Pauline, tu as pris récemment une décision importante en mettant un terme à ta collaboration avec Yvan Clolus pour retrouver Gérard Brocks pour entraîneur. Qu’est-ce qui a déterminé ce choix ?
J’ai d’abord vécu un hiver compliqué avec ma fracture du plateau tibial. J’ai repris l’entraînement de manière assez soutenue en janvier, février et mars. J’ai accumulé beaucoup d’heures de selle, ce que j’aime faire, mais je me suis rendue compte que ce n’était pas forcément la manière dont je voulais m’entraîner. Dans le même temps je n’avais jamais eu de sensations aussi mauvaises. Je me suis alors posé quelques questions. Et j’ai choisi de me tourner à nouveau vers Gérard Brocks, sachant qu’il me connaît bien. C’était mieux de faire confiance à quelqu’un comme lui quand on sait quel changement cela représente juste avant les Jeux Olympiques. La programmation des entraînements s’en trouve facilitée puisque Gérard supervise aussi Julien (NDLR : Absalon, son compagnon). Nous pouvons partir à l’entraînement ensemble avec des intensités communes, c’est plus simple à gérer.

Gérard Brocks fut ton entraîneur pendant cinq ans avant que tu ne t’en détournes il y a quatre ans. A-t-il évolué dans ses méthodes de travail ?
A l’époque, il voulait que je choisisse entre route et VTT, c’est aussi ce qui avait mis fin à notre collaboration. Nous en avons reparlé, évidemment. Nous sommes toujours restés en très bons termes. On se donnait souvent des nouvelles l’un l’autre. Finalement, c’est comme si nous n’avions jamais arrêté de travailler ensemble.

Ta saison jusqu’alors reste tronquée par des ennuis de santé, comment comptes-tu redresser la barre d’ici aux Jeux Olympiques ?
Je viens de vivre un début de saison vraiment difficile avec mes problèmes de sciatique que j’ai mis du temps à régler. Jai fait deux infiltrations il y a deux semaines. Je sais aujourd’hui qu’il faut que je cours, que je retrouve le rythme de la compétition. C’est pourquoi je suis allée sur la Cyclo Valberg dimanche pour essayer de relancer la machine. Cette semaine, je dispute le Tour du Trentin avec mon équipe pour ensuite m’aligner, si tout va bien, sur les Championnats de France chrono et course en ligne à Vesoul. Je conclurai ma phase de préparation pour les Jeux par les Championnats du Monde de VTT à Nove Mesto le dimanche 3 juillet.

Jolanda Neff semble invincible cette saison. Comment appréhendes-tu sa concurrence ?
On a vu l’année dernière qu’elle était aussi invincible en début de saison, et finalement elle est passée au travers au Mondial. Je dirais que c’est plutôt bon pour moi qu’elle soit bien maintenant. Le VTT interviendra à la fin des JO, dans un peu plus de deux mois encore. D’ici là, il faudra qu’elle tienne cet état de forme… C’est sûr qu’elle est pour l’instant très impressionnante, mais il reste deux mois devant nous.

Comment vas-tu gérer l’entre-deux entre la course en ligne des Jeux Olympiques le dimanche 7 août et le VTT le samedi 20 août ?
C’était la grosse question logistique entre rester au Brésil ou rentrer en Europe. Mais je n’ai pas envie d’avoir encore à subir le décalage horaire durant cette période. Je vais donc rester à une heure et demie de Rio, dans les montagnes, pour pouvoir m’entraîner. Julien Absalon, qui ira courir au Mont-Sainte-Anne le 7 août, viendra m’y retrouver. Nous aurons une semaine et demie plus tranquille pour pouvoir peaufiner ensemble notre préparation.

Tu possèdes en outre déjà l’expérience d’une Olympiade, ça compte ?
Avoir déjà fait les Jeux Olympiques me procure une grosse expérience en plus. Jolanda Neff va disputer ses premiers Jeux. Or ce n’est pas une compétition comme les autres. L’expérience des Jeux, c’est un gros avantage. Tu sais où tu vas. Avec Julien Absalon, nous allons être les deux « vieux » de la sélection !

Des Jeux réussis, ça passera par quoi ?
Sincèrement, ça passerait déjà par le fait de retrouver de bonnes sensations. Comme je l’ai dit je n’ai jamais eu de bonnes sensations cette saison. Qu’importe s’il n’y a pas de médailles à Rio, je veux y aller à 100 % de mes capacités. Si je dois me faire battre par plus forte, c’est le sport. Sur la route, je sais que mes collègues de Rabobank, les Hollandaises, seront parmi les favorites. Comme la championne du monde, l’Anglaise Lizzie Armitstead. Il ne faudra sous-estimer personne.

En VTT, la fédération a fait le choix de ne pas retenir Julie Bresset, tenante du titre, aux Jeux Olympiques de Rio. Comment as-tu pris cette nouvelle ?
Je suis évidemment très déçue pour Julie, qui a été la meilleure au monde pendant des années. Depuis trois ans, elle vit des moments difficiles. Je me mets à sa place, et je me dis que mentalement ça doit être super dur. Malgré tout elle est toujours là, elle ne baisse pas les bras, et je lui tire mon chapeau. Elle a appris ce week-end qu’elle souffrait d’une mononucléose. Pour moi, on n’est pas championne olympique par hasard. C’est sûr qu’il faut qu’elle persévère, ça reviendra un jour ou l’autre. Et ce jour là, quand elle laissera les galères derrière elle, je serai vraiment contente pour elle.

Rabobank mettra un terme à son partenariat avec l’équipe à la fin de l’année. De quoi sera fait ton avenir ?
L’équipe n’a visiblement toujours pas trouvé de repreneur. Je tiens à mon double projet route et VTT car c’est vraiment ce qui me motive au jour le jour pour aller à l’entraînement. Pour l’heure j’ignore par où passera mon avenir mais je veux seulement garder ce double projet. L’an prochain, je voudrais essayer de jouer le classement général de la Coupe du Monde VTT. Ça passe par la réalisation de toutes les Coupes du Monde. Il sera donc très important pour moi d’avoir un staff VTT, ce qui est encore un peu limite cette année.

On sent le cyclisme féminin pas loin de faire le grand saut médiatique. Partages-tu ce sentiment ?
Je vois vraiment la différence depuis que je suis devenue championne du monde sur route en 2014. Mon titre de championne du monde de cyclo-cross dans la foulée m’a confirmé encore l’intérêt que portent les gens au cyclisme féminin. Je pense en outre que le cyclisme féminin en France a pris de l’ampleur. On en veut toujours plus mais on est je pense sur la bonne voie.

Propos recueillis à Valberg le 12 juin 2016.