Auteur d’un début de saison surprenant avec des podiums à Pietermaritzburg, Houffalize et Offenburg, le champion d’Allemagne Wolfram Kurschat (Team Topeak Ergon) intrigue par ses résultats tardifs et prometteurs. Ce serait vite oublier son passé et son envie de renouer avec sa première vie, celle d’un grand espoir mondial du VTT. Rencontre avec un pilote discret qui a su mettre entre parenthèses un début de carrière sportive prometteur au profit de belles études et d’une vie familiale. Rencontre avec l’aigle bavarois à deux têtes.
Wolfram, peux-tu nous rappeler ton parcours ?
J’ai 34 ans et je vis dans le sud-ouest de l’Allemagne, à Neustadt. Je suis marié et j’ai des enfants. Cela fait presque vingt ans que j’ai débuté la compétition en VTT ! J’ai débuté la compétition en même temps que des coureurs comme Michael Rasmussen, Christoph Sauser ou Roel Paulissen. On se connaît depuis les rangs Juniors. J’ai commencé ma carrière en 1992, en tant que Junior. Cette année-là, j’ai fini 2ème au Championnat du Monde XC, en Autriche, derrière l’Italien Dario Cioni. En 1993, je n’ai pas eu de très bons résultats mais j’ai poursuivi tout de même. En 1997, j’ai remporté la Coupe d’Europe Espoirs devant Christoph Sauser, mais je me suis orienté vers les études. En 1998-1999 j’ai dominé les courses nationales en devenant champion d’Allemagne et je suis parvenu à me classer dans le Top 10 de courses internationales. Puis, en 2002, j’ai décidé de m’investir complètement dans mes études de pharmacie. J’ai terminé en 2006 par un stage d’un an jusqu’en 2007. Durant mes études, le sport est devenu secondaire. Mais j’ai toujours eu pour objectif de revenir au niveau mondial, de reprendre le cours de ma carrière et de renouer avec mon passé de sportif de haut-niveau. Je ne viens pas de nulle part, je suis là depuis bien longtemps et j’espère pour quelques temps encore.
Tu as effectué un début de saison très performant et surprenant, avec des podiums en Coupe du Monde et des victoires en Bundesliga. Quelle analyse en fais-tu ?
Durant mes études, mon potentiel était toujours là mais je ne pouvais pas l’exploiter. Je n’avais ni le temps, ni les conditions familiales pour m’entraîner et réaliser des performances. En 2008, je voulais fêter mon retour car les années précédentes j’étais déjà revenu sur des épreuves de Bundesliga, avec des podiums et des victoires en 2007 et 2008, mais pour la Coupe du Monde mon retour complet s’est effectué en 2009… à mon meilleur niveau je pense. Je m’étais délibérément focalisé sur le début de saison avec les trois premières manches de Coupe du Monde : Pietermaritzburg, Houffalize et Offenburg. Ce sont des circuits qui me conviennent bien, je suis un bon grimpeur. Techniquement, si on me compare à Absalon, Hermida, Vogel ou Schurter, c’est certain que je ne suis pas aussi bon ! Ce sont ces lacunes qui m’ont privé de bons résultats sur les circuits techniques, au Canada notamment.
Malgré tes faiblesses en descente, Julien Absalon t’a redouté en début de saison car tu es un redoutable grimpeur. Comment t’entraînes-tu ?
Toute l’histoire commence en fait lors de mes études. J’avais peu de temps pour m’entraîner dans la journée puisque j’étais à l’université. Je m’entraînais donc le soir, sur le home-trainer, pour garder un minimum de forme. Pendant les vacances, je faisais toujours plus de VTT, je roulais dehors et je participais à quelques petites courses choisies. C’est pour cela aussi que j’ai perdu de l’aisance technique. J’espère que je pourrai récupérer pendant les mois à venir dans l’objectif d’avoir un meilleur pilotage en 2010.
Malgré les mauvais résultats des manches canadiennes, quels étaient tes objectifs pour le classement général de la Coupe du Monde ?
Mes résultats au Canada n’ont pas été très bons car les parcours exigeaient beaucoup de technique, un très bon pilotage. Malgré tout j’avais l’objectif de terminer dans le Top 5 du général en effectuant deux belles épreuves en Suisse et Autriche. J’ai réalisé une course moyenne à Champéry, où ma technique m’a pénalisé, et j’ai pris la 31ème place. A Schladming, ça a été plus concluant avec une 10ème place. Au général, j’ai pris la 7ème place. C’est un résultat encourageant pour la saison prochaine.
Tu n’étais pas présent au Championnat du Monde organisé en Australie. Pour quelles raisons ?
Cette saison, j’ai renoncé au Championnat du Monde parce que le parcours était très technique et que je ne me sentais pas à l’aise. En concertation avec le team, j’ai donné priorité au Championnat du Monde Marathon, que j’ai terminé 5ème. Mais en 2010, je souhaite courir le Mondial qui aura lieu au Mont-Sainte-Anne au Canada. Là, je sais ce qui m’attend, je connais le parcours et je vais m’y préparer comme il faut, notamment en technique.
Avec le changement de nationalité des frères Fumic, comment se porte le VTT en Allemagne, dont tu es le champion national 2009 ?
Le VTT s’est beaucoup développé en Allemagne ces dernières années. Il y a de plus en plus de spectateurs sur les épreuves de Bundesliga et notre sport bénéficie d’une reconnaissance en hausse. Votre champion, Julien Absalon, apprécie de courir chez nous et dit souvent qu’une manche de Bundesliga a un niveau sportif très élevé, parfois proche d’une Coupe du Monde. C’est agréable d’entendre cela de sa part. Je suis curieux de voir comment va se poursuivre le développement de notre sport car je suis convaincu qu’il y a encore du potentiel. Les frères Fumic sont adorés par leurs fans mais aussi détestés par beaucoup de personnes parce qu’ils font beaucoup de choses négatives pour notre sport, notamment en Allemagne. Et leurs performances génèrent toujours de la suspicion. Mais je ne souhaite pas en parler d’avantage. En Allemagne, nous avons de bons coureurs avec Moritz Milatz, moi-même, Robert Mennen… qui participent aux épreuves de haut niveau. Je crois que ce n’est pas important que les frères Fumic continuent à courir en Allemagne ou dans un autre pays d’ailleurs !
Peux-tu nous présenter ton équipe Topeak-Ergon ?
Le team est devenu une équipe très professionnelle. Le projet a pris forme en 2006 avec le recrutement d’Irina Kalentieva, puis le mien en 2007. Irina a été championne du monde en 2007 et 2009. Nous avons aussi des jeunes prometteurs comme Robert Mennen, qui participe à la Bundesliga et à quelques manches de Coupe du Monde. Nous n’avons pas un gros effectif mais nous travaillons ensemble de façon intensive en nous concentrant sur des épreuves internationales ciblées. La structure bénéficie du partenariat de prestigieuses entreprises allemandes : Rotwild, Continental, Magura… Rotwild restera notre partenaire vélo en 2010.
Remerciements à Anouk, professeur d’allemand à Mende, pour la traduction.
Propos recueillis par Jean-Baptiste Trauchessec le 4 décembre 2009.