du jour s’annonçait moins décisive (longue seulement de 59 kilomètres malgré un dénivelé positif conséquent). Et ce d’autant plus que les équipes devaient dès hier 21h30 enchaîner avec une étape de nuit que beaucoup de coureurs redoutaient. On s’attendait donc à un départ prudent des équipes leaders. Il n’en fut rien et dès les premières difficultés à la sortie de Luc-en-Diois, Bruno Mestre et Hervé Gilly (Team Scott-Vélo 101-Risoul) mettaient la poignée dans le coin. « Nous n’avions pas de stratégie préétablie au départ, confiait Bruno Mestre. Mais en fonction de la forme de nos adversaires nous escomptions prendre du temps sur eux en prévision de l’étape de nuit. »
Et dès Le Pilhon, village perdu mais ô combien accueillant (douze habitants permanents mobilisés pour tenir le ravito) du Haut-Diois, le Team Scott-Vélo 101-Risoul avait déjà creusé un écart de 2’30 » sur les vainqueurs de la veille, Respectons la Terre, et le Team Lafuma Vibram emmené par Guillaume Demangeon, fermement décidés depuis la veille au soir à vendre chèrement leur peau. Las entre Le Pilhon et le col de Cabre, Guillaume Demangeon et Baptiste Turrel écornaient un peu plus leur chance de revenir sur la tête de course en subissant une double crevaison. « L’incident mécanique explique notre retard mais moi qui suis plus un raider multisports je suis 5 % en dessous de mon coéquipier et du coup le rendement de l’équipe s’en ressent », expliquait Baptiste Turrel à l’arrivée à Aspres-sur-Buech.
Au col de Cabre, l’avance de Bruno Mestre et d’Hervé Gilly s’était encore accrue, passant à cinq minutes sur le team Respectons la Terre et sur Egobike Tifosi qui entrevoyait là une ouverture pour la troisième place à Gap demain dimanche. A l’arrivée, l’écart était encore plus conséquent, atteignant dix minutes sur Respectons la Terre et près de douze minutes sur Team Lafuma Vibram, qui limitait la casse. Hervé Gilly et Bruno Mestre pouvaient se réjouir de la revanche prise sur la première étape. « Nous avons fait une course au train, car il reste deux étapes difficiles dont celle de cette nuit pour laquelle nous n’avons pas beaucoup d’expérience, même si je vais au boulot de nuit en vélo… », déclarait Bruno Mestre dans un grand éclat de rire.
Car ces deux-là, outre le fait d’être des rouleurs hors pairs, sont aussi des experts en matière de guerre psychologique. En effet, depuis le départ de Villard-de-Lans, le bruit court dans le peloton des Chemins du Soleil que les deux compères sont avant tout des routards. Sous-entendu les difficultés techniques et notamment les descentes scabreuses devraient bien finir par avoir raison de leur domination. A cette question que tout le monde se pose et que le suiveur du team Scott-Vélo 101-Risoul élude par des réponses évasives, Bruno Mestre finira par répondre quelques minutes après leur victoire à Aspres, toujours avec un grand sourire. « Ce n’est pas parce que nous sommes intégrés dans un team plutôt spécialisé route que nous ne venons pas du VTT. Au contraire Hervé et moi avons le goût de la terre. » Sans avoir entendu la réponse de Bruno Mestre, Guillaume Demangeon, avec qui nous évoquions les conditions particulières de l’étape de nuit (pilotage spécifique) et les écarts possibles lâchait : « de toute façon, habitude ou pas, si ces deux-là roulent ce soir comme aujourd’hui, ils sont intouchables. » Verdict dans la nuit. – Jean-Claude Ragache